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Kaadhal

Traduction : Amour

Bande originale

Poovum Pudikkudhu
Ivanthan
Thandattikarupaiyee
Thottu Thottu
Pura Koondu
Kiru Kiru
Unakkena Iruppaen
Kaadhal

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La critique de Fantastikindia

Par Gandhi Tata, Eugi - le 15 septembre 2006

Note :
(8/10)

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Kaadhal (l’amour), avec un tel titre et surtout le nom de Shankar à la production (Gentleman, Anniyan, Boys), on aurait pu s’attendre à une histoire d’amour improbable sur fond de conflit familial, avec une production importante, des hits musicaux et des clips tournés à l’étranger façon MTV. Mais la surprise est de taille, car Kaadhal ne porte absolument pas la marque de l’extravagance commerciale du nabab tamoul, il est à la fois sobre sur la forme et intense dans le fond, c’est tout simplement l’un des films les plus authentiques et sensibles qu’il m’ait été donné de voir ! Il est important de préciser qu’il est tiré de faits réels rapportés au réalisateur lors d’un banal voyage en train par… l’un des protagonistes.

S'aimer pour l'éternité

Deux adolescents fuient Madurai… La première est une collégienne issue d’une famille aisée et de haute caste, elle s’appelle Aishwarya. Le second, Murugan, est mécanicien et pauvre. Rien ne les aurait réunis si, en se rencontrant par hasard plusieurs fois dans la rue, ils n’étaient pas tombés amoureux. Ils vivent alors leur idylle en cachette jusqu’à ce que les parents d’Aishwarya décident de la marier avec quelqu’un de la même caste. La jeune fille convainc alors Murugan de fuir. Ils se réfugient chez l’ami du garçon à Chennai et projettent de se marier. Au même moment à Madurai, la famille de la jeune fille réalise son absence et part à sa recherche…

Bharath duplicate

Ce scénario ne présente rien de très original, on connaît à cette histoire des milliers d’autres versions non seulement en Inde mais de tout temps dans la littérature et le cinéma mondial.
Et pourtant, devrions-nous connaître les rebondissements du film par coeur, l’ennui ne nous gagnerait pas. En effet Balaji Shaktivel, le réalisateur, a choisi de mettre l’accent sur les personnages, l’ambiance, une certaine simplicité inscrite dans la réalité de tous les jours, et il a réussi son pari.

La suite de la scène vaut le détour…

La non-originalité peut étonner de la part de Shankar et pourtant ce choix est délibéré ; car si Kaadhal délivre un message fort, c’est parce qu’en décrivant une histoire vue des milliers de fois, cela lui permet de s’attarder sur ses personnages, leurs aspirations, leurs ressentis et sentiments. Il nous plonge directement dans leur fuite et nous raconte leur histoire en flash-backs alors qu’ils se trouvent dans le bus qui les emmène à Chennai.

Pas la peine d'imiter Salman, tu peux pas être pire

L’un des intérêts du film réside dans la rencontre racontée depuis chacun des deux points de vue ; tout d’abord celui d’Aishwarya, elle se souvient de cet épisode important de son existence, puisqu’il permet le déclenchement de sa féminité et de sa vie de femme, une vie qu’elle ne conçoit pas de la même façon que ses parents. Puis du point de vue de Murugan qui est engagé depuis tout jeune dans une vie difficile où manger à sa faim est un but quotidien, une vie où la romance n’a pas de place. Malgré leurs différences de caste et d’échelle sociale, la fugue est pour eux une échappatoire à la réalité et aux carcans sociaux dans lesquels ils se sentent tous deux prisonniers une fois leur amour révélé, ce qui n’est rien d’autre que la manifestation de l’adolescence.

Même pas peur ! (il a du cran le petit)

Le scénario mêle habilement scènes comiques, notamment dans la résidence des amis de Murugan à Chennai où ils se réfugient, scènes romantiques (par exemple celle où Aishwarya réalise son amour pour Murugan) et scènes beaucoup plus tragiques qui vous laissent un goût amer, bien après la fin du film.

