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Deedar-E-Yaar

Traduction : La vue de la bien-aimée

Bande originale

Sarakati Jaaye Hai Ruk Se Naqaab Aahistaa Aahistaa
Aaye Woh Phulon Ke Rath Par
Chala Chal Lifaafe Kabutar Ki Chaal
Id Ka Din Hai
Jana Jana Jaldi Kya Hai
Marne Ka Gham Nahi Hai
Mere Dildaar Ka Baankpan
Tumako Dekha Toh Samajh Mein Aaya

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Fiche IMDB
La critique de Fantastikindia

Par Raj Aryan - le 1er février 2013

Note :
(9/10)

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Deedar-e-Yaar est une expression empruntée à la langue persane qui signifie littéralement « la vue de la bien-aimée (ou du bien-aimé) ». Avec un tel titre, on peut être presque sûr de se retrouver avec un film sur la culture ourdoue avec des dialogues dignes de ceux de Mughal-e-Azam. Pourtant si tout le monde en Inde connaît les dialogues de Mughal-e-Azam, ceux de Deedar-e-Yaar sont quasiment inconnus. Le film a été un échec cuisant et une grosse perte financière pour Jeetendra — l’acteur principal — qui s’était aussi investi dans la production.

Ce long-métrage est pourtant le dernier réalisé par Harnam Singh (H. S.) Rawail, le maître du muslim social dont les films Mere Mehboob, Mehboob Ki Mehndi ou Laila Majnun sont devenus des références de la culture ourdoue. Il faut dire qu’en 1982 le genre commençait à s’essouffler. Pourtant Deedar-e-Yaar est un film exceptionnel, avec une histoire magnifique d’Omar Khayyam Saharanpuri même si elle est assez classique car très proche de celle de Chaudhvin ka Chand — un des plus célèbres muslim social.

Javed Khan (Rishi Kapoor) est un jeune aristocrate de Lucknow. Il est amoureux de la magnifique Firdaus Jahan Changezi (Tina Munim) qu’il tente de la séduire par des moyens toujours plus originaux, et dont il fini par conquérir le cœur. Un jour, il sauve la vie du nawab Akhtar Nawaz Khan (Jeetendra). Une grande amitié se développe alors entre ces deux hommes.

Alors que le mariage de sa sœur périclite, Akhtar propose une fortune à Husna (Rekha), une courtisane renommée, pour l’éloigner de son beau-frère. Mais elle, amoureuse et espérant secrètement le mariage, refuse son argent et lui demande plutôt de venir la voir danser tous les soirs.

Lui en revanche, s’éprend d’une jeune femme mystérieuse dont il a à peine entraperçu le visage alors qu’elle soulevait sa burqa. Akhtar la rencontre à nouveau et tente même de lui parler lorsqu’il se rend avec Javed à un pèlerinage pour l’anniversaire d’un saint soufi. Les amis vantent mutuellement la beauté de leur bien-aimée respective. Mais ils ignorent qu’en fait, ils sont tous deux amoureux de la même femme. De là va naître le drame ; d’autant plus que le père de Firdaus, le nawab Changezi refuse catégoriquement le mariage de sa fille avec Javed, l’aristocrate au sang « impur ».

Nous avons donc ici une trame récurrente dans le cinéma hindi, à savoir le triangle amoureux, doublé d’éléments caractéristiques du muslim social : les courtisanes, les quiproquos nés du port de la burqa, l’univers aristocratique de Lucknow, la poésie ourdoue, etc. C’est sans doute ce schéma très classique qui explique l’échec commercial du film, pourtant une pure merveille.

Ce qui frappe d’abord dans Deedar-e-Yaar, c’est le raffinement aristocratique des dialogues de Rahi Masoom Reza, il n’y a quasiment pas de mots anglais. Il est encore renforcé par les costumes : nos deux héros portent le sherwani tout au long du film, ce qui est suffisamment rare, y compris à l’époque, pour être souligné. Les héroïnes sont, elles aussi, bien sûr en habits traditionnels, et tout ce beau monde évolue dans des décors extravagants évoquant les demeures aristocratiques de Luknow.

Le raffinement de cette culture lucknowi est accentué par les chants et les danses du film. Rekha nous offre en effet de somptueux mujras tout en portant de magnifiques costumes dans des décors éblouissants. La musique de Laxmikanth Pyarelal est elle aussi très belle, et est accompagnée par les paroles de grands poètes ourdous, Sahir Ludhianvi, Kaifi Azmi ainsi qu’Indivar.

Le qawali pour la fête de l’Aïd, chantée par Mohammed Rafi et Lata Mangeshkar, est une reprise d’une chanson d’un film pakistanais chantée par Mehdi Hassan. La chanson Sarkati jaye — ici chantée par Kishore Kumar et Lata Mangeshkar — est quant à elle un ghazal du poète ourdou du XIXe siècle, Amir Meenai, mais elle est surtout connue pour sa version chantée par le grand chanteur de ghazals Jagjit Singh.

La beauté des deux actrices principales ne fait que renforcer celle du film. Tina Munim est plus que belle. Le couple qu’elle reforme avec Rishi Kapoor pour la cinquième fois, après Karz et Yeh Vaada Raha, fonctionne toujours aussi bien. Quant à Rekha, la beauté de son visage est comme sublimée par celle de sa voix, le raffinement de son langage et son rôle tragique de courtisane amoureuse, comme dans Muqaddar ka Sikandar ou Umrao Jaan (1981).

Rishi Kapoor et Jeetendra campent des personnages à la fois drôles et emprunts de noblesse. Si le personnage de Rishi — toujours aussi charmant — qui joue le rôle d’un aristocrate au sang « impur » se permet de danser, celui de Jeetendra lui n’ose pas le faire ce qui est assez cocasse quand on sait que le surnom de Jeetendra est jumping jack (le pantin) à cause de ses chorégraphies saccadées dans de nombreux autres films.

Les mots me manquent pour qualifier le choc esthétique ressenti à la vue de ce film qui reflète une époque révolue du cinéma hindi. À part dans les films historiques comme Jodhaa Akbar ou Umrao Jaan (2006), il est impossible de retrouver une langue aussi précieuse que celle parlée dans Deedar-e-Yaar avec un univers aristocratique lucknowi préservé.

C’est sans doute parce qu’il évoque un univers aussi désuet que ce film n’a pas su trouver son public. Pourtant Deedar-e-Yaar est bel et bien magnifique, avec une fin en apothéose absolument sublime et bouleversante.

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