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Interview A. Gowariker : Bollywood et la France Part. III

Publié vendredi 10 juin 2005
Dernière modification mercredi 29 juin 2005
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Par Suraj 974, Vidhan

Dossier Swades et Ashutosh Gowariker
◀ Interview A. Gowariker : Swades et les indiens Part I

Fantastikasia : Comment pensez-vous que le public français va réagir après avoir vu votre film ?

Je ne sais pas. Je veux vraiment savoir comment le film va être reçu ici. Mais une chose est sûre, ça ne parle pas de cricket (éclat de rire), ce qui signifie que c’est un film plus facile à comprendre (éclats de rire plus intenses). J’espère donc que Swades sera plus apprécié que Lagaan.

Fantastikasia : Parmi les seconds rôles de Swades, on a le plaisir de retrouver certains acteurs qui jouaient déjà dans Lagaan. Avez-vous essayé, d’une certaine manière, de recréer l’ambiance de Lagaan ?

Non, je n’ai pas essayé de faire cela. J’effectue habituellement mon casting en fonction de ce qui est exigé pour le film. Si j’avais voulu recréer l’ambiance de Lagaan, j’aurais été coincé dans quelque chose de répétitif. Or, je n’aimerais pas faire encore une fois la même chose.

Fantastikasia : Swades fut lourdement concurrencé par Veer Zaara également avec Shah Rukh Khan en tête d’affiche. Pensez-vous que tout cela a été préjudiciable au succès du film en Inde ?

Pas du tout. Veer Zaara traite du thème de la paix entre l’Inde et le Pakistan, ce qui est quelque chose de différent comparé à Swades. Avec ce film, je parle de patriotisme. Le fait que Shah Rukh Khan occupe la tête d’affiche de ces deux films n’est vraiment pas un problème. Un acteur peut jouer plusieurs personnages différents. Les spectateurs doivent simplement garder à l’esprit qu’il joue un rôle bien particulier. Ce n’est pas comme s’il jouait Spiderman dans un film concurrent et Batman dans mon film. Si tel était le cas, alors ce serait vraiment préjudiciable pour mon film (rires).

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Photographié par Suraj

Fantastikasia : Pourquoi avez-vous enlevé, au montage, la très belle chanson Ahista ahista ainsi que la scène très amusante où tout en prétendant dormir, Shah Rukh observe discrètement Gayathri ?

Quand vous regardez le film dans sa globalité et dans son contexte, alors vous vous rendez compte que ces deux séquences ne font que ralentir l’évolution de l’action. C’est pour cela que j’ai dû enlever la chanson Ahista ahista, ainsi que cette séquence comique. Cela m’a vraiment brisé le cœur de le faire. Néanmoins, rien ne doit venir perturber le cours d’une histoire dans un film.

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Ashutosh et Vidhan
Photographié par Suraj

Fantastikasia : Vous pensez vraiment que cela empêchait l’histoire d’avancer ?

Oui, ça bloquait l’histoire inutilement.

Fantastikasia : En 1955, couronné d’une Palme d’or, Pather Panchali, réalisé par Satyajit Ray, sortit en Inde, mais ne rencontra pas le succès escompté, car le public indien ne voulait pas voir un film parlant de la réalité. Pensez-vous que Swades en Inde a rencontré ce même problème ?

Non. Je pense que Pather Panchali a fait face à plus de problèmes. La situation de Swades ne peut être comparée à celle de Pather Panchali, car j’ai Shah Rukh Khan dans le casting et j’ai aussi des chansons. Si Pather Panchali avait eu des chansons et Dilip Kumar dans son casting, à ce moment-là, le problème aurait pu être comparable. Je pense, en fait, que cette réaction est due au sujet de mon film, mais aussi au fait que ce dernier est comparé à Lagaan et que Shah Rukh Khan joue un rôle inattendu. Ces deux derniers points pourraient éventuellement expliquer une telle réaction.

Fantastikasia : Pensez-vous que, comme Swades, les films indiens sont et doivent être didactiques ? Cela a un impact sur la population ?

Le cinéma est un outil très efficace pour faire passer des messages. C’est la prérogative d’un réalisateur de raconter une histoire et de seulement divertir, ou bien c’est sa prérogative de raconter une histoire, de divertir et de faire passer un message social. Ce sont deux approches différentes. J’aimerais pouvoir faire des films à la fois divertissants et porteurs de messages.

Bien entendu, parfois cela marche et parfois non. Avec Lagaan, ça a marché. Lagaan comportait un énorme message social.

Avec un film comme Roja (de Mani Ratnam), ça a marché aussi.

Je pense en fait que tout dépend de la perception du réalisateur et de sa façon d’envisager le traitement de son film. Vous ne pouvez pas généraliser et dire que le cinéma doit agir de telle ou telle manière.

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Photographié par Suraj

Fantastikasia : Quelles sont vos impressions quant à l’attrait du public français pour les films indiens ?

Je pense que c’est un très bon signe. Nous avons besoin d’un échange cinématographique entre nos deux pays. Si, par exemple, j’avais la possibilité de voir le film Boudu sur un grand écran, ce serait génial. En Inde, nous n’avons pas cette opportunité pour le moment. Cependant, je pense que cet échange peut commencer maintenant. Nous avons besoin de démarrer cela.

Fantastikasia : C’est avec Lagaan que le cinéma hindi a commencé à faire parler de lui à l’étranger et notamment en France. Est-ce qu’en Inde les gens de l’industrie sont conscients de ça et est-ce qu’il y a un souhait de conquérir ce nouveau marché ?

