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Dor

Traduction : Fil

Bande originale

Yeh Honsla
Kesariya Balam
Piya Ghar Aaya
Yeh Honsla (sad)
Theme Music [Dor]
Imaan Ka Asar
Allah Hoo Allah Ho
Expression of Love

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La critique de Fantastikindia

Par Gorkita, Lalita - le 8 février 2007

Note :
(8/10)

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Dor est le 7ème film de Nagesh Kukunoor, réalisateur atypique dans le paysage du cinéma hindi. Son premier film fortement autobiographique (Hyderabad Blues, sorti en 1996 en langue télougou) avait fait souffler un vent de renouveau sur le cinéma d’auteur indien, et ce malgré une finition quelque peu amateur. Depuis Nagesh a réalisé cinq autres films et les hésitations dans la réalisation et le montage sont bien loin. Dor est techniquement très maîtrisé et c’est un film intense et enchanteur doté d’une atmosphère très particulière dans laquelle on s’immerge avec délice. C’est ce charme et cette atmosphère qui font la force des films du réalisateur.

Zeenat (Gul Panag) est une femme au caractère bien trempée vivant dans les montagnes de l’Himachal Pradesh, Meera (Ayesha Takia) est une humble jeune fille du Rajasthan. Leur mari respectif les quitte pour travailler en Arabie Saoudite et suite à un terrible coup du sort, les destinées des deux femmes se trouvent inextricablement liées. Zeenat doit partir à la recherche de Meera dans le lointain désert Râjasthâni afin de sauver son mari promis à une mort certaine…

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zeenat

Dor est l’histoire de deux femmes en tout point différentes, mais dont le destin fait se croiser les chemins. Le film montre la manière dont elles vont se rencontrer, se déchirer, se lier en dépit du poids des traditions et de la fatalité. Il s’agit là avant tout d’une quête intérieure et d’un voyage au cœur des relations humaines. La crédibilité des personnages est donc capitale et c’est là que les choix surprenant de Nagesh en termes de casting se révèlent excellent. En effet la jeune Ayesha Takia, absolument transparente dans ses précédents films (Socha Na Tha ou le lamentable Home Delivery) campe ici une meera plus vraie que nature, tout à tour fragile puis volontaire, touchante et sensible. Une véritable révélation dont le talent était a priori insoupçonnable. Le rôle de Zeenat est quant à lui tenu par Gul Panag, ex-Miss India, volontairement enlaidie pour le film qui après des débuts à la télévision avait notamment joué dans Jurm. Elle aussi assume son personnage de femme forte et décidée avec beaucoup de conviction. On retrouve enfin Shreyas Talpade qui jouait le rôle titre dans l’excellent Iqbal du même Nagesh Kukunoor. Il hérite ici d’un personnage comique amenant un peu de légèreté à un film plutôt sérieux. Cependant son personnage (qui aurait mieux convenu à un Dharmendra) manque un peu de profondeur.

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Bheroopiya

Film après film le cinéma de Kukunoor se pare des atours du cinéma hindi populaire : scènes chantées, photographie colorée, acteurs professionnels (dont ici une Miss), paysages grandioses… Dor bénéficie même d’une ultra-classique scène de séparation dans une gare, à la DDLJ Malgré tout, ses films restent à part, entre cinéma d’auteur et masala, conservant une profondeur, un ton et un traitement tout particuliers. Ainsi Contrairement à la plupart des productions hindi, Dor est centré sur des personnages féminins. Leur force et leur persévérance font d’ailleurs plus penser à certains films "féministes" des années 80, tel que Mirch Masala, qu’aux récents blockbusters bollywoodiens.

Seules deux raisons me retiennent de donner à Dor la note maximale. D’une part le film semble être un remake inavoué. L’histoire reprend en effet quasiment à l’identique celle du film malayalam Perumazhakkalam où Meera Jasmine tient le rôle incarné par Gul Panag dans Dor. Ensuite le personnage de M. Chopra joué par le réalisateur lui-même ne présente que peu d’intérêt et la sous-intrigue qui le concerne aurait tendance à perturber le bon déroulement de l’histoire principale.

Mais ces deux petits défauts n’enlèvent cependant rien à la puissance du film : Dor est une œuvre magnifique, profondément humaine et attachante. Si vous avez aimé Mr & Mrs Iyer d’Aparna Sen, vous apprécierez sans doute Dor. Nagesh Kukunoor confirme avec ce film qu’il est un réalisateur incontournable, un des plus intéressants de sa génération et dont on attendra les prochaines productions avec impatience.

Note 8/10 Lalita

Zeenat (Gul Kirat Panag) habite dans la région de l’Himachal Pradesh. Jeune fille volontaire et indépendante, elle mène sa vie comme bon lui semble. Son conjoint décide d’ailleurs d’en faire autant, lassé de devoir attendre l’accord de ses parents pour l’épouser. Meera (Ayesha Takia) est une jeune fille plus « traditionnelle » qui vit avec la famille de son mari au Rajasthan. Très enjouée, elle adore danser devant lui sur des chansons à succès et l’appelle tendrement « sa liberté ».

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Meera

Un jour les deux hommes s’en vont pour travailler en Arabie Saoudite. Quelque temps après leurs épouses apprennent une terrible nouvelle : on accuse le mari de Zeenat d’avoir tué celui de Meera. Zeenat décide alors de se lancer à la recherche de Meera pour sauver son époux.

