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Anjaam

Traduction : Conséquence

Bande originale

Badi Mushkil Hai
Chane Ke Khet Mein
Tu Samne Jab Aata Hai
Barson Ke Baad
Sun Meri Bano
Kolhapur Se Aaye Jhumke
Partighat Ki Jwala

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Lafrarie - le 28 avril 2008

Note :
(8/10)

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Après Darr et Bazigaar, Shah Rukh Khan endossa une nouvelle fois le rôle d’un désaxé malfaisant, probablement le personnage le plus sombre de son cycle "héros psychopathe". Il obtint d’ailleurs pour cette interprétation la récompense du meilleur acteur dans un rôle négatif aux Filmfare Awards de 1995.
Anjaam (Résultat Final) est un film sinistre, un concentré de violence débridée totalement assumée, sans pitié pour le spectateur, encore moins pour son héroïne. Une chose est sûre, âmes sensibles s’abstenir.

Shivani (Madhuri Dixit) est hôtesse de l’air. C’est une jeune femme pétillante et résolument moderne. Elle rencontre en discothèque un jeune homme inquiétant, Vijay (Shah Rukh Khan). Pour elle, il ne s’agit que d’un goujat sans grand intérêt. Pour Vijay, riche héritier un peu trop gâté, Shivani est LA femme, celle dont il croit être éperdument amoureux, celle qu’il veut posséder coûte que coûte, celle enfin qu’il fera sienne par tous les moyens possibles.
Bercé par ses propres illusions, le jeune homme tombe de haut quand il apprend le mariage puis le départ à l’étranger de la belle hôtesse. Tout aurait pu s’arrêter là ? Eh bien non. Quatre ans après, son obsession latente resurgit et s‘amplifie quand il revoit sa dulcinée. Il est plus que jamais décidé à atteindre son objectif quitte à la détruire, elle, et tous ceux qui lui sont chers.
L’anéantissement du bonheur, des espoirs, de la vie de Shivani, telle est la croisade que mène Vijay, avec un sadisme qui défie l’entendement. La jeune femme est ainsi happée dans un gouffre sans fond, entraînée par une succession vertigineuse de drames personnels. Mais arrive le jour où elle ne veut plus être la victime, mais le bourreau…

Si pour beaucoup Bollywood est vecteur d’histoires merveilleuses, il faut bien comprendre qu’Anjaam se situe aux antipodes de cette optique. Violence et angoisse sont ici les maîtres-mots, une cruauté frénétique et décomplexée qui peut surprendre l’oeil le plus averti. Pourtant cette violence occupe une large place dans le cinéma indien : les bagarres exaltées, les crimes infâmes, les corps meurtris, les visages ensanglantés, pour ne citer que ces exemples, sont monnaie courante. Au fil des visionnages, cette brutalité sur pellicule nous devient même familière, mais Anjaam franchit sensiblement la ligne jaune…

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Le début de la descente aux enfers.

Pourquoi donc regarder un film qui au mieux laissera une sensation de malaise, au pire une bonne migraine ?

En tout premier lieu, pour un thème si peu souvent abordé qu’il mérite qu’on s’y attarde, la vengeance au féminin. A l’instar d’Ek Hasina Thi, ce drame se penche sur l’évolution de son héroïne, de l’innocence à la plongée dans l’horreur absolue, et surtout sur sa capacité à transcender ses malheurs pour exécuter sa propre justice. Dans ces deux films, la femme, une fois n’est pas coutume, occupe une place prépondérante et triomphe de son principal adversaire, l’homme et son potentiel de cruauté.

Ensuite, pour l’excellente interprétation des acteurs. Shah Rukh Khan incarne de façon admirablement inquiétante son personnage. Au travers de ses tics, de ses manies, de ses attitudes, il transmet sans aucune difficulté la noirceur et la démence qui émane de Vijay. Il effraie sans rire de gorge machiavélique ni crispation de mâchoires. En un regard (et un spasme à l’épaule), il glace le sang et sème le doute dans l’esprit d’un spectateur effaré : « ce type à l’œil malsain, c’est bien le même qui joue Aman dans Kal Ho Naa Ho ? ». Le scénariste a d’ailleurs l’excellente idée de se désintéresser de l’origine du comportement de son héros. Il assume complètement l’ignominie de son personnage sans aucune justification d’un quelconque traumatisme dans l’enfance. Certes Vijay vit avec une mère aimante, dans un milieu très aisé, mais il s’agit bel et bien d’un psychopathe obsessionnel, sadique et érotomane, rien de plus.
Face à lui, la métamorphose de Madhuri Dixit retient également l’attention, de jeune fille qui croque la vie à pleines dents, elle devient un personnage de tragédie grecque qui subit les pires atrocités pour enfin se transformer en machine à tuer. Elle porte le rôle avec énergie, tant dans la douleur qu’elle communique que dans les batailles qu’elle livre contre ses ennemis, avec une force décuplée par la soif de représailles.

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L’archarnement de Vijay.

Gravitent autour de ce face-à-face des personnages secondaires assez efficaces. Si les rôles positifs sont souvent faibles ou déconnectés de l’intrigue, ce sont les méchants qui ont la part belle. Plus que des acteurs, ce sont des gueules que le réalisateur a castées, des mines patibulaires (le beau-frère, la matonne, le flic corrompu) aussi sinistres que leurs actions qui consolident une ambiance glauque permanente.
Second rôle comique incontournable des années 90, Johnny Lever nous gratifie une fois de plus de ses clowneries habituelles en incarnant ici un hijra* hystérique. Ses courtes apparitions sont complètement hors-sujet, mais une touche de burlesque dans ce monde de brutes n’est finalement pas si superflue. Le célèbre pitre fait office de soupape permettant de relâcher la pression d’une tension dramatique souvent élevée.

Anjaam bénéficie enfin d’une réalisation simple et précise. Elle se caractérise par une construction du récit en crescendo, le film débute par un long prégénérique (28 minutes) où l’ambiance est assez guillerette voire romantique, mais où l’inquiétude est déjà sous-jacente, on assiste ensuite à la montée en puissance du drame jusqu’à l’apothéose de la vengeance. On repense une fois de plus à Ek Hasina Thi qui s’inscrit dans la même progression, un effet accrocheur amenant le spectateur à vouloir en voir toujours plus et à surmonter son écoeurement pour connaître le dénouement. La mise en scène dépouillée de Rahul Rawail lui permet de s’attarder sur ses personnages tant sur le fond que sur la forme. Il abuse (à bon escient) des champs-contrechamps serrés au plus près des visages, les balayant aux moments-clés de clairs-obscurs oppressants. Un procédé académique il est vrai, mais rudement efficace pour bien signifier les antagonismes et appuyer les instants les plus funestes de l’histoire.

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"Ils vont tous payer…et le tribut sera lourd."

Pour conclure, le film est ponctué de jolis passages musicaux durant lesquels Madhuri, comme à son habitude, est toute en grâce et qui, au même titre que le personnage comique, apaisent un peu une ambiance lourde et souvent pénible.

Anjaam est donc une oeuvre âpre et malsaine, difficile à terminer sans avaler une aspirine, mais qui, grâce à d’excellentes têtes d’affiche, mérite vraiment le coup d‘oeil.

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