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Theri

Traduction : L'étincelle

Bande originale

Jithu Jilladi
En Jeevan - I
Eena Meena Teeka
Chella Kutti
Thaimai
Raangu
Dub Theri Step
Hey Aasmaan
En Jeevan - II

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La critique de Fantastikindia

Par Gandhi Tata - le 24 mai 2016

Note :
(5.5/10)

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Après l’échec de Puli (2015), assassiné par la critique et conspué par le public (même les plus fans), Vijay se devait de faire des étincelles pour rallumer la flamme chez les spectateurs. Produit par Kalaipuli S. Thanu, un des plus grands noms du cinéma tamoul, Theri est un masala d’action familial, où Vijay incarne l’inspecteur Vijay Kumar avec brio. Les heureuses élues - car il y en a deux - qui tiennent l’affiche avec Ilayathalapathy, sont Samantha Ruth Prabhu et Amy Jackson. Samantha, déjà vue dans Kaththi aux côtés de l’acteur et extrêmement populaire dans le cinéma du sud (tamoul et telugu), est en terrain connu. En revanche, c’est une grande première pour la comédienne britannique Amy Jackson qui donne la réplique à Vijay pour la première fois.


Joseph Kuruvilla est un gars à lunettes, sans histoire, affublé d’une perruque à couette assez drôle que lui seul pense crédible. Il mène une paisible existence dans le fin fond du Kerala, verdoyant et peuplé de malayâlis barbus et bien portants, à l’image des stars locales, Mamoothy et Mohanlal. Sa famille ne se résume qu’à une seule personne, son adorable petite fille prénommée Nivi. Entre sa boulangerie où les clients ne se bousculent pas et son fidèle ami Rajendran qui est un lointain cousin de Nosferatu, la vie de Joseph suit son cours sans accroc, jusqu’à sa rencontre avec Annie, la très étrange maîtresse de Nivi, dont la perruque (elle aussi décidément !) et le mauvais doublage, nous intriguent jusqu’à la fin.



Est-elle un agent du MI5 se faisant passer pour une enseignante anglo-indienne ayant forcé sur l’autobronzant ? Nous ne le saurons jamais, et cette intrigue délaissée fera certainement l’objet d’une préquelle ou d’une suite nommée « Theri 2 : au service secret de sa majesté ». Revenons à ce bon vieux Joseph qui ne demande qu’à vivre en paix et garde son identité secrète jusqu’au jour où… Nivi est menacée ! La perruque et les lunettes tombent, et la flamme de la violence se rallume dans les yeux de Joseph Kuru… non ! dans les yeux du DCP Vijay Kumar, superflic intègre, incorruptible, invincible, intouchable, et on pourrait continuer ainsi avec tous les « in- » jusqu’à la toute fin du film. Bref, Vijay Kumar a tourné le dos à un lourd passé, fait de gloire, de souffrance et de larmes. Et ces affreux garnements n’auraient pas dû réveiller la bête qui transformera leur présent en un enfer fait de vengeance et de règlements de comptes. La spécialité de notre héros : la justice expéditive sans passer par la case arrestation ; son péché mignon : la pendaison par la jambe, et sous un pont, des vilains criminels.


Si vous pensez que je viens d’éventer l’intrigue et de tuer tout le suspense, je vous rassure, l’essentiel dans Theri, n’est pas l’histoire ou ses rebondissements (qu’on peut aisément prévoir), mais le spectacle qu’il renferme. Theri est un masala d’action où toute logique ou cohérence est assassinée, au profit de la sacro-sainte formule bravoure-humour-glamour qui est quasi religieusement respectée. Saupoudrez le tout d’une pincée de bons sentiments, pour tirer les larmes de la mère de famille, et vous aurez un modèle du genre, la crème de la crème, l’archétype du divertissement tamoul où l’on se laisse porter par les exploits, les joies, les peines et les vannes (pas toujours drôles) du héros.


Theri est un succès monstre qui a explosé tous les records d’entrées de l’année 2015 en France, et s’est adjugé le titre tant convoité de SUPER HIT au niveau national. Theri est sorti avec Fan, le dernier Shah Rukh Khan, et lui a donné beaucoup de fil à retordre, à l’international, alors que les films hindis bénéficient toujours d’une meilleure distribution. Dans nos contrées, le constat est assez simple, Theri est devenu l’un des 3 plus gros succès tamouls de tous les temps, avec Endhiran – The Robot et Sivaji the Boss.


Quelles sont donc les raisons du plus grand succès de Vijay en France ? On va tenter de le décrypter.
Pour un acteur lambda se louper sur un film peut signer son arrêt de mort et compromettre la suite de sa carrière. Mais pour une grande star comme Vijay, un accident industriel comme Puli (son précédent film), qui sur le plan comptable, ne s’est pas tant ramassé que ça, a eu l’effet inverse en aiguisant l’appétit des fans, comme celui des amoureux du cinéma tamoul. Va-t-il faire un retour flamboyant ou se planter totalement ? C’était « la » question qui était sur toutes les lèvres et dans toutes les têtes alors que Theri était encore en tournage. L’attente, qui est souvent un facteur à double tranchant, a favorablement joué dans le succès de Theri, en attirant non seulement les admirateurs de la première heure, mais tous les curieux, voulant assister à la résurrection du phœnix.


