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Devika Rani

Fonctions : actrice, productrice
De son vrai nom : Devika Rani Chaudhuri
Surnom : The first lady of the Indian screen
Née le : 30 mars 1908 (il y a 116 ans)
à : Visakhapatnam (Présidence de Madras, Indes britanniques)
Décédée le : 9 mars 1994 (à 85 ans)
à : Bangalore (Karnataka)
Nationalité : indienne
Famille : Veuve de Himanshu Rai. A épousé en seconde noces Svetoslav Roerich, un peintre russe. Sans enfants.

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Fiche IMDB
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Liens : http://cineplot.com/devika-rani/
La biographie de Fantastikindia

Par Mel - le 4 août 2016

Dernière mise à jour le 2 mai 2017

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Sa carrière météorique n’a duré que dix ans. Elle n’a été vue que dans 14 films, et la plupart d’entre-eux ont été réalisés par un Allemand encarté au parti nazi qui ne parlait pas un mot d’hindi. Pourtant, la toute petite Devika Rani a marqué le cinéma indien d’une empreinte indélébile.

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Vers 1930

Cette photographie a vraisemblablement été prise en Suisse en 1930 [1]. Elle présente la toute jeune Devika Rani avant même qu’elle ne commence une carrière cinématographique. Pour le moment, la jeune femme n’a que 22 ans et parcourt l’Europe avec son époux Himansu Rai.

Devika Rani est née en 1908 dans une riche famille bengalie. Son père était médecin-général des armées (Surgeon-General), et, par un hasard étonnant, ses deux grand-mères étaient des nièces de Rabindranath Tagore. Comme il se doit pour une fille de la bonne société, ses parents l’envoient très jeune étudier en Angleterre. À 16 ans elle est admise à l’École Royale d’Art Dramatique (RADA), puis plus tard à l’Académie Royale de Musique à Londres. Elle étudie ainsi le théâtre et la musique au milieu des années 1920. Par la suite, elle suit des cours d’architecture et se retrouve même apprentie chez Elizabeth Arden qui venait d’ouvrir son premier salon à Londres. Elle n’est pas très décidée sur ce qu’elle veut faire. Il semble surtout qu’elle ne tenait pas à rentrer en Inde pour se marier, comme il était de tradition. Devika fréquente le cercle des Indiens de Londres et fait la connaissance de l’écrivain Niranjan Pal, bengali comme elle, chez qui elle loge quelques temps.

C’est au cours d’un cocktail en 1928 qu’elle rencontre Himansu Rai, un ami de longue date de Niranjan Pal. Également bengali et lui aussi issu d’une riche famille, Himansu était de 16 ans son aîné, marié et père d’une petite fille de deux ans. Il ambitionnait de placer l’Inde sur la carte du cinéma mondial et avait déjà réussi à monter deux co-productions indo-allemandes dans lesquelles il avait tenu le rôle principal : Prem Sanyas en 1925 et Shiraz en 1928. Pour sa troisième co-production, Prapancha Pash, écrite comme les deux précédentes par Niranjan Pal, Himansu enrôle Devika comme assistante de son cousin Promode à la direction artistique. En 1929, une fois le tournage en Inde terminé, Himansu Rai épouse Devika Rani [2]. Le jeune couple monte ensuite sur les planches et joue avec succès l’histoire du film dans toute l’Europe.

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Devika Rani et Himansu Rai dans Karma (1933)

Le cinéma parlant s’est déjà imposé en Europe en 1930. Himansu Rai souhaite donc lui aussi franchir le pas et ambitionne de produire le premier talkie indien. Malheureusement, les studios allemands sont alors en pleine restructuration et les négociations s’éternisent. Devika profite de ce contretemps pour prendre des cours avec les artistes de la UFA comme le réalisateur G.W. Pabst ou la grande Marlene Dietrich. Finalement, Karma est signé avec une société de production anglaise en 1932. Devika Rani fait ses débuts à l’écran dans ce film réalisé par J.L. Freer Hunt, un militaire à la retraite. Himansu Rai est son partenaire dans ce qui sera par contre sa dernière performance d’acteur. Le film qui sort en 1933 est un succès modéré, mais Devika Rani marque les esprits aussi bien en Angleterre qu’en Inde. La presse la décrit comme « la grâce personnifiée ». Elle incarne en effet une maharani plus vraie que nature, parvenant même à faire de l’ombre à la véritable Princesse Sudharani Devi de Burdwan qui joue son amie dans le film.

