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Lagaan

Traduction : Le champart

Bande originale

Ghanan Ghanan
Mitwa
Radha Kaise Na Jale
O Rey Chhori
Chale Chalo
Waltz for a Romance (in ’A’ Major) (Instrumental)
O Paalanhaare
Lagaan….. Once Upon a Time in India

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La critique de Fantastikindia

Par Lalita - le 24 février 2008

Note :
(9/10)

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En 1893, les habitants du petit village de Champaner, situé au centre de l’Inde (c’est-à-dire nulle part et partout à la fois) se rebellent contre l’occupant anglais afin de ne plus payer un impôt injuste (le lagaan) qui pourrait leur coûter la vie. L’affaire se réglera au cours d’un match de cricket…

Sans doute influencé par les préceptes de Gandhi, Ashutosh Gowariker les fait s’affronter au cours d’un match de cricket épique où chacun se rend coup pour coup : d’un côté vous avez de méchants lords dont les seuls passe-temps semblent être l’humiliation des autochtones, la chasse et le cricket et de l’autre une équipe composée de villageois qui apprennent ce sport en trois mois ! Difficile de faire plus déséquilibré… et plus féerique. Lagaan raconte comment se constitue l’équipe de Champaner. Pour battre les Anglais, ses habitants doivent en effet s’unir et recruter leurs meilleurs joueurs sans distinction de religion ou de caste.

Comme dans toute construction d’un groupe, l’ennemi commun va servir à renforcer les liens entre ses membres. L’opposition entre la culture indienne et celle des anciens colons anglais est récurrente dans beaucoup de films. L’Inde est une nation encore très jeune (elle vient de fêter ses 60 ans) qui puise sa force dans l’affirmation de sa culture. Au cinéma, ce sentiment peut se traduire par des films comme Lagaan qui lève haut le drapeau du pays sans oublier de pointer du doigt ses défauts. Cependant, il peut aussi l’être à travers des œuvres aux démarches plus douteuses où le nationalisme exacerbé se traduit à l’opposée par une peinture caricaturale et atterrante de la culture occidentale.

Dans ce film, les soldats de la Couronne sont tous affrrrreux (de toutes les façons, ça n’est pas comme s’ils en pensaient moins dans la réalité que dans le film sur leur supériorité face aux colonisés à cette époque). Mais le réalisateur évite de tomber dans la caricature grossière en ne faisant pas de tous les Anglais des êtres abjects grâce au personnage d’Elisabeth Russel (Rachel Shelley). Sœur d’un officier, elle aide les villageois à apprendre le jeu, et permet d’illustrer l’ouverture et l’échange entre les cultures à travers la relation qu’elle entretient avec Bhuvan.

Bhuvan : Mr Charismatique, le héros de la masse silencieuse face aux puissants. Un homme sans peur ni reproche… bref, le héros indien par excellence. Aamir Khan (un autre Mr Charismatique dans son genre), explique d’ailleurs dans une interview aux Bafta 2006 (British Academy of Film and Television Arts) à quel point chacun de ses gestes a été pensé, calculé, pour retranscrire la force et la puissance intérieure de Bhuvan. Dos toujours droit, torse bombé, regard droit et clair, il est « Le » meneur capable de convaincre que tout est possible : que pour défendre sa terre, un hindou et un musulman peuvent se battre ensemble, qu’un brahmin et un dalit peuvent se toucher. Il est aussi le gendre, l’amant et le fils idéal. Dans ce film parfois jugé subversif et original dans son propos, le héros reste très classique car en lui, s’incarnent valeurs, traditions et patriotisme. C’est peut-être pour illustrer l’attachement de Bhuvan à ces valeurs que Gowariker introduit comme une sorte de métaphore une relation triangulaire entre lui, Elisabeth et une jeune indienne (Gauri / Gracy Singh) qu’il épousera. Cette construction n’a d’ailleurs aucun autre intérêt car sans cela, la passion arrrrdente d’Elisabeth pour Bhuvan semble ridicule tant elle est illustrée de manière infantile.

Les autres membres de l’équipe de Champaner sont des personnages hauts en couleur et assez excentriques. Ils représentent chacun une catégorie de la société indienne, une caste ou une religion. Même si le réalisateur les utilise le plus souvent dans des scènes de comédie, il s’arrange aussi pour leur donner assez de temps à l’écran, afin que les spectateurs apprennent à les connaître. D’où la longueur du film (3 heures 40) ! Tous ces joyeux lurons (de Guran le sorcier fou, à Bhura le fermier obsédé par ces poules) nous communiquent leur optimisme et leur enthousiasme au fur et à mesure qu’ils se laissent convaincre d’intégrer l’équipe. Ainsi, lorsque le spectateur se prend véritablement au jeu, il peut en faire ses champions et les soutenir à coup de cris et sifflets (comme cela se fait en Inde dans les salles obscures).

Lagaan bénéficie en plus de la qualité des compositions du grand A.R Rahman. On compte 6 chansons : Ghanan Ghanan (tout le village célèbre l’apparition de nuages annonciateurs de la pluie), Radha Kaise Na Jale (en hommage à l’amour du Dieu Krishna pour la belle Radha), Mitwa (quand Bhuvan exhorte les villageois à se battre pour leur terre), O ri chhori (une chanson d’amour), Chale Chalo (une séance d’entraînement très rythmé), O Paalanhare (une prière adressée aux dieux pour aider les villageois à gagner le match). Ghanan Ghanan, Mitwa et Chale Chalo sont celles qui se démarquent.

Chale Chalo nous rappelle d’ailleurs que Lagaan est aussi l’un des rares films marquants du cinéma indien sur le sport. Passage obligé des oeuvres du genre, cette scène d’entraînement nous ramène à celle des glorieux Rocky. En musique, engagée, et surtout toujours réduite au plus simple, afin de vanter les qualités du corps de l’Homme, sa détermination malgré ses moyens dérisoires à vaincre son adversaire quelle que soit sa force. Seul le travail paye, et sa monnaie est la sueur (Fame, i’m gonna live forever… euh rien à voir !).

Conscient que le cinéma est un media de masse, Ashutosh Gowariker a voulu réaliser un film populaire capable de toucher le maximum de personnes afin de transmettre son message : l’unité entre les différentes religions, castes, couches sociales, est la clé de la réussite du pays. Même si ses œuvres pèchent parfois par trop de candeur, elles représentent la quintessence du cinéma indien : plein de générosité, toujours tourné vers le public pour lui parler et communier avec lui. Il ne se doutait peut-être pas qu’il toucherait un public beaucoup plus large que celui de l’Inde, puisque le film fut nominé aux Oscars en 2002 dans la catégorie du "Meilleur film étranger", et qu’il serait primé dans des festivals européens (dont celui de Locarno). C’est aujourd’hui une oeuvre culte dans la cinématographie hindie, et la première depuis Mother India à avoir obtenu un tel écho international.

En conclusion, Lagaan est un beau conte à prendre tel quel, avec ses qualités et ses invraisemblances. Pour que la magie fonctionne, laissez-vous aller à penser qu’aucune révolution ne nécessite d’armes. Juste de la volonté et une balle de cricket…

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