Lorsqu’un projet est monté autour d’une personnalité comme Vijay, le choix du réalisateur doit être mûrement réfléchi, car ce dernier doit à la fois savoir privilégier l’aura de la superstar, s’en servir, et la mettre en valeur. Le scénario et la distribution des acteurs doivent être pensés pour propulser en avant le rouleau compresseur qu’est Vijay, sans lui faire de l’ombre. La lourde casquette de réalisateur est donc revenue au tout jeune Atlee qui n’avait qu’un film au compteur, Raja Rani sorti en 2013.


Atlee qui sort de l’écurie Shankar (Endhiran - The Robot) est un véritable féru de cinéma et son premier film, Raja Rani, était une sorte de relecture moderne du Mounam Ragam de Mani Ratnam, sorti en 1986. D’ailleurs, son succès reposait presque entièrement sur l’effet nostalgie voulu par Atlee, ainsi que sur les nombreuses références au classique, dont Raja Rani était truffé. Sachant que Mounam Ragam est selon de nombreux sondages le film préféré des tamouls, la prise de risque était maximale. Mais Atlee est talentueux et son truc c’est de revisiter les classiques d’hier, sans pour autant les plagier ou tomber dans le mauvais remake.


Pour Theri, il s’est inspiré du polar mafieux de 1995, Basha, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il s’agissait d’un sacré morceau. Car Basha est considéré comme l’un des meilleurs films de la superstar Rajnikanth et s’y attaquer n’est pas loin du blasphème. Heureusement Atlee a adopté la même approche que pour Raja Rani, en n’empruntant à Basha que sa trame et sa mécanique : un héros au passé trouble, est obligé de revenir aux affaires et donc de refaire face aux démons de sa vie antérieure, lorsque ces derniers viennent inquiéter sa famille.


Remplacez le parrain de la mafia incarné par Rajnikanth, par un superflic incorruptible, la petite sœur menacée par l’adorable Nivi, et ajoutez-y une intrigue policière au lieu de la guerre des gangs de Basha, et vous avez Theri ! Ce sacré sorcier d’Atlee a également pensé à laisser sa griffe personnelle en incluant une histoire d’amour, assez convaincante, qui permet au spectateur de s’attacher aux personnages et d’avoir de l’empathie pour eux lorsque l’histoire prend une tournure dramatique.

À la simplicité de son écriture, on peut aussi gratifier le réalisateur d’une excellente direction d’acteurs où aucun membre du casting n’est en roue libre. Il a su créer des liens entre ses comédiens et rendre ainsi crédible, toutes leurs scènes. Qu’il s’agisse de romance, de comédie, de drame ou de confrontation, ça sonne juste et la mayonnaise a pu prendre grâce au travail d’Atlee, lequel est parvenu à donner de l’espace de jeu à tous les acteurs, malgré la présence envahissante de Vijay.


Il faut savoir aussi que dans un divertissement populaire tamoul, la priorité n’est pas seulement de ravir le public familial, mais surtout de contenter les fans de la star en la rendant omniprésente, et ce tout le long du métrage. Cette pratique nuit d’ordinaire à la qualité du film, en réduisant les comédiens à de simples figurants. Cependant, Atlee n’a pas cédé à cette facilité en faisant exister tout le monde et en confiant le rôle fort de l’antagoniste, au réalisateur vétéran J. Mahendran, qui est aussi menaçant que charismatique.

Theri est un mastodonte du cinéma commercial doté d’énormes moyens et le jeune réalisateur n’a pas tremblé dans la gestion de cette énorme machine, notamment dans les scènes musicales, avec un nombre impressionnant de danseurs, où sa collaboration avec le chorégraphe est exemplaire. Cette impression générale plutôt positive n’est pas exempte de couacs, on peut reprocher à Atlee de ne pas avoir adjoint du réalisme à la simplicité de son écriture.


A chaque fois que la situation semble compliquée, Atlee a usé et abusé de grosses ficelles scénaristiques pour dénouer le problème et faire triompher le héros, au détriment de toute logique. On atteint le point de non-retour, dans une scène de flashback où Vijay se tire d’une situation désespérée… de manière désespérante. L’invraisemblance tutoie le ridicule et, à ce moment, l’émotion laisse place à la grimace et au rire. Mais attention ! ça c’est quand on est critique, car pour le fan, quand Vijay souffre, il pleure des larmes de sang.


