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Retour sur Maharadja Maharani

Publié jeudi 10 mars 2011
Dernière modification vendredi 11 mars 2011
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Par Gandhi Tata, Guiridja

Rubrique Événements
◀ Salon du Cinéma 2009 à Paris
▶ Projection du film Raam à la Filmothèque du Quartier Latin

Maharadja Maharani est un spectacle produit par la société Inde Maha France dont le directeur artistique n’est autre que le très énergique Maurice Gérart. Son nom vous est sûrement familier car il était également le leader d’un célèbre groupe de musique qui s’est illustré dans de nombreux événements indiens en France et notamment pour l’avant-première de Veer Zaara au Grand Rex.

Comme promis sur les flyers et martelé par la suite par Maurice Gérart, Maharadja Maharani est un concert LIVE avec des chanteurs et des danseurs se produisant simultanément et en LIVE. La répétition du terme LIVE peut surprendre, mais lorsque des noms aussi connus que Yuvan Shankar Raja ou A.R. Rahman usent et abusent du playback, on comprend mieux la farouche volonté du concepteur. Aussi curieux que cela puisse paraître, les groupes et artistes de la musique pop tamoule n’ont tout simplement pas cette culture des performances LIVE. Un fait regrettable, comparé à la musique traditionnelle indienne (carnatique ou hindustani) où la démonstration musicale relève quasiment du rituel religieux.


Nous sommes arrivés vers 14 h 45 devant l’espace Reuilly avec un peu de retard étant donné que le show devait commencer à 14 h. A l’accueil, en retirant nos places, nous apprenons avec plaisir que l’un de nos deux gagnants était présent au spectacle.

Nous arrivons donc en essayant de nous faire tout petits, histoire de ne pas trop nous faire remarquer. Mais non, toutes les lumières sont allumées et la salle, presque pleine, est animée d’un joyeux brouhaha. Nous tournons un peu, avant de trouver deux places à gauche près de la scène.


Après quelques minutes de retard, la lumière baisse, un projecteur se braque sur le rideau rouge, où l’on devine une personne cherchant à tâtons l’ouverture. L’hôte de l’après-midi, Maurice Gérart, apparaît et disparaît aussitôt : il vient de faire une chute monumentale de la scène avant même d’avoir pu prononcer un mot ! Tout le monde panique et des bribes de phrases nous parviennent : "Mon Dieu ! il a dû se faire mal. La dernière fois aussi, il était tombé sur scène !".

Mais n’est pas Maurice Gérart qui veut ! Ni une ni deux, le revoilà sur scène, plein d’aplomb, jouant de sa chute pour faire rire le public, s’excuser du retard et lancer son show. Beaucoup n’auraient peut-être pas eu le cran de remonter sur scène tout de suite, lui non, il y va et il assure. Il donne ainsi le coup d’envoi du spectacle Maharadja Maharani : l’histoire d’amour entre un garçon du nord et une fille du sud.


Assister au même spectacle, ne suppose pas d’avoir les même avis. Voici deux points de vue différents sur les qualités et les défauts de ce show.

Guiridja : Le show commence avec Maarjani de Billu Barber interprété par Gayatri et Anwar Hussein. Après quelques hésitations, une ou deux fausses notes, un micro qui coupe, ça y est ! Ça s’anime !

Le spectacle est composé de plusieurs chansons alternant entre hindi et tamoul. Aucune chanson n’est reliée aux autres et c’est vraiment au coup de cœur qu’elles s’enchaînent durant deux heures. Chaque chanson est accompagnée d’une chorégraphie originale composée par les groupes de danses qui ont été invités pour l’occasion. On retrouve donc sur scène un groupe de danse bhangra dans le plus pur style du Punjab, un groupe de garçons énergiques sur presque toutes les chansons tamoules et un groupe de danse Bolly composé de filles. Les deux groupes de garçons s’en sont plutôt bien tirés, bien que les chorégraphies soient brouillonnes au niveau de la synchronisation. La grosse déception vient du groupe de danse Bolly qui n’était vraiment pas au point : manque de rigueur, d’énergie et d’originalité (papoter entre danseurs sur scène et se recoiffer durant les chorégraphies, cela révélait un manque de sérieux)… Est-ce dû au manque de répétitions ? Nul ne le sait mais un peu plus de rigueur et de professionnalisme aurait été le bienvenu de la part de ce groupe.

Le spectacle remplit plus ou moins son cahier des charges. Monter un tel show, réunissant danseurs, musiciens et chanteurs en si peu de temps est un véritable challenge qui aurait nécessité un peu plus de temps. Malgré quelques petites imperfections ici et là, le show réussit tout de même à séduire les spectateurs sur de nombreux points. Notamment au niveau des chanteurs et musiciens avec un plateau de qualité, on retiendra le chanteur Bolly, Anwar Hussein, la prof de chant, Asha et le charismatique Alphonse qui comme à son habitude, toute en simplicité, nous a régalés avec plusieurs chansons tamoules d’un large répertoire, allant du puissant dappa aux chansons pop, en passant par de très belles ballades.

Gandhi tata  : Le spectacle a duré deux bonnes heures avec une heure de pause dégustation de spécialités indiennes. Les moyens mis en place étaient modestes mais la passion insufflée par les artistes était palpable. Maurice Gérart nous a informés au terme du show que les préparatifs n’avaient duré que deux mois ! Vu le travail accompli, on dit chapeau bas ! Mais Maharadja Maharani est un spectacle perfectible dont les qualités indéniables ne doivent pas masquer toutes les améliorations à apporter.

