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Int. N. Tarbouriech : l’avenir du cinéma indien en France

Publié lundi 15 mars 2004
Dernière modification dimanche 9 mars 2014
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Par Eulika, Suraj 974

Dossier Centre Pompidou : vous avez dit Bollywood ! (2004)
◀ Soirée d’ouverture de l’événement « Vous avez dit Bollywood ! »
▶ Soirée Dil Se : Manisha Koirala et Vivek Oberoi ouvrent le bal

Suraj : Y a-t-il d’autres projets après cette rétrospective ? Souhaitez-vous en organiser d’autres ou pas ?

Nadine Tarbouriech : Pour l’instant, il n’y a rien de ferme.

Eulika : Vous attendez les résultats ?

Nadine Tarbouriech : Totalement, ensuite je verrai, suivant ce qui peut se faire et où ça peut se faire. Il faut être très prudent, je ne pense pas que ça soit intéressant de balancer tout d’un coup sur le marché français des quantités de films Bollywood. Je trouve même très périlleux d’essayer de faire un festival parce qu’un festival fonctionne sur tout public, on ne peut pas le cibler sur la communauté indienne ou sri-lankaise en France, ou bien ce ne serait pas un festival, mais une manifestation intra communautaire et beaucoup moins intéressante.

Suraj : Surtout qu’en France la communauté indienne est tamoule, et donc Bollywood ne l’intéressera pas.

Nadine Tarbouriech : Tout à fait. C’est délicat, périlleux, et il est beaucoup plus intéressant de faire un vrai travail avec les distributeurs sur quelques films et d’essayer petit à petit d’amener ce qu’il y a de meilleur. Globalement, il ne faut pas se leurrer, la production du cinéma populaire indien est faiblement intéressante. Il y a très peu de Lagaan, donc, on se bagarre chaque année pour essayer de trouver le meilleur, mais il n’y a pas beaucoup de films pouvant être « le meilleur ». Peu de films peuvent être distribués ici avec un large public.

Eulika : Justement qu’avez-vous pensé de Lagaan et de Devdas qui ont été diffusés en France ?

Nadine Tarbouriech : Je pense que c’est très bien. Parce que des films comme Lagaan, il n’y en a pas dix mille, c’est par Lagaan que tout a recommencé. Devdas, dans son genre, est un bon film, vraiment, plutôt à l’honneur de ce cinéma. Après, on peut en penser personnellement d’autres choses, mais en tout cas, c‘est un film brillant… c’est un vrai Bollywood.

Suraj : Et vous pensez qu’il faut continuer à mettre des films indiens en France, un par an, par exemple ?

Nadine Tarbouriech : Un ou plus, oui, c’est intéressant. Mais si, tout d’un coup, quinze mille films indiens arrivaient sur le marché, cela produirait un effet de saturation, et cela m’embêterait qu’on me redise ce que j’ai entendu et que j’entends toujours : « c’est kitsch ».

Suraj : Il faut plus viser la qualité que la quantité…

Nadine Tarbouriech : Voilà, parce que si on distribue à haute dose, ce sera terminé. Et pendant dix ans, on n’en entendra plus parler, ce sera fini parce qu’on ne trouvera plus un distributeur pour sortir un film indien, le potentiel sera gâché. Pour le cinéma français aussi, quand on sort un film, il faut être sûr que le public existe, pour faire des entrées. Il y a tellement de films qui se bagarrent pour avoir des salles… Les sorties de films en France, ça va vite, ça tourne très très vite.

Donc, on est dans un moment assez dangereux. Je sais qu’il y a pas mal de gens qui essaient de faire des choses autour de Bollywood en ce moment, et moi je dis, attention. Il ne faut pas faire n’importe quoi, amener n’importe quel film, mais plutôt aller dans le meilleur de cette production, ainsi on laissera la place à ces jeunes qui arrivent.

Dans les dix prochaines années, on va voir des films intéressants, mais si on sature le public, on n’aura plus de place pour ces films-là, et c’est bien dommage, parce qu’on ne laissera pas de chance à ces jeunes-là. C’est un peu mon point de vue, peut-être puriste, mais je pense que c’est simplement un point de vue de marché. Il ne faut pas avoir une vision à court terme, sur une mode, il faut vraiment travailler sur une cinématographie à long terme depuis son origine jusqu’à aujourd’hui, essayer de la comprendre et sentir aussi comment elle évolue.

Eulika : Juste pour confirmation, tous les films sont sous-titrés en français ? Par qui ?

Nadine Tarbouriech : Absolument, et une part très importante du budget est passé dans le sous-titrage ! Ils sont sous-titrés par une société qui s’appelle « softitler », où travaillent de très bons traducteurs. En fait, à la base, je tablais sur une programmation de 110 films, puis j’ai baissé à 100, puis 90 et, finalement, je n’en ai gardé que 50.

Suraj : Ce sont des copies neuves ?

Nadine Tarbouriech : Pas toutes, nous n’aurons pas énormément de copies neuves, malheureusement, parce que leur coût est très élevé. L’Inde a le même souci économique que nous. On a dépensé un budget fou pour les sous-titrages, et l’Inde a dépensé un certain budget pour faire des copies neuves. Les copies seront plus ou moins neuves. En plus, sur les films anciens, il faut trouver les négatifs et ils ne sont pas toujours de bonne qualité. Il s’agit du problème de conservation que nous évoquions, ce problème de budget alloué à la conservation des films, donc au tirage de copies neuves.

Eulika : Justement, ce budget vient-il de vos partenaires ?

Du centre Pompidou essentiellement, ainsi que des partenariats avec les ministères en Inde.

Eulika : Vous pensez que les entrées pourront compenser les dépenses ?

Nadine Tarbouriech : Non, parce que cela ne se pose pas en ces termes au Centre Pompidou. Le but n’est pas commercial. Un budget est alloué au Centre Pompidou par le ministère de la Culture et utilisé. Le prix pour l’entrée salle est minime, mais il couvre essentiellement les frais du Centre. Il ne s’agit pas de rentabilité par rapport aux dépenses.

Eulika : Pour faire connaître ce festival, comment vous allez-vous vous y prendre ?

Nadine Tarbouriech : Pour la publicité, nous allons organiser toute une campagne d’affichage, toute une campagne de presse, ce qui est normal. Nous développons aussi une campagne de communication, bien évidemment à l’attention des communautés concernées par le biais des associations, pour faire connaître l’existence de cette rétrospective. Mais la publicité est mise en œuvre comme pour n’importe quelle rétrospective. Si on en fait une sur le cinéma italien, on procédera de la même façon.

Suraj : Eh bien, merci de nous avoir accordé cette interview… J’espère que cette rétrospective aura du succès !
Eulika : Toute la réadaction de Fantastikasia.net va se mobiliser pour suivre
l’événement
jour
par
jour.


Ils s’ensuit une discussion de « vieilles copines entre Eulika et Nadine », sur Gadar et
sur l’Inde… Une rencontre vraiment très agréable. L’équipe remercie Nadine Tarbouriech
pour sa gentillesse et sa disponibilité. Shava pour le travail immense sur cette
rétrospective du cinéma indien.

Pour information : pas d’intermission durant les films

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