Étant donné que Vijay est particulièrement apprécié des enfants, on peut regretter l’ultra violence et l’effusion d’hémoglobine dans les scènes d’action et de meurtre. Comme dans la plupart des masalas, il est triste de voir, une fois de plus, l’apologie de la brutalité pour lutter contre le crime. Cela véhicule une morale douteuse auprès d’un jeune public qui considère Vijay comme un modèle. Si dans un film de genre, destiné à une audience plus restreinte, l’usage de la violence peut contribuer au réalisme de la bobine, dans Theri - qui est un spectacle familial - cet élément est déplacé, voir même choquant. Imaginez un instant Deadpool remplacer Captain America dans Avengers… Ça serait étrange, grossier et déplacé.


Concernant les acteurs, Vijay n’écrase pas totalement toute la distribution et comme mentionné précédemment, c’est une des clés du succès de Theri. On peut même dire que le film repose sur 3 individualités, car en plus de Vijay, Samantha et J. Mahendran sont aussi très bons dans leurs rôles respectifs. Si Amy Jackson, dans le rôle de la maîtresse super sexy à la perruque improbable, n’est là que pour son nom et sa plastique, Samantha est en revanche très bonne dans le rôle de Mithra. Je dois même avouer que, malgré les dégâts de la chirurgie esthétique sur son visage, elle est parvenue à m’émouvoir par son regard et sa sensibilité. Dans le monde de Theri, peuplé de brutes épaisses, Mithra parvient à apporter cette touche d’humanité qui nous révèle le côté tendre de l’inspecteur Vijay Kumar. L’alchimie entre les deux personnages, fonctionne en grande partie grâce au jeu de Samantha qui incarne avec beaucoup de conviction cette femme généreuse qui va chambouler la vie du héros.


De son côté, J. Mahendran s’est éclaté en interprétant Vanamaamalai, un politicien véreux et calculateur dont les méfaits vont le mettre sur le chemin de Vijay Kumar. J’ai trouvé jubilatoire, la façon dont J. Mahendran cultive son côté cynique tout au long du film et surtout, l’apparente fébrilité qui cache son extrême cruauté. La puissance de ce méchant donne tout son intérêt à l’opposition avec le héros, et c’est là l’une des qualités de Theri. Enfin, il y a Vijay, l’homme-orchestre qui brille et sait absolument tout faire ! bon, presque tout, car, oui, c’est un excellent danseur, il est hallucinant dans les bastons et absolument hilarant quand il s’agit de jouer la comédie, mais il faut admettre qu’il a du boulot au niveau de son jeu d’acteur ; face à un poids lourd comme J. Mahendran, on entrevoit ses limites.


Pour finir avec les performances, j’ai été un peu déçu par la petite Nainika qui interprète la fille de Vijay. On dit souvent que les enfants sont des comédiens nés qui ont un jeu naturel et une façon plus instinctive d’aborder un rôle, par rapport aux acteurs adultes. Seulement, dans Theri, Atlee ne semble pas lui avoir laissé le temps nécessaire pour improviser. Ça nous donne au final, des répliques téléphonées et forcées, où la petite fille est juste agaçante. Mais vu son jeune âge, on n’en tiendra pas rigueur et elle est tellement mignonne, qu’on attend de la revoir dans un prochain film. Sur ce point, Atlee a beaucoup à apprendre et il devrait s’inspirer des films comme Anjali et Kaaka Muttai, où ses pairs ont su extraire, à force de patience et de persévérance, d’inoubliables prestations de manière spontanée.


Techniquement, Theri est tout juste bon, sans être exceptionnel. En même temps, pour une production de ce calibre, il aurait été inconcevable de ne pas être à la hauteur sur la danse, la photo, les combats et la musique. Si la bande son de G.V.Prakash est mémorable, avec des thèmes musicaux électrisants et furieux, on n’en dira pas autant de l’album, très moyen, avec simplement deux chansons sur six qui marquent les esprits. Le chef opérateur George C. Williams qui connait bien Vijay, est parfaitement dans son élément, mais son manque d’inventivité sur les clips musicaux ( en particuliers les ballades romantiques) est décevant. Ça fait presque dix ans que toutes les caméras indiennes sont posées de la même manière, dans des décors paradisiaques avec les mêmes tons et la même lumière. Toutefois, il se rattrape avec brio sur les séquences d’action, dont il a su parfaitement capturer l’intensité.


Si on doit juger Theri sur son scénario, c’est moyen, et pas loin d’être mauvais, car les énormités se succèdent et dans la vraie vie, le protagoniste principal serait mort plusieurs fois, ou en prison avec tout ce qui lui arrive. Mais nous sommes face à un masala d’action et, comme pour un film de superhéros, on peut envoyer balader le bon sens et se délecter du spectacle proposé. Car Theri n’est plus ni moins qu’un gigantesque show filmé, où Vijay s’illustre avec maestria dans toutes les disciplines comme la danse, la comédie, l’action, et la romance, où il excelle. On en prend plein la vue et l’essentiel est là.


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