Ce qui m’a étonné dans ce spectacle, c’est la sélection des chansons qui manquait sérieusement d’attrait. Sur les titres interprétés, on en retient que quelques-uns, car si certaines chansons étaient quelconques comme Shakira se bi ziada, d’autres hits surexploités comme Shava shava, auraient pu faire l’objet d’une ré-interprétation audacieuse, de façon à surprendre les spectateurs.

Car même si les chanteurs prenaient du plaisir sur scène et le communiquaient au public, l’exécution était trop appliquée. Ce brin de folie qui résidait dans la présence scénique aurait pu déteindre sur l’interprétation. Un public n’attend pas seulement une restitution fidèle à la chanson originale, mais une véritable performance d’un chanteur qui revisite un morceau en se l’appropriant.

L’autre problème du spectacle était sa mise en scène qui n’était pas au point. Le choix de raconter une histoire s’avère peu judicieuse pour la simple et bonne raison qu’il n’y en a pas réellement. Le narrateur évoque durant tout le spectacle, les vies et les aspirations de ces deux destins amenés à se croiser au terme de ce tourbillon musical. Mahaan de l’Inde du Nord et Mahalakshmi du Tamil Nadu, sont les protagonistes de cette comédie musicale dont l’épilogue est la naissance de leur couple.

Si les sauts narratifs du nord au sud de l’Inde produisent des répétitions qui finissent par lasser et brouiller le public, ils ont néanmoins un rôle important dans la construction du show. Cette opposition culturelle et régionale permet de revisiter les standards musicaux indiens du nord et du sud.
Ce mariage des genres est un des points forts du spectacle. Car en choisissant de confronter des cultures régionales à la fois éloignées et proches, Maurice Gérart donne une idée assez fidèle de la crise identitaire des Indiens et initie ce qu’il a appelé l’ouverture. Une forme de réconciliation en musique, avec l’alternance des chansons hindis et tamoules, et la rencontre finale de nos héros qui sonne comme le rapprochement de deux communautés issues de la même diaspora.


Pour conclure, Maharadja Maharani est un show où se côtoient le bon et le mauvais, le potentiel et l’amateurisme. On commence par les points qui seraient à retravailler. Le panel de musiciens réunis par M. Gérart est d’un niveau exceptionnel ! Dommage que leurs talents aient été sous-exploités. On pense bien sûr à des chansons qui auraient pu être reproduites façon unplugged, mais la salle ne permettait peut-être pas la musique acoustique. On imagine aussi des duels de musiciens, comme on a pu en voir par le passé : tabla contre batterie arbitré par le clavier, et d’autres combinaisons d’instruments improbables. Il est regrettable d’avoir réduit ces musiciens talentueux en faire-valoir des chanteurs, alors qu’ils avaient le bagage nécessaire pour tenir le public avec leurs seules performances. Un point à améliorer pour enrichir l’aspect "variété" des prochains spectacles. La mise en scène est à revoir pour proposer quelque chose de plus simple et de moins stéréotypé. Car l’ingénieur, le mariage arrangé, les grandes écoles et la pauvreté sont, certes, des fragments de réalité, mais surexploités dans la culture populaire indienne. Les moyens mis en œuvre sur ce show n’ont pas suivi les ambitions (peut-être démesurées ?) de son concepteur. Les limites techniques, notamment au niveau du son, ont forcé les chanteurs à pousser sur leur voix. Ce qui au final, nous donnait la désagréable impression de les avoir entendu agoniser, au pire, et chanter faux, au mieux, sur quelques chansons. A cela s’ajoutent les coupures de micros intempestives pour Gayatri et d’autres chanteurs qui ont terni leurs performances. Ce qu’il serait également bon à revoir, c’est une meilleure gestion du temps afin de coller au programme et d’éviter de perdre les spectateurs. Le retard pris au démarrage du spectacle s’est fait ressentir sur l’entrain du public qui était moins engagé. La pause dégustation plus longue que prévue n’a pas amélioré l’adhésion du public. Enfin, la narration et les introductions des chansons gagneraient à être plus concises et moins longues.


Dans le rayon des bons points du show, on notera la diversité mise en avant par Maurice Gérart, tant au niveau des artistes que de la sélection musicale. On note ainsi la volonté d’effacer les frontières entre le nord et le sud dans une recherche d’harmonie et d’équité. Cet aspect multiculturel permet de casser quelques clichés : non ! Il n’y a pas que Bollywood en Inde ! Il y a de la musique tamoule ! Et pour les prochaines représentations, Maurice Gérart n’aura que l’embarras du choix pour poursuivre son ouverture : malayalam, telugu, kannada, bengali, etc. La passion et l’engagement de la troupe musicale font toute la différence et rehaussent le niveau du show. Le manque de moyens est à la fois une carence, et aussi une qualité. Nombre de spectacles comme Bharati, sont des machines à succès qui ne surprennent plus. Jouissives au départ, ces grosses moutures, trop calibrées, trop parfaites et au final trop "pompes à fric", perdent leur attrait pour devenir de banals succès. Le côté artisanal de Maharadja Maharani lui confère un charme particulier où le talent l’emporte sur l’artifice. Au final, nous sommes ressortis avec le sourire et la satisfaction d’avoir tout de même passé un bon moment.


"La critique est aisée, mais l’art est difficile…
Mais on dit qu’aux auteurs la critique est utile."

Notre article a les mêmes intentions et nous espérons revoir très rapidement ce spectacle sur scène !


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