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Interview de Vijay Singh, réalisateur et président du jury CinéRail

Publié mardi 15 mars 2011
Dernière modification mardi 15 mars 2011
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Par Jawadsoprano

Dossier Festival CinéRail, Trains & Cinéma - 19ème édition : Sur la Routes des Indes
◀ Interview d’Etienne Morini, Organisateur du Festival CinéRail
▶ Cérémonie d’ouverture du festival Cinérail

A l’occasion du festival Cinérail, nous avons pu interviewer le président du jury, l’écrivain et cinéaste reconnu Vijay Singh.

Fantastikindia : Bonjour, tout d’abord, quelle a été votre réaction lorsqu’on vous a proposé d’être président du festival Cinérail 2011 ?

Vijay Singh : Tout d’abord, j’étais tellement ému par leur amour du chemin de fer que cela m’a enchanté. En effet, je viens d’une famille de chemins de fer car mon beau-père était le General Manager des chemins de fer indiens. De plus, le train a marqué les grands souvenirs de mon enfance et adolescence, quand je le prenais pour aller à l’école notamment. Pour moi, le train reste un des plus beaux "travelling" du monde… Puis, ils avaient beaucoup aimé mon film. Dans ma vie de 1973 à 1980, je faisais partie d’un mouvement d’extrême gauche et travaillais avec des cheminots en Inde, car les conditions de travail étaient inacceptables.

F. : La France est comme une seconde patrie pour vous. Pouvez-vous nous expliquer ce rapport si particulier ?

V.S. : Ma génération était marquée par les écrivains français comme Sartre, Camus. Même en Inde, pourtant éloignée des influences francophones. Par hasard, j’ai pu lire Le manifeste du surréalisme d’André Breton, ce qui a bouleversé ma façon d’appréhender le monde, la vie… J’ai découvert un de ses livres, Nadja. J’étais très séduit par cette femme mystérieuse, dont on ne sait pas si elle existe ou pas. Moi, je pensais qu’il y avait plein de Nadja à Paris ! Je suis venu à Paris pour terminer mon troisième cycle d’études grâce à une bourse. J’ai travaillé avec des grands historiens comme Michelle Perrot et Michel Foucault. Ensuite, j’ai écrit un papier sur l’Inde que j’ai envoyé à Simone de Beauvoir, et au journal Le Monde. Le Monde Diplomatique l’a publié, et c’est devenu ma carte de visite. J’ai ensuite travaillé à Libération et au Monde, puis écrit des livres. Presque tout mon travail se situe entre la France et l’Inde…

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Le festival Cinérail

F. : Pouvez-vous nous parler de votre film documentaire India by Song qui sera projeté dans le cadre du festival ?

V.S. : Mon film commence par hasard avec un train, India by Song parle de voyage.
Le film est sur l’histoire de l’Inde depuis l’indépendance, ponctué de chansons Bollywood. Il s’est construit à travers un voyage sur plus de 6000 km à travers l’Inde. Il y a des plans de trains, même dans les archives quand il y a la partition de l’Inde.
Ce film documentaire a pris 2 ans, et il s’est révélé aussi difficile qu’une fiction. Il est basé sur quatre éléments : le voyage de 6000 km effectué avec l’équipe de tournage, les archives, des chansons Bollywood ainsi que des témoins qui parle de l’histoire de l’Inde. La difficulté fut de trouver le juste équilibre entre ces éléments.

F. : Il y a un lien particulier entre le train et les films indiens. Ce moyen de transport est omniprésent dans beaucoup de films. Qu’en pensez-vous ?

V.S. : Les scènes de séparation, d’amour et de sensualité sont dans des trains, même les tubes, comme Chaya Chaya. Pourquoi le train inspire plus que l’avion ? L’avion décolle et le décor reste le même entre le moment où l’on rentre et le moment où l’on arrive. Dans un train, par les fenêtres on voit les paysages… Et le voyage que l’on fait mentalement et dans la vie réelle est le même… Notre rapport au temps est plus harmonieux dans un train.

F. : En tant qu’Occidentaux, on réduit souvent le chemin de fer à la vision du clip "Chaya Chaya" du film Dil Se ou à un cliché de wagons complètement bondés. Vous pouvez nous en dire plus sur la situation du chemin de fer indien ?

V.S. : Il y a une réelle métamorphose. Comme anecdote, je peux vous raconter une scène que j’ai filmée sur le chemin d’Amritsar en train. On était en première classe pour protéger notre équipement, on m’a filmé et lorsque j’ai vu le résultat, je pensais que c’était un train Corail. Il y a donc un énorme changement. Et même s’il y a de plus en plus de voitures, je pense que l’importance du train va augmenter. Il y a plus d’un milliard d’Indiens, et la plupart ne peuvent pas acheter un véhicule et prendre la route. Il faut développer les voies, les métros pour régler les problèmes… Déjà les embouteillages sont épouvantables et le niveau de pollution catastrophique.

F. : Vous êtes un artiste multi-facettes, mais quelle est votre casquette préférée, celle d’écrivain ou de cinéaste ?

V.S. : J’aime beaucoup écrire, mais le cinéma, une fois que l’on y est, cela prend beaucoup de temps. Mes films ont plutôt bien marché (sorties internationales, bonne presse, continuité dans le temps), donc je suis sollicité. Mais je rêve de retourner à l’écriture… Bientôt…

F. : Les films documentaires et indépendants sont un choix ? Car cela correspond à votre parcours artistique. Avez-vous déjà songé à faire des films indiens de grande exploitation dits Bollywood ?

V.S. : On ne fait pas des films pour faire des bides, mais en étant un artiste honnête j’ai envie de faire passer un message, une façon de contempler le monde, une façon de raconter une histoire. Alors, on peut penser que ce genre de film est indépendant mais c’est un choix de ma part de faire passer des émotions, pas juste pour l’argent.

F. : Avez-vous des sollicitations et des propositions venant de l’industrie de Bombay ?

V.S. : Oui, quelquefois. Mais faire un film pour Bollywood, la première condition est de le faire comme ils le font, avec leurs règles à eux… Ce qui est difficile pour moi. Par exemple, One Dollar Curry est assez commercial. Un jour, je l’ai montré à Manisha Koirala, qui est une amie très proche. Elle l’a beaucoup aimé. Mais la façon de vendre un film est primordiale. Même si l’histoire était commerciale, il faut des distributeurs courageux en Inde, ce qui n’est pas le cas…

F. : C’est en train de changer, avec des films indépendants comme Udaan ?

V.S. : Oui, il y a maintenant des jeunes qui comprennent le cinéma comme un art. Dans 4 à 5 ans, il y aura des films vraiment intéressants. Il y aura peut-être plus de sollicitations sans pressions. Mon prochain film est un film historique avec des chansons. Je discute en ce moment avec des stars indiennes. Mais elles ont leur propre destin tout tracé, il est tellement difficile de faire changer ça. Elles ont envie de faire des films sans risques, et toujours dans le style Bollywood…

F. : Vous êtes le président du jury du festival Cinérail, quels sont pour vous les critères pour récompenser un bon film ou court-métrage ?

Je ne suis qu’une personne dans le jury donc je ne sais pas comment les autres voient les choses. Mais pour moi, un bon film, souvent ce sont les choses que l’on ne voit pas sur l’écran. La beauté, la grâce, l’émotion, le style, l’innovation, et peut-être la technique. C’est aussi surtout la façon de raconter l’histoire.

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