L’année suivante, Himansu Rai rentre définitivement en Inde pour fonder le studio Bombay Talkies. Il vise rien de moins qu’à renouveler le cinéma indien grâce à une qualité technique irréprochable, des sujets modernes parfois controversés, une communication parfaitement maîtrisée et une gestion rigoureuse. Il forme ainsi une équipe soudée comprenant des cadres techniques essentiellement allemands et des acteurs en grande partie issus du théâtre. La réussite des studios de cinéma repose à cette époque sur la vedette féminine sous contrat. Cette star sera son épouse, Devika Rani.

Le « héros » a moins d’importance, ce qui explique peut-être que le choix du studio se soit porté sur Najmul Hasan, un grand et beau jeune homme de Lucknow qui venait d’abandonner des études de droit pour débuter dans le cinéma à Bombay. Il est avec Devika à l’affiche de Jawani Ki Hawa, le premier film de Bombay Talkies qui sort en 1935. Le public se précipite en masse pour voir ce film vaguement inspiré du Crime de L’Orient Express, le scandale autour de la directrice musicale Saraswati Devi [3] n’étant peut-être pas étranger au succès du film.

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Devika Rani et Najmul Hasan dans Jawani ki Hawa (1935)

Himansu Rai s’essaye à un format original pour la seconde production de Bombay Talkies : deux moyens métrages enchaînés présentés au cours d’une même séance. Mamta suivi de Miya Biwi sortent en salle en 1936 toujours avec Devika Rani et Najmul Hasan en tête d’affiche. C’est un échec qui n’empêche pourtant pas la mise en chantier de Jeevan Naiya, le troisième film du studio encore écrit par Niranjan Pal. C’est alors qu’un coup de tonnerre retenti dans le ciel de Bombay. Devika Rani et Najmul Hasan quittent brusquement le tournage qui avait déjà commencé. Himansu Rai perd simultanément sa femme et les deux vedettes de son film. Shashdhar Mukherjee, alors ingénieur du son de Bombay Talkies, lui-même bengali et ami du couple, est envoyé à leur recherche. L’histoire raconte qu’il les retrouve dans un hôtel à Calcutta et qu’il parvient à convaincre Devika Rani de revenir à Bombay.

Les apparences sont celles d’une escapade amoureuse qui a tourné court et le scandale est considérable. On ne sait en réalité que très peu de choses sur cet incident. Une hypothèse récente, beaucoup plus vraisemblable, évoque un différent commercial qui aurait poussé Devika Rani et et Najmul Hasan à rejoindre le studio New Theatres à Calcutta [4]. Quoiqu’il en soit, il faut une vedette masculine pour reprendre le rôle tenu par Najmul Hasan. Le choix se porte sur Ashok Kumar, un jeune assistant de laboratoire du studio incidemment le beau-frère de Shashdhar Mukherjee. Le réalisateur n’est pas convaincu, qu’importe, le tournage reprend. Jeevan Naiya sort finalement en mai 1936 mais sans être le succès espéré.

La lumière viendra en juillet de la même année avec Achhut Kanya (la jeune fille intouchable). Devika Rani y interprète le rôle de Kasturi, une intouchable qui finit par perdre la vie en tentant de sauver le jeune brahmane dont elle est amoureuse. Le film est présenté en grande pompe. Nehru, le futur premier ministre, assiste même à la première de ce film réformiste d’inspiration clairement gandhienne. Les spectateurs comme la critique sont enthousiastes. Devika incarne pourtant une dalit aux antipodes de la réalité. Elle est maquillée et porte les bijoux avec une discrète élégance. Elle a 28 ans, mais son charme et sa fraîcheur emportent l’adhésion. Elle chante de surcroît elle-même ses chansons qui conquièrent également le public.

Devika Rani et Ashok Kumar dans Mai Ban Ke Chidiya tiré d’Achhut Kanya (1936)

L’année suivante, Devika Rani renverse les rôles dans Jeevan Prabhat en jouant une jeune brahmane tandis que Kishore Sahu interprète un intouchable. Le débutant d’alors peine à s’imposer face à elle, mais cela n’a en réalité que peu d’importance. Comme dans tous ses films, c’est elle que le public vient voir avant tout. Les costumes qu’elle porte sont autant de gravures de mode qui signent le chic indien. Le réalisateur Franz Osten et le directeur de la photographie Josef Wirsching la mettent en valeur comme aucune autre vedette indienne ne l’a jamais été. Baburao Patel de Filmindia ou B.G. Horniman du Bombay Chronicle ne tarissent jamais d’éloges. Bientôt on l’appellera « the first lady of the Indian screen » [5].

