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David (version tamoule)


Bande originale

Light House Symphony
Vaazhkaye (The Theme of David)
Maria Pitache [David version tamoule]
Kanave Kanave
Mannamey
Iruvanil Ullavavaa
Theerathu Poga Poga Vaanam
Machi
Mannamey (Dub Step Version)

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La critique de Fantastikindia

Par Savoy1 - le 11 février 2013

Note :
(8/10)

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Nous voici donc au Publicis Elysées, pour assister à l’une des avant-premières de David version tamoule, proposée par Ayngaran. La preuve qu’il y a bien plus qu’un frémissement au niveau distribution de films indiens …

La grande salle nous tend les bras, avec un public clairsemé, quelques dizaines de spectateurs tout au plus, ceci dit il fallait s’en douter. Par contre, la communauté tamoule est au rendez-vous, jeune et essentiellement masculine. Seule une petite poignée d’occidentaux s’est "risquée" dans la place. En tout cas, la bonne humeur est de rigueur en ce début de séance. Mais nous n’aurons droit à aucune effusion pendant la projection, tant pis…

David, donc. Un prénom. Qui dit prénom, dit évidemment personnage, puis acteur. Et là, comme on le sait, il y en a deux. Donnons tout de suite le résultat des courses : les deux vedettes annoncées, Vikram et Jeeva, sont-elles à la hauteur de l’œuvre qui va peser sur leurs épaules ? Sans hésitation, je répondrai « oui ».

Jeeva, tout d’abord, découvert pour ma part dans le rôle de Mugamoodi, pour lequel, hormis sa prestation physique, il n’y avait pas grand-chose à dire. Il se révèle particulièrement concerné par son rôle de jeune homme, d’abord insouciant, puis en colère contre la société parfois intolérante dont il va prendre la pleine conscience.

Vikram, ensuite, acteur versatile s’il en fut, gros bras décérébré dans Rajappatai ou justicier aveugle dans Thaandavam - Vendetta, découvre à mes yeux une facette de comédien comique particulièrement inattendue, au vu de son corps musculeux. En saoûlard perpétuellement à fleur de peau, il laisse éclater une palette de jeu corporel toujours sur le fil du rasoir et du trop-plein. Parti-pris et pari tenus.

David, donc, ou le destin, croisé par le montage, de deux personnages aux antipodes l’un de l’autre, tant par leur situation sociale que géographique. D’un côté, un David pêcheur (Vikram), dans la fleur de l’âge, dont la vie a basculé le jour de son mariage. Sa fiancée a en effet fui la cérémonie. Devenu la risée de la communauté, il a sombré dans l’alcool et le dégoût des femmes et de soi, nous sommes à Goa en 2010. De l’autre, un jeune David (Jeeva, bien entendu), professeur de guitare rêvant d’une carrière musicale, pourtant bien peu en accord avec sa situation familiale. Non seulement, il fait partie de la classe moyenne, mais de plus, son père est un chrétien convaincu. La confession de ce dernier va se révéler plus qu’empoisonnée lors des troubles communautaires qui vont faire leur apparition en ces temps troublés, nous sommes à Bombay en 1999.

Deux strates temporelles, deux vies dissemblables au possible. Et surtout, deux traitements cinématographiques totalement divergents. Un antagonisme de tous les instants choisi par le réalisateur, assumé de bout en bout, qui va faire tout le sel de l’œuvre. On accroche ou pas, mais le pari est lancé…

Bref panorama de ce qui va nous attendre.

On attaque par Goa, et sa plage vibrant au gré des activités maritimes. Dans la guinguette toute proche, un homme boit plus que de raison, et une conversation alcoolisée à propos des femmes va dégénérer. Rappelons que, suite à la présentation du film sur le site par Gandhi Tata, je suis venu avec l’idée préconçue de quelque chose de sérieux. Or, c’est les yeux écarquillés que va s’offrir à nous une séquence d’une bêtise hallucinante. Passent encore les propos phallocrates, mais s’ensuivent un coup de poing en pleine tête pour assommer une cliente trop bavarde, une baston clownesque avec force cadrages déformés et bringuebalants, et un lancer de nain ! Ca fuse dans tous les coins, c’est bruyant, bon dieu, à quoi assistons-nous ? Puis une idée traverse l’esprit : ne serait-ce pas là une descendance des comédies « bananières » avec Bud Spencer ? Il semble que oui, la suite, dans la mouvance de la farce à l’italienne, ne va pas l’infirmer.