C’est ainsi que le réalisateur Nagesh Kukunoor va nous entraîner avec Zeenat dans cette quête pour découvrir cette toute autre vie, ces paysages si différents, une jeune fille au caractère opposé au sien. En effet son mari mort, « sa liberté » disparue, Meera devient une veuve. Condition déjà évoquée dans le film Water (nommé aux Oscars), elle suppose de mener une vie d’ascète et de subir une sorte de « châtiment » pour une mort qui ne dépend pas de soi en devenant une pestiférée. Meera n’est pas rejetée, mais devient esclave de sa belle-famille. Son mari n’étant plus là pour travailler, elle est une charge pour son beau-père dont l’obsession est de racheter la demeure familiale et ainsi préserver son honneur.

Dans un pays où l’inégalité entre les sexes prend une tournure dramatique, ce film évoquant la condition de la femme en Inde prend une résonance toute particulière. Le réalisateur étaye son propos à travers le portrait de ces deux femmes, et surtout en faisant de Zeenat un modèle pour Meera.

Car celle-ci va lui donner l’occasion de voir pour la première fois une femme forte et indépendante, elle qui n’est entourée que de personnages féminins qui subissent leur sort dicté par la tradition. Sa grand-mère par exemple, qui à la mort de son petit-fils cesse d’être méchante avec elle. Elle lui explique résignée qu’elles partagent désormais cette vie d’ombre, condamnées qu’elles sont à se draper dans des habits sombres signifiant leur statut.

Il y a aussi celui de sa belle-mère, la classique marâtre antipathique. La belle-mère est pourtant un personnage très en retrait dans le film. Mais plus que la violence morale des hommes, ce sont les femmes jalonnant le récit qui provoquent la réflexion sur le problème de la condition féminine. Même au travers de ce personnage qui, se dit-on, devrait prendre fait et cause pour Meera, parce qu’elle est une femme. Une phrase va cependant mettre en perspective la vision de ses actes.
En effet, la grand-mère (d’une grande sagesse) lui fait comprendre (enfin) qu’elle pourrait être à la place de sa belle-fille. Et c’est là que l’on se prend de compassion pour toutes les belles-mères de conte de fée (oui, oui, même « c’te vache de belle-mère » de Cendrillon) en se disant que dans un monde où la femme acquiert un statut à travers l’homme, où être mariée élève son rang social, où donner naissance à un fils lui assure la pérennité, comment ne pas lutter avec sa belle-fille pour son affection ? Comment ne pas voir en elle une menace sur son futur, sur sa caisse de retraite lorsque son propre conjoint disparaît ? Ces femmes ne se battent pas depuis la nuit des temps par jalousie. Il y a plus important pour se lancer dans cette lutte fratricide entre êtres qui partagent les mêmes blessures : c’est la survie !

Mais Dor n’est pas que cela. C’est avant tout une histoire d’amitié entre deux femmes comme on en voit peu à Bollywood. En effet, Zeenat rentre dans la vie de Meera, fraternise avec elle et finit par lui redonner sa joie de vivre. Ce qui va donner lieu à une scène assez drôle où Meera entraîne Zeenat et son ami Behroopiya / Shreyas Talpade, dans une chorégraphie endiablée en plein désert au son de Kajra Re du film Bunty aur Babli ! En échange, Meera montre à Zeenat toute la fantaisie qui manque à son caractère endurci.

Le réalisateur allège en plus son récit en introduisant le personnage comique de Bheroopiya, un escroc qui se dit acteur. Il va aider Zeenat à trouver Meera au Rajasthan. Shreyas Talpade qui l’interprète a déjà fait sensation dans Iqbal (du même réalisateur) où il joue le rôle d’un sourd-muet passionné de cricket. Il n’est malheureusement ici qu’un faire valoir, mais nous permet de percevoir son potentiel immense. Même chose pour les héroïnes qui l’accompagnent : Ayesha Takia, vue notamment dans Socha Na Tha, se révèle être une jeune actrice très douée. Elle arrive à explorer toute la palette de sentiments de son personnage : de la joie à la tristesse, en passant par la colère et enfin la révolte. Elle prouve en réalisant la meilleure performance du film qu’elle peut espérer des rôles plus consistants dans l’industrie du cinéma indien. Quant à sa partenaire Gul Kirat Panag, ses deux premiers films (Dhoop en 2003, Jurm en 2005) n’ayant pas affecté sa jeune carrière, on espère que la reconnaissance critique qu’a obtenu Dor créera le déclic.

Dor est un film simple. Dans la lignée d’un Ahista Ahista (sorti aussi en 2006), il dépeint les relations humaines en restant près de ses personnages sans jamais en rajouter dans un glamour superficiel qui nuirait à son récit. Comme dans le précédent film évoqué où le personnage principal dit « je ne suis pas un Devdas », Nagesh Kukunoor refuse à son œuvre de tomber dans la débauche lacrymale et les séquences émotions appuyées. Mais on ne peut l’opposer totalement à des bollywoods dits « classiques » puisqu’il reste dans cette tradition, ne serait-ce que par l’évocation de musiques populaires, et en s’inspirant de l’imagerie romantique d’œuvres célèbres (voir la critique de Gorkita).

Film nécessaire de par son sujet et par sa qualité, Dor est à voir ne serait-ce que pour faire mentir le box-office qui a encore une fois laissé passer une perle.

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