En attendant, même si le studio fait des efforts importants pour la rajeunir et que le temps semble avoir peu de prise sur son visage délicat, ses personnages sont de plus en plus souvent confrontés à la maternité. Elle est ainsi une jeune mère dans Nirmala qui sort en 1938. Encore une fois, le film basé sur une pièce de Niranjan Pal adresse un sujet de société important. Il s’agit ici de la superstition qui incite les personnes crédules à commettre des actes insensés. En 1939, dans Durga, elle materne un bébé et dans Anjaan, en 1941, elle est la gouvernante des deux enfants d’une veuve.

Car, alors même qu’elle joue dans des films progressistes, elle incarne un modèle très stéréotypé de la femme indienne qui ne se conçoit ultimement que comme épouse puis comme mère. Qu’elle soit une villageoise ou une grande bourgeoise, qu’elle joue dans un film en costume ou dans un Bombay presque trop moderne, son personnage n’a que peu d’influence sur les événements. Le sort s’acharne le plus souvent sur elle et elle ne doit son salut qu’à des concours de circonstances. Même si elle est espiègle et pétillante, elle reste avant tout soumise à son propre destin.

Ce personnage de cinéma forgé par le studio est très différent de la véritable Devika Rani que ceux qui l’ont approchée appellent « the dragon lady ». Elle n’hésite pas à boire et fumer en public et ses colères sont légendaires. Mais elle est aussi adepte d’une discipline stricte, pour elle-même comme pour les employés du studio dont elle est en réalité la « patronne ». On la voit également participer de bonne grâce aux multiples mondanités qui émaillent la vie de Bombay Talkies. Le tout-Bombay politique et financier se presse ainsi chaque année aux grandioses fêtes d’anniversaire qu’Himansu Rai organise pour elle dans l’enceinte du studio à Malad.

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Devika Rani et Ashok Kumar dans Nirmala (1938)

L’entrée en guerre de l’Angleterre en septembre 1939 met un coup d’arrêt à sa carrière d’actrice. Les techniciens allemands du studio sont internés et il faut les remplacer au pied levé. La mécanique bien rodée de Bombay Talkies se grippe. Des techniciens indiens qui avaient été formés par les Allemands prennent la relève tant bien que mal. Himansu Rai fait probablement une dépression nerveuse et finit par mourir en mai 1940 des suites d’une crise cardiaque. Sans son réalisateur exclusif ni son producteur-fondateur, le studio qui emploie environ 400 personnes est décapité.

Dans une tentative d’organiser la succession de Bombay Talkies, Devika Rani est nommée contrôleur de production par le conseil d’administration, tandis que R.B. Chuni Lall en devient le directeur général. Elle a donc la haute main sur la direction artistique d’un studio majeur de Bombay, une première pour une femme. Elle prend malheureusement une décision qui s’avérera désastreuse par la suite : elle organise deux unités de productions concurrentes qui se partagent les moyens techniques du studio. L’objectif était vraisemblablement d’optimiser l’efficacité opérationnelle de Bombay Talkies, mais des dissensions irréversibles entre les deux équipes finissent par éclater. Alors même que le studio connait à cette époque ses plus grands succès commerciaux avec des films comme Bandhan, Jhoola, Basant et Kismet, un groupe emmenée par R.B. Chuni Lall, Ashok Kumar et Shashdhar Mukherjee quittent Bombay Talkies pour fonder Filmistan en 1943.

Il lui a été reproché de favoriser une des deux unités de production tout autant que son comportement hautain de star inaccessible. Mais derrière les querelles de personnes et de pouvoir, il y avait probablement un différent artistique plus profond. Poursuivant l’idée d’excellence technique d’Himansu Rai, Devika Rani militait en effet activement pour un passage à la couleur. Or, c’était un procédé très coûteux qui risquait de mettre en péril les finances du studio [6].

L’atmosphère du studio devient difficilement respirable après la scission. Devika Rani joue son dernier rôle en 1943 dans Hamari Baat. C’est un succès modéré, mais les trois films suivants, Char Ankhen, Jwar Bhata et Pratima sont des échecs cuisants qui mettent Bombay Talkies en difficulté.

