]]>

Hawaizaada

Traduction : Né du vent

LangueHindi
GenreFilm historique
Dir. PhotoSavita Singh
ActeursMithun Chakraborty, Naman Jain, Ayushmann Khurrana, Pallavi Sharda, Jeffrey Goldberg
Dir. MusicalVishal Bhardwaj, Rochak Kohli, Ayushmann Khurrana, Mangesh Dhakde
ParoliersVibhu Puri, Mirza Ghalib
ChanteursMohit Chauhan, Neeti Mohan, Papon, Sukhwinder Singh, Harshdeep Kaur, Rekha Bharadwaj, Javed Bashir, Monali Thakur, Wadali Brothers, Ravindra Sathe, Rochak Kohli, Ranadeep Bhasker, Shweta Subram, Lakhwinder Wadali
ProducteursReliance, Rajesh Banga, Vishal Gurnani, Vibhu Puri
Durée130 mn

Bande originale

Hawaizaada Dil
Daak Ticket
Maazaa My Lord
Dil-E-Nadaan
Udd Jayega
Dil Todne Ki Masheen
Yaadein Gatthri Mein
Turram Khan
Dil-E-Nadaan (Reprise)
Teri Dua

En savoir plus

Fiche IMDB
Page Wikipedia
La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 20 novembre 2015

Note :
(0.5/10)

Article lu 1239 fois

Galerie

Certains films sont grotesques, tournés avec les pieds, joués sans talent, écrits sur un coin de table un soir de beuverie, mais il s’agit toujours de propositions artistiques que leurs auteurs nous offrent en tremblant. Et on ne refuse pas d’emblée un cadeau, n’est-ce pas ? Et bien si ; lorsque le film est un attrape-nigaud, et que le nigaud en question c’est vous… et moi.

Cette histoire abracadabrante se situe en 1895, alors que l’aviation en est encore à ses premiers balbutiements. Les auteurs comptant sur l’ignorance des spectateurs, un bref rappel historique n’est peut-être pas inutile.

Le premier décollage d’un engin piloté plus lourd que l’air a été effectué en France par Felix du Temple en 1874. Sa machine de 13 mètres d’envergure conduite par un enfant a tout juste quitté le sol car son ingénieux moteur à vapeur n’était pas assez puissant pour la faire s’élancer dans les airs. Seize ans plus tard, Clément Ader a pu faire un bond incontrôlé d’une cinquantaine de mètres au guidon de son Éole, une étrange machine aux ailes de chauve-souris. Ces deux ingénieurs français font partie de la multitude de savants et inventeurs, principalement européens qui ont fait progresser la technique pas à pas vers le rêve d’Icare à la fin du XIXe siècle. Ils savaient tous que le problème essentiel était celui de la propulsion ; les moteurs à vapeur étant beaucoup trop lourds pour entraîner dans le ciel une machine et ses passagers. Le salut est donc venu de l’invention du moteur à explosion vers 1880. Le premier véritable vol piloté est vraisemblablement l’œuvre de Gustave Whitehead en 1901 avec son Whitehead No. 21 doté d’un moteur à acétylène. Les frères Wright ont suivi en 1903 avec un moteur à essence fabriqué sur mesure. L’aviation venait de décoller… Ses origines n’incluent l’Inde en aucune façon.

JPEG - 78.9 kio
Aéroplane de Victor Tatin (1879)

Pourtant, il se trouve des Indiens pour prétendre qu’un certain Shivkar Bapuji Talpade aurait fait voler un petit engin sans pilote en 1895. Après tout, pourquoi pas. L’anglais John Stringfellow et le français Felix du Temple ont bien eux aussi montré des maquettes volantes presque un demi-siècle auparavant. Le problème avec la machine de Talpade, nommée Marutsakh ?, commence avec le fait qu’elle lui aurait été inspirée par les textes védiques [1]. De là à dire qu’elle aurait été imaginée par les Dieux, il n’y a qu’un pas qu’Hawaizaada franchit sans hésiter. Ensuite, dans un sursaut de patriotisme imbécile, on ne trouve rien de mieux que de comparer « l’exploit » avec celui des frères Wright. Peu importe que les deux américains aient fabriqué un véritable avion et non un modèle réduit. L’Inde ne peut rivaliser qu’avec l’Amérique. Mais les faits sont têtus. Les dessins qui restent de Marutsakh ? ne permettent pas d’imaginer qu’il ait pu quitter le sol et les preuves d’un éventuel vol sont hautement discutables. Qu’à cela ne tienne, c’est la faute des méchants Anglais qui ne voulaient pas qu’un Indien réussisse.

