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Gulaal

Publié vendredi 20 mars 2009
Dernière modification mardi 3 mars 2015
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Par Jordan White

Rubrique Albums
◀ Delhi-6
▶ Aa Dekhen Zara

Anurag Kashyap est un réalisateur étonnant. A l’heure où les BO flirtent avec ou se repaissent allègrement de sonorités aux beats plus que syncopés comme on pourra le voir en détail avec Aa Dekhen Zara, l’auteur de Black Friday et No Smoking, à contre-courant, impose une BO traditionnelle qui rappelle les meilleures chansons d’Omkara. Vishal Bharadwaj n’est plus à la baguette mais Piyush Mishra reprend le flambeau d’une fort belle manière.

A l’heure du son électronique, des beats laissant deviner une surproduction, de la place majeure occupée par l’ambiance dancefloor ou r’n’b de certains titres d’une majorité de BO, celle de Gulaal sonne non pas comme un retour en arrière inquiétant mais comme une remise à l’honneur de la musique traditionnelle indienne. C’est bien simple, il n’y a, à l’exception de quelques riffs de guitare, aucune présence de synthé, d’électro ou de boîte à rythmes. C’est un retour au meilleur d’Omkara, laquelle était signée Vishal Bharadwaj. D’ailleurs on retrouve la voix pleine d’émotion de Rekha sur celle de Gulaal. Ça commence comme du Devdas, façon courtisane Chandramukhi et ça se conclut en ghazal.

Gulaal est une oeuvre originale, forte, empreinte de mysticisme, de lyrisme.

Rekha est présente sur deux titres majeurs. Le premier est Ranaji. Une petite merveille de composition qui démarre sur les chapeaux de roue avec des tablas. La voix est chaleureuse et enveloppante. C’est un plaisir d’entendre cette grande chanteuse nous démontrer une fois encore ses grande capacités vocales en délivrant une large palette d’émotions. La voix féminine est accompagnée par des choeurs masculins enthousiastes. Le morceau marque une rupture de rythme étonnante à 3 min 37 s. Avant de redémarrer de plus belle après ce pont à 4 min 21. Une variation dans la composition qui lui offre un second souffle.

Yaara Maula nous prend aux tripes dès l’introduction. La voix de Rahul Ram est profonde et elle est soutenue par les magnifiques violons ainsi que le piano, bientôt transcendé par la fin du premier couplet et l’arrivée des guitares tranchantes. Le rythme est bouleversé et l’instrumentation classique du début laisse place à une ambiance plus noire. La tournure rock du morceau ne lui enlève rien de sa splendeur, et la durée courte du titre lui donne une urgence, une colère et une rapidité étourdissantes.

Tablas, dhols, trompettes se succèdent dès l’ouverture martiale de la chanson Arambh qui compte sur la voix de Piyush Mishra, lui-même compositeur de la BO qui insuffle un esprit épique, libérateur et frondeur. La fin du premier couplet, les accélérations de rythmes, la frénésie qui se dégage de l’ensemble lui permettent une fois encore de se renouveler. Le disque prend de plus en plus d’ampleur, montant crescendo. Les détails fourmillent : anklets, tambours, violons, tous réunis pour offrir une tonalité opératique.

Aisi Saaza semble annoncer le calme avant la tempête. Premières paroles, et tout est fait pour nous subjuguer : Shilpa Rao donne de la voix, et de quelle manière ! Tempérée, mesurée, limite lancinante, la voix de la chanteuse est magnifique. Depuis Kudhaa Jaane et même Saiyaan Re sur la BO de Salaam-e-Ishq, elle est présente dans les BO majeures et devient par la même occasion une artiste qui compte voire une artiste incontournable. C’est l’occasion d’entendre un très beau riff de guitare acoustique et une production d’une qualité supérieure. Le plus beau réside sans doute dans l’arrivée de la pluie accompagnée par l’air de piano, en mezzo vocce, avant le retour des percussions à 3 min’ 36 par la grâce d’un tambour frappé sèchement. On peut d’ores et déjà parier sur la présence de cette chanson dans le top de l’année.

Si Sheher impressionne également par sa construction dramatique avec un passage très sombre à 2 min 30 durant lequel l’accordéon semble désaccordé, c’est surtout la chanson Beedo, le second titre de Rekha, et son petit air punjabi (2 min 54 s à 3 min 01 s) qui constitue le point d’orgue du disque, son firmament. La composition rappelle inévitablement Beedi sur Omkara, chanté déjà par Rekha, mais ici pas de synthé ni de rythmes retravaillés. Tout est typiquement traditionnel, même si la guitare électrique vient s’immiscer en donnant irrésistiblement envie de taper des mains en se laissant emporter par la voix, la musique et les paroles. Un travail d’orfèvre.

Deux très beaux morceaux referment le disque dont Duniya.
Une très belle BO qui a l’audace de proposer une musique aux sonorités typiquement indiennes quand d’autres se tournent davantage vers un format occidental avec des titres raccourcis et destinés à être aussitôt écoutés aussitôt oubliés. Ne vous attendez pas à une BO au rythme endiablé, c’est exactement l’inverse. Lentement mais sûrement sa beauté se dévoile. La BO semble tenir des promesses que le film n’aura plus qu’à concrétiser.

La bande-annonce du film :


Année : 2009

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