Je ne verrais pas les choses comme cela. Un film doit être fait pour l’amour du 7ème art. Il doit être réalisé par égard pour un bon scénario. On ne peut pas concevoir un film pour un marché particulier. Peut-être que vous le pouvez, mais moi, je ne le peux pas. Je préfère faire un film et l’orienter dans la bonne direction.

Le scénario est sacro saint.

Vous devez donc chercher, avant tout, à faire un bon film et non pas à viser le bon marché.

Fantastikasia : Pensez-vous qu’avec des films comme Swades, Black, My Brother Nikhil, Dil chatah hai, Company ou 3Deewarein le cinéma indien est en pleine mutation ?

Le cinéma indien embrasse actuellement le format de 90 minutes, sans chansons. Ce format est tout à fait nouveau pour lui. De ce fait, il en découle de plus en plus d’expériences cinématographiques permettant de découvrir de nouveaux sujets ou de redécouvrir la littérature indienne. Avant, par exemple, on faisait des films d’épouvante avec des chansons. Maintenant, on n’en a plus besoin et on fait des films d’épouvante uniquement avec de l’épouvante.

Fantastikasia : Pensez-vous que pour être plus connus à l’étranger les films indiens doivent s’adapter aux formats internationaux (et sacrifier des chansons et une bonne partie de leur durée) ou bien qu’ils pourront se faire accepter tels qu’ils sont ?

Non, non, c’est juste une question de format. Le cinéma populaire indien de trois heures avec des chansons ne disparaîtra pas. Il continuera.

On ne peut pas supprimer le kung-fu dans un film chinois. De la même manière, vous ne pouvez pas supprimer les chansons dans un film indien. Par contre, vous pouvez découvrir, parallèlement, un nouveau type de format. Donc, d’une manière ou d’une autre, le cinéma indien reviendra toujours à ses chansons.

Fantastikasia : Vous avez répété votre collaboration avec A. R. Rahman pour la bande originale de Swades. Est-ce un choix qui va dans la continuité ou une réelle envie de travailler avec le Mozart de Chennai ? Parlez-nous de votre expérience avec Rahman.

Vous savez, il est désormais reconnu que A. R. Rahman est extrêmement talentueux et hautement créatif. Il détient non seulement une profonde connaissance de la musique indienne en général, la musique classique indienne, la musique occidentale classique et moderne, la « world music », mais il en est également passionné. C’est un compositeur doté d’une intelligence sans limites. Donc, quand vous avez la chance de travailler avec lui, il vous apporte toute cette intelligence. Pas seulement pour la composition des chansons du film, mais également pour la composition des musiques de fond. Ainsi, aussi bien pour Lagaan que pour Swades, rien qu’avec sa créativité musicale, il contribue à un tiers du succès du film. C’est vraiment extraordinaire ! J’adore vraiment sa méthode de travail et, réciproquement, il adore la mienne.

Fantastikasia : Ashutosh, vous avez débuté votre carrière comme acteur, dans des films comme West Is West de David Rathod, avant de connaître la consécration avec votre troisième réalisation, Lagaan. Vous préférez Ashutosh, l’acteur, ou Ashutosh, le réalisateur ? Et peut-on espérer vous revoir devant la caméra un jour ?

J’aimerais jouer dans mon propre film. Néanmoins, la réalisation est une tâche si ardue que je ne pourrais me concentrer sur mon jeu d’acteur. Je pense donc réaliser au moins cinq autres films avant de me diriger moi-même (rires).

Fantastikasia : Comme Clint Eastwood ?

(moment de réflexion) Oui !

Fantastikasia : Baazi, votre second film, est fortement inspiré de Die Hard et de Lethal Weapon. Allez-vous, un jour, réaliser un autre film d’action ?

Oui, j’adorerais refaire un film d’action. Néanmoins, je ne pense pas que je referais l’erreur commise dans le passé. Je ne ferais sûrement pas un remake. Je réaliserais un film d’action basé sur un scénario original. Donc, oui, c’est un genre auquel je veux revenir.

Fantastikasia : Certaines sources nous annoncent que votre prochain projet va traiter des idées politiques du Mahatma Gandhi sur le développement de l’Inde rurale et la tolérance entre castes. Pouvez-vous nous en parler ?

Non, je ne vais pas du tout faire ce genre de film. Je ne sais pas d’où cela sort. C’est juste une rumeur. Je vais réaliser un film intitulé Jodha Akbar, qui retrace l’histoire d’amour entre Jodha et Akbar, et dont l’action se déroule au XVIe siècle. Il s’agit d’un film à la fois romantique, épique et historique. Akbar sera interprété par Hritik Roshan.

Fantastikasia : Et qui sera sa partenaire ?

Je suis en train d’étudier la question.

Fantastikasia : Ce sera une nouvelle actrice ?

On verra…

Fantastikasia : Une dernière question : entre Lagaan et Swades, lequel est votre film préféré et pourquoi ?

Oh ! Cette question est très difficile !

Je ne dirais pas « préféré », mais je dirais être plus satisfait par Swades à cause de la complexité de son scénario et de ses idées. De plus, la structure scénaristique de ce film n’est pas basée sur une formule toute faite, ayant fait ses preuves, comme pour Lagaan. Dans Swades, la structure scénaristique est imprévisible du fait de son innovation.

Lagaan fut un film facile à écrire. Alors qu’avec Swades j’ai pris quelques risques dans l’écriture. Même si on les compare entre eux, ces deux films sont très différents aussi bien par le fond que par la forme. C’est pourquoi il m’est impossible de dire lequel je préfère.

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Dédicace de l’artiste
Photographié par Suraj

Nos remerciements à BODEGA FILMS pour avoir rendu cette interview possible.

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