Qu’a réellement fait Talpade ? On ne sait pas. Cela n’empêche pas Hawaizaada de surfer sur la vague d’un chauvinisme inepte qui s’inscrit dans le mouvement pour donner droit de cité aux « sciences védiques [2] ». On pourrait presque en rire si des ministres comme Harsh Vardhan (BJP) n’approuvaient publiquement cette croyance. Dans une tentative de se dédouaner, Ayushmann Khurrana qui joue le rôle principal, a déclaré que le film n’était pas sur le vol de Marutsakh ? dont il ne sait pas s’il a eu lieu, mais sur la conspiration des Anglais pour l’interdire. Malheureusement pour lui, rien n’indique que les Anglais aient été au courant d’une quelconque tentative de Talpade. On ne voit d’ailleurs pas bien pourquoi ils s’y seraient opposés. Le film argumente qu’un succès aurait fait de l’ombre aux savants anglais. C’est oublier que quelques années après cette histoire, un mathématicien indien génial qui végétait dans la misère à Madras, Srinivasa Ramanujan, a dû son salut et sa renommée à un Anglais, G. H. Hardy.

Mais revenons au film. Le jeune Shivkar Bapuji Talpade (Ayushmann Khurrana) redouble pour la 8e fois son CM2. Ses parents ne savent que faire de ce bon à rien. Un soir qu’il a trop bu, il s’introduit dans le théâtre dont son père est propriétaire. Il y rencontre Sitara (Pallavi Sharda) dont il tombe amoureux sur le champ. Le jeune idéaliste cause un peu de scandale et finit par se faire jeter dehors. Il cuve dans le caniveau lorsqu’un vieil homme (Mithun Chakraborty), poursuivi par la police anglaise, passe à côté de lui et glisse un livre dans sa chemise ouverte avant de disparaître.

Le lendemain, Shivkar est intrigué par l’étrange manuscrit qui décrit de mystérieuses machines ressemblant à des bateaux ailés. Mais il l’oublie bien vite pour aller compter fleurette à la belle Sitara. À la première occasion, il escalade la façade du théâtre pour la rejoindre. Les pandores aux aguets ne peuvent pas laisser le premier venu jouer les monte-en-l’air. Shivkar se retrouve alors jeté illico dans une cellule où il a la surprise de se retrouver nez à nez avec Subbaraya Shastri, l’homme qui lui avait confié le livre.

Il est inutile d’aller plus loin. Shivkar Talpade va assister Shastri dans la construction d’un avion entre deux tentatives de séduire Sitara. Comme les ignobles Anglais ne peuvent supporter l’idée qu’un Indien vole, ils vont tout faire pour leur mettre des bâtons dans l’hélice. Shivkar Talpade va presque se transformer en freedom fighter

Cette histoire qui n’a ni queue ni tête se situe dans des décors extravagants que n’auraient pas renié Sanjay Leela Bhansali. Le réalisateur et scénariste, Vibhu Puri, était d’ailleurs son assistant dans Saawariya. On peut imaginer que ce cadre magnifique parfois assez proche du cinéma de Terry Gillian était destiné à plonger dans la rêverie et à nous éloigner définitivement de toute réalité historique. Malheureusement, le personnage principal est nommé et certains illuminés, dont les auteurs eux-mêmes, prétendent qu’une partie des événements racontés sont avérés. L’idée était peut-être au contraire de remplir les trous dans la biographie très mal connue de Shivkar Talpade. Mais le mélange des genres est dévastateur car l’identité visuelle d’Hawaizaada brouille totalement son propre message au point qu’il en devient obscur.

