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Sangam

Traduction : Union

LangueHindi
GenresClassique, Mélodrame
Dir. PhotoRadhu Karmarkar
ActeursRaj Kapoor, Vijayantimala, Rajendra Kumar
Dir. MusicalShankar-Jaikishan
ParoliersShailendra, Hasrat Jaipuri
ChanteursLata Mangeshkar, Mohammad Rafi, Mukesh, Vyjayanthimala, Mahendra Kapoor, Vivian Lobo
ProducteurRaj Kapoor
Durée238 mn

Bande originale

Bol Radha Bol
Dost Dost Na Raha
Har Dil Jo Pyaar Karega
O Mehbooba
O Mere Sanam
Yeh Mera Prem Patra
Main Kya Karoon Ram
Ich Liebe Dich I Love You
Dost Dost Na Raha (Intrumental)

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La critique de Fantastikindia

Par Maya, Laurent - le 8 décembre 2005

Note :
(9/10)

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L’avis de Laurent - Note : 9

Raj Kapoor est sans doute le plus célèbre cinéaste de l’âge d’or de Bollywood. Dès les années 50, ses films furent même distribués en Russie, où ils étaient appréciés pour leurs sujets à coloration sociale, ainsi que pour le couple de cinéma magique que Raj Kapoor formait avec Nargis. A la fois réalisateur, acteur, monteur, musicien, producteur, Raj Kapoor était l’auteur complet de ses films, ce qui lui valut d’être comparé à Charlie Chaplin. Il est vrai que ce dernier l’a beaucoup influencé, notamment pour ses rôles de vagabond au grand cœur dans Awaara et Shree 420, ou bien son personnage de clown triste dans son film le plus personnel, Mera Naam Joker, clairement inspiré des Feux de la Rampe.

Sangam est un mélodrame de 1964 typique de Bollywood. Il créa l’événement en étant le premier film en couleurs de la RK Films, alors que d’autres producteurs en avaient déjà produits (Mother India date de 1957 par exemple). Kapoor voulut donc être à la hauteur : il fut notamment le premier à tourner des séquences musicales en Europe, à Rome, Paris, Londres, Hambourg, un procédé maintes fois imité, à l’origine même d’un véritable genre à Bollywood : le clip onirique. Pour la promotion, le réalisateur décida également d’être présent avec ses stars dans les grandes villes indiennes pour assister aux premières. Il méritait son surnom de « plus grand showman de Bollywood ».

L’histoire de Sangam est celle du classique triangle amoureux : Sundar (Raj Kapoor), Gopal (Rajendra Kumar) et Radha (Vyjayantimala) sont amis d’enfance. Gopal et Radha s’aiment en secret depuis toujours, mais Sunder ne veut pas l’admettre et demande la main de Radha. Essuyant un refus, il a le cœur brisé et décide de s’engager dans l’armée. Plus tard, on apprend que Sunder est porté disparu. Gopal et Radha osent enfin s’avouer leur amour. Cependant, la réapparition inopinée de Sunder, auréolé de gloire, rescapé de la mort, vient perturber leur bonheur…

Le scénario de base semble conventionnel et étrangement familier, mais le film est beaucoup plus riche qu’il n’en a l’air. Certes, Sangam est un parfait divertissement masala : les scènes de comédie très vives de Raj Kapoor, fanfaron et cornemuseur occasionnel, alternent avec des séquences de mélo flamboyant interprétées par des stars charismatiques. Film ambitieux à grand spectacle, il comporte par exemple une réelle parade aérienne de l’Indian Air Force. Les séquences musicales en Europe sont également remarquables, avec notamment une luxueuse chanson d’amour dans les Alpes suisses, au refrain polyglotte : "Ich liebe Dich, I love you, je vous aime"…

Cependant au-delà de l’œuvre populaire, c’est aussi un film d’une grande recherche esthétique, avec une photographie particulièrement soignée. On sent que l’élégant Raj Kapoor, avec sa petite moustache à l’italienne, a voulu un film raffiné dans la forme comme dans le fond. Avec une certaine finesse psychologique, il nous peint l’insoluble dilemme de ces deux amis qui aiment la même femme depuis toujours : leur rivalité en amour n’a d’égal que leur amitié, mais leurs passions dévorantes et incompatibles ne peuvent conduire qu’à la tragédie. La métaphore du titre est d’ailleurs éloquente : le sangam désigne un lieu saint d’Allahabad où se rejoignent les deux fleuves sacrés de l’hindouisme, le Gange et la Yamuna, ainsi que la mythique rivière Saraswati. Ainsi, comme ces cours d’eaux, les trois protagonistes confluent inexorablement vers leur fin, qui ne peut être que commune puisque leurs destins sont liés depuis l’enfance.