Que serait cette oeuvre de Balaji Shaktivel sans la fraîcheur de ses interprètes ? Kaadhal repose essentiellement sur les performances d’exception de ses comédiens qui y insufflent une belle énergie. A commencer par Bharath, que l’on a connu en danseur dans Boys, en psychopathe dans Chellame, il s’est métamorphosé en Murugan, un jeune mécanicien crasseux mais débrouillard, qui gagne sa vie à la sueur de son front. Bharath a subtilement brossé le personnage de Murugan en faisant ressortir sa fragilité malgré son attitude protectrice envers Aishwarya, et que dire de la scène où le garçon en détresse demande à sa dulcinée si cette histoire n’est pas une plaisanterie… Cet acteur fait preuve d’une immense maturité pour son jeune âge, le jeu du regard et la spontanéité de ses réactions sont les atouts majeurs de son registre. Les scènes romantiques et dramatiques avec Murugan se trouvent renforcées par cette formidable alchimie entre eux.

Découverte de sa féminité

Sandhya, dont c’est la première apparition à l’écran, s’illustre magistralement dans le rôle d’Aishwarya : le charme de cette adolescente n’a d’égal que son talent. Même si le personnage lui correspond trait pour trait et que la direction d’acteurs est remarquable, la qualité du travail fourni par Sandhya est irréprochable : ses yeux, ses expressions, ses mimiques et son élocution… tout rend Aishwarya authentique. Naturelle et captivante, cette comédienne laisse une marque indélébile dans la mémoire de son public, et son prix du meilleur espoir féminin pour l’année 2004 n’est pas du tout usurpé.

La bête humaine

Du côté des seconds rôles, les prestations effrayantes de S.Dandhapani (le père d’Aishwarya) et S.K.Mourthy (son oncle) se démarquent l’une et l’autre par leur physique particulier - visage abîmé pour le père et bras mutilé pour l’oncle -, sans compter l’attitude qui va de pair : entre la fureur sauvage du premier qui lui fait perdre le peu d’humanité dont il est capable, et la monstruosité du second qui n’hésite pas à abuser de la naïveté des jeunes gens, ils sont saisissants. Enfin Sukumar, qui joue l’ami de Murugan, ainsi que le gamin qui l’assiste dans le hangar, sont crédibles et viennent alléger un peu l’atmosphère.

Là t'as moins de cran petit, t'as envie d'aller aux toilettes ?

La volonté de tendre vers le réalisme a été scrupuleusement suivie par toute l’équipe du film : à l’image d’un casting dénué de toute présence de star, la plupart des missions ont été confiées à de parfaits inconnus. La photographie, signée Vijay Milton, est un merveilleux exemple de crudité, entre les séquences documentaires caméra à l’épaule, les scènes en éclairage naturel et les plans d’ensemble suivis des images détaillées des quartiers populaires de Madurai. Le regard du caméraman est tour à tour indiscret lorsqu’il espionne l’intimité du couple, dérangeant quand il expose la violence du père d’Aishwarya de manière insensible, et justement "réaliste" dans sa façon de passer à la loupe la ville de Madurai et de ses habitants. La photo est l’un des principaux atouts du film. Le seule touche commerciale de Kaadhal réside dans sa bande son composée par Joshua Shridar (encore un inconnu au bataillon), cette perspective masala ne se ressent que sur les clips musicaux qui malgré tout s’intègrent bien dans la narration. Vous pourrez au passage y apprécier les talents de danseur de Bharath. Deux très beaux morceaux sortent du lot : Thottu thottu et Unakkena irrupaen. Quant au thème musical du film, il continuera à résonner dans vos têtes, longtemps après le générique de fin.

Ce n'est pas un tatouage, mais le reflet de mon coeur

Kaadhal est donc un film simple, réaliste, sans prétention mais criant de vérité et d’émotion.
Il vaut principalement pour les performances de ses acteurs, sa photographie soignée, ainsi que sa mise en scène généralement réaliste qui ne pèche guère que dans la rencontre amoureuse. Elle paraît un peu simpliste et aurait gagnée à être traitée avec plus de soin, mais au contraire le réalisateur s’est attardé dans une seconde partie qui alourdit le film. Il se rattrape cependant magnifiquement avec une fin inoubliable, qui vous surprend et vous émeut pour longtemps… Un exemple qui prouve que le véritable héros du film est peut-être bien le scénariste.

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