La description du personnage principal fait également la part belle au n’importe-quoi. Il est déjà extrêmement difficile d’imaginer un jeune homme redoublant huit fois une petite classe. Mais alors comment concevoir que ce cancre qui ne sait rien faire de ses dix doigts se transforme en quelques mois en un génie de la mécanique au point de construire ce qui se faisait de mieux à l’époque. Les hommes qui ont participé à la conquête du ciel étaient tous des travailleurs acharnés. Quels que soient leurs succès ou leurs échecs, ils y ont consacré leurs vies. Même une comédie loufoque comme Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines rend hommage à leur ténacité. Or le Shivkar Talpade de Vibhu Puri est un rêveur dilettante bien incapable d’inventer quoique ce soit. Sa réussite ne peut reposer que sur un miracle.

Et le miracle va arriver. C’est un religieux qui donne la solution à notre apprenti-génie : le mercure. Et les auteurs d’enfoncer le clou dans un texte affiché avant le générique de fin : « Il a 3 ans, la NASA a commandé le développement d’un moteur au mercure, similaire à ce que Shivkar Talpade a fait, il y a 125 ans. ». C’est évidemment une ânerie de première grandeur. Les moteurs ioniques auxquels il est fait référence n’ont strictement aucun rapport avec l’aviation. Ils ne peuvent servir qu’à propulser des engins spatiaux dans le vide intersidéral. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la NASA s’y intéresse. Au passage, le mercure n’est pas le carburant. Il a même été remplacé par du xénon, un gaz !

On peut dire n’importe quoi dans un film de science-fiction. Tout le monde se délecte de la téléportation de Star Trek ou du passage en « vitesse lumière » du Faucon Millénium dans Star Wars. Personne ne va prétendre que ça existe vraiment car ce serait prendre les spectateurs pour des imbéciles. Or c’est justement ce que fait Hawaizaada. Et quand la machine quitte le sol sur un air de Vande Mataram, on comprend finalement qu’on est devant une sorte de propagande nationaliste qui cherche à enflammer l’ardeur patriotique de masses peu éduquées.

Comme à son habitude Ayushmann Khurrana joue extrêmement mal. Il a l’air aussi gauche que quand il présentait des émissions de télévision. Quant à Pallavi Sharda, elle fait ce qu’elle peut. Elle est bien jolie, mais elle ne sert à rien. Mithun Chakraborty a l’air de se demander ce qu’il fait là, déguisé en savant cosinus. Étrangement, il quitte la scène peu après l’entracte. Les Anglais sont des caricatures ridicules, aussi stupides que détestables. Le personnage le plus convaincant est peut-être celui joué par Naman Jain, un charmant gamin d’une dizaine d’années. On ne lui demande pas grand-chose, ce en quoi il excelle.

Ayushmann Khurrana n’a aucune présence et très peu de voix. Pourtant il chante et danse dans ce film lardé de six chansons. Et encore, trois morceaux supplémentaires ont heureusement été coupées au montage. Ce n’est pas tant que leurs mélodies soient désagréables, mais leurs mises en scène toutes centrées sur l’acteur principal finissent par sortir par les yeux et les oreilles.

L’objectif d’Hawaizaada est de nous faire croire qu’un Indien inspiré par les textes védiques, Shivkar Talpade, a été en 1895 un des pionniers de l’aviation. Il accrédite la fable selon laquelle il aurait certainement surpassé seul le travail collectif de dizaines de savants principalement européens si les colons britanniques ne l’en avaient empêché. Cette distorsion grotesque de la vérité historique n’a en réalité pas d’autre but que d’exciter le patriotisme des spectateurs Indiens hindous. Le film en est de ce fait particulièrement désagréable à regarder.

Il en aurait été tout autrement si les auteurs avaient su s’inspirer du joli souvenir de Roshan Talpade, la nièce de Shivkar : « Nous avions l’habitude de nous installer dans le corps de la machine et d’imaginer que nous volions. »


Bande-annonce


[1Le Véda est un ensemble de textes révélés, composés vraisemblablement entre le XVe et le IXe siècle av. J.-C. mais fixé beaucoup plus tardivement. Il constitue la base de l’hindouisme.

[2Les sciences védiques prétendent que nombre de découvertes et inventions modernes étaient déjà décrites dans le Véda (avion, téléphone, laser, boson de Higgs etc.).

Commentaires
3 commentaires