A la fin de ce film-fleuve (près de quatre heures), on oublie presque les excès inouïs de ce pur chef-d’œuvre technique du showman de la RK Films, pour garder avant tout le souvenir d’un des plus beaux films romanesques de Raj Kapoor, éternel dandy même lorsqu’il est aux commandes héroïques de son avion de chasse… Avis aux aviateurs !

L’avis de Maya - Note : 9

Sangam a radicalement modifié ma perception du mariage arrangé, il m’a fait prendre conscience du courage et de la volonté de ces femmes qui épousent un homme et apprennent à l’aimer ensuite. Car Radha (Vyjayantimala) aime Gopal (Rajendra Kumar) mais se voit contrainte d’épouser Sunder (Raj Kapoor).

Vous pourriez croire que je révèle la fin du film ? pas du tout, et cela fait partie du non-conformisme d’un scénario apparemment banal. A ce moment, nous en sommes tout juste à la moitié de l’histoire, et là commence la partie la plus intéressante : au lieu de pleurer sous son voile, Radha entreprend de tomber amoureuse de son mari. Ils partent en voyage de noces en Europe, cela nous vaut de jolies promenades dans les capitales européennes des années 60, et un des clips les plus célèbres de Bollywood, Buddha mil gaya où Vyjayantimala en collants vampe littéralement Raj Kapoor dans leur chambre d’hôtel.

L’histoire ne s’arrête pas là évidemment et nous offre encore de belles péripéties sur le thème de la vie maritale et du triangle amoureux.

La force et l’originalité de Sangam est de mettre en scène des sentiments matures et de plusieurs natures. Raj est l’amoureux aveugle, le Roméo de Juliette, fidèle à ses sentiments du début à la fin, émouvant même s’il manque singulièrement d’intuition. Le charisme de Raj Kapoor fait merveille, il met toute sa maturité et sa sensibilité au service de ce personnage assez éloigné du Héros : il n’a pas le beau rôle, il n’est pas l’élu, au début du film on comprend très bien que Radha lui préfère Gopal. Et peu à peu, comme Radha on s’attache de plus en plus à Sunder, malgré ses défauts, ses excès.

Le personnage de Radha est également assez atypique et se développe au fur et à mesure du film. Le scénario (de Inder Raj Anand) ne lui fait pourtant pas de cadeau et elle aurait pu n’être qu’une pauvre chose passive. Mais la mise en scène et l’interprétation de Vyjayantimala en font une véritable héroïne du quotidien, qui doit accepter un destin imposé (même si elle s’est battue pour l’infléchir) mais qui fait front, tourne résolument le dos à son passé plutôt que de le ressasser, et met tout son dynamisme à construire son couple… avant de se retrouver confrontée à ce passé.
Le troisième personnage est davantage un faire-valoir, l’agneau sacrifié sur l’autel de l’amitié, gentil garçon mais faible personnalité, il fait ressortir celle des deux autres. D’ailleurs dans la référence au Sangam il n’est pas l’un des deux fleuves sacrés, mais la rivière Saraswati.

Les chansons de Shanker-Jaikishan sont parties intégrantes de l’histoire, au point qu’elles sont sous-titrées car elles en portent les messages clés, comme la référence aux fleuves sacrés dans Bol Radha bol sangam hoga ke nahin, ou dost dost na raha, bouleversante, qui revient de façon récurrente et cristallise le malaise des protagonistes. Il n’y a pas à proprement parler de chorégraphie, sauf pour O mere sanam où Vyjayantimala danse. Pour les autres chansons, ce sont plutôt des scènes intimistes ou des promenades, soutenues par de jolies mélodies.

La réalisation est recherchée, le thème du triangle est superbement exploité à l’image, Raj Kapoor compose de véritables tableaux où les rapports de force sont exprimés par la construction même des scènes, la position des personnages, l’éclairage. Certains détails en disent long sur le génie et la maîtrise de ce réalisateur.

Ce film de 1964 se situe à une période charnière, entre l’âge d’or de Bollywood des années 50 en noir et blanc, et les films plus sociétaux et plus occidentalisés des années 70. Le scénario garde le côté universel de l’âge d’or, alors que le traitement des relations entre les personnages et le jeu des acteurs sont très actuels. Les couleurs sont inégales, parfois un peu forcées, mais c’est bien le seul aspect qui ait vieilli dans Sangam.


Dost Dost Na Raha

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