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Devika Rani et Svetoslav Roerich

Devika Rani finit par jeter l’éponge en 1945. Elle se remarie avec Svetoslav Roerich, un peintre russe exilé, et quitte définitivement Bombay et le cinéma. Elle se retire tout d’abord à Manali au pied de l’Himalaya puis s’installe dans les environs de Bangalore. Elle ne vit cependant pas totalement en recluse. Elle est ainsi par exemple en 1949 la marraine de Saagar, un film de son ami P. Jairaj avec Nargis en tête de distribution. Elle participe également à plusieurs événements où elle est vue en compagnie de Nehru ou de sa famille.

Le cinéma non plus ne l’oublie pas. Les revues s’interrogent sur sa soudaine retraite des années plus tard. Anyaya, un montage d’extraits de ses films est même présenté en 1948. Elle est décorée en 1958 de la Padma Shri par le gouvernement indien. Elle reçoit également le premier Dadasaheb Phalke Award en 1969.

Devika Rani meurt en 1994, une année après son époux. Elle n’aura pas eu d’enfants.


[1C’est en réalité un photo-montage réalisé peut-être dans un but promotionnel : le fond (une gare) et les autres protagonistes dont Himansu Rai ont été effacés pour isoler Devika.

[2Il semble qu’Himansu Rai ait abandonné sa première femme, Maria Hainlin, et sa fille Nilima. Elles ont émigré en Australie vers 1931. On pense que Devika connaissait Maria, mais on ignore si Himansu a divorcé préalablement au mariage avec Devika.

[3Les représentants de la communauté Parsi se sont insurgés contre la présence des sœurs Kursheed et Manek Minocher-Homji au générique d’un film de cinéma. Himansu Rai a fini par arracher leur autorisation, mais il a dû leur donner des noms hindous. Ce seront Saraswati Devi et Chandraprabha.

[4Le fait que Najmul Hasan ait été embauché sur le champ par New Theatres vient à l’appui de cette thèse. On imagine en effet assez mal que B.N. Sircar, le patron de New Theatres, ait tendu la main à l’amant de la femme de son collègue Himansu Rai.

[5Ce titre a également été donné dès 1937 à la grande Durga Khote.

[6La réalisation en couleur de Kisan Kanya est très probablement à l’origine de la chute du studio Imperial en 1938.

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Filmographie

1943 - Hamari Baat de M. I. Dharmsey avec P. Jairaj, Suraiya, Raj Kapoor, David, Shah Nawaz

1941 - Anjaan de Amiya Chakravarty avec Ashok Kumar, V. H. Desai, David, Om Prakash, Girish

1939 - Durga de Franz Osten avec Hansa Wadkar, Balwant Singh, Rama Shukul, P. F. Pithawala, Mumtaz Ali

1938 - Vachan de Franz Osten avec Ashok Kumar, Mumtaz Ali, P. F. Pithawala, Balwant Singh, Maya Devi

1938 - Nirmala de Franz Osten avec Ashok Kumar, Maya Devi, Balwant Singh, Sankatha Prasad, Mumtaz Ali

1937 - Izzat de Franz Osten avec Ashok Kumar, Mumtaz Ali, Vimla Kumari, Kamta Prasad, Manohar Ghatwal

1937 - Jeevan Prabhat de Franz Osten avec Kishore Sahu, Mumtaz Ali, Renuka Devi, Maya Devi, Vimla Devi

1937 - Savitri de Franz Osten avec Ashok Kumar, Mumtaz Ali, Sunita Devi, Maya Devi, Kamta Prasad

1936 - Achhoot Kanya de Franz Osten avec Ashok Kumar, Mumtaz Ali, Pramila, Sunita Devi, Kusum Kumari

1936 - Janmabhoomi de Franz Osten avec Ashok Kumar, Pramila, Mumtaz Ali, Chandraprabha, P. F. Pithavala

1936 - Jeevan Naiya de Franz Osten avec Ashok Kumar, Pramila, Mumtaz Ali, Sunita Devi, P. F. Pithavala

1936 - Mamta Aur Mian Biwi de Franz Osten avec Najmul Hussain, Sunita Devi, J. S. Kashyap, P. F. Pithavala, Kamta Prasad

1935 - Jawani Ki Hawa de Franz Osten avec Najmul Hussain, Chandraprabha, Kamta Prasad, J.S. Casshyap, Azurie

1933 - Karma de J.L. Freer Hunt avec Himanshu Rai, Abraham Sofaer, Sudharani, Dewan Sharar