Si l’on accepte d’emblée ce parti-pris truculent, on finit par s’attacher à ce pochard à la dérive, coincé entre une matrone maternelle, respectueuse des traditions, et une masseuse philosophe et confidente. De plus, notre pêcheur a pris l’habitude de s’épancher auprès de son géniteur, gros bonhomme dans son éternel tee-shirt souillé. Problème : celui-ci est trépassé depuis un moment ! De cocasses situations visuelles en perspective, dans la lignée de ces films où le héros est seul à voir un ami imaginaire.

Puis, basculement supplémentaire à maintes reprises, le fantastique pur vient s’imposer au gré des événements. L’esprit prend littéralement possession du corps de passants, et c’est un gamin qui vient se saoûler en compagnie de son « fils », ou une femme à la voix masculine qui vient faire la leçon à sa « progéniture ». Moments désarmants qui finissent par provoquer l’hilarité par leur répétition.

Soutenus par un style de musique et des chansons rappelant les bandes originales de la grande époque italienne, ces coups de gueule et ces déprimes, ces gens du peuple et ces fantômes, rappellent définitivement le genre de la farce romanesque et romantique alors fréquenté par bien des réalisateurs méditerranéens, auteurs prestigieux comme artisans du bis.

Sans crier gare, l’amour alors surgira. Et le spectateur de prendre de plein fouet un immense instant de poésie fluviale, digne du Saawariya de Sanjay Leela Bhansali, qui le ramène à la "réalité" de la fiction indienne. Malin.

Bombay, 10 ans plus tôt. Un homme grisonnant harangue les passants, et les exhorte à une collecte en faveur des victimes d’un récent incendie. Ses sollicitations rencontrent peu d’écho, il faut dire que notre orateur est chrétien. Dans ces quartiers, ce n’est certes pas une religion répandue. Ce qui n’empêche pas ce père de famille de s’obstiner, au risque de sacrifier l’avenir de ses enfants. Les deux filles semblent en tout cas résignées, ce qui n’est pas le cas du fils, guitariste rêvant d’un ailleurs, autant musical que géographique.

Chronique d’une vie citadine de tous les jours, cette histoire se situe dans la lignée des œuvres sociales de Mani Ratnam. Des situations simples, dans lesquelles le voisinage, d’une veuve, mère d’un petit garçon, à l’oncle dépassé par les jeunes, permet de balayer le spectre d’une population indienne en mutation. Ce n’est pas très novateur, mais l’empathie est au rendez-vous.

C’est alors que l’intolérance va surgir sans crier gare. Au nom d’intérêts qui lui échappent encore, le patriarche est pris à partie, sur le pas de sa porte, par une foule hindouiste en colère. Blessé dans sa chair, il sombre dans un lourd traumatisme physique. Des instants particulièrement éprouvants. Le jeune héros n’aura alors de cesse de dénicher les coupables, quitte à remonter en haut lieu, et déterrer des intérêts autant politiques qu’économiques.

Nous sommes maintenant passés sur le terrain du thriller. Avec le méchant et ses sbires patibulaires. Et le plaisir de retrouver confrontations de tragédie et scènes d’action dans l’air du temps, mises en scène dans d’imposantes architectures urbaines. Musiques, chansons et artifices de montage enrobent cette partie façon série B pour le bonheur de l’aficionado. L’amour ne sera pas au rendez-vous. Mais peut-être que l’Amour, avec un grand « A », oui …

Rassurez-vous, je n’ai pas tout dévoilé, vous devez quand même découvrir le tout par vous-même. Rappelons simplement que nos deux destins sont relatés en parallèle, provoquant par là-même d’incessantes ruptures de tons. Les deux situations présentées s’entrechoquent donc en permanence, sans transitions. Ici, pas de motifs, visuels ou sonores, qui permettraient de passer d’une époque à l’autre par l’intermédiaire d’un quelconque lien. Choc des traitements cinématographiques, des prestations des comédiens, des genres. On tiendrait peut-être là, momentanément du moins, une ultime excroissance du cinéma masala, à qui il manquerait juste les numéros dansés. Pour le spectateur, en tout cas, une leçon de tolérance qui s’impose, au propre comme au figuré.

Merci Ayngaran de nous permettre de découvrir ce film sur grand écran, dans des conditions idéales, et avec sous-titres français qui plus est. Ceux-ci sont dans l’ensemble très bons. Sont juste à souligner les quelques habituelles bourdes d’accord masculin-féminin, et les traductions littérales qui font toujours sourire, comme le « n’est-ce pas » transposé en « n’est-il pas ». Ce sera pour la prochaine fois.

Juste une suggestion, écrire en caractères (alphabet latin) le titre David, et les noms du réalisateur et de quelques techniciens et artistes, sur les cartons du générique de début, aurait été fort bienvenu.
A la prochaine, cher distributeur.


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