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La critique de Fantastikindia

Par Maya - le

Note :
(8/10)

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Ratna (Tilotama Shome) est en congé dans sa famille, dans un petit village indien, quand elle est rappelée à son travail. Elle part immédiatement, retrouver son poste de bonne à Mumbai, chez « Monsieur » (Vivek Gomber). « Monsieur » s’appelle Ashwind, il était parti se marier (d’où les congés pour Ratna et le chauffeur), le mariage a été annulé au dernier moment, elle ne sait pas pourquoi, « Monsieur » revient, déprimé. Ratna, elle, ne l’est pas. Pourtant, veuve à 19 ans après 2 mois de mariage, bonne à tout faire 24h sur 24, logeant dans une minuscule pièce sans porte dans l’appartement de « Monsieur », il y aurait de quoi.

Mais Ratna est déjà heureuse d’avoir échappé à son rôle de veuve à vie dans son village natal où « la vie s’arrête pour une veuve » ; et Ratna a un rêve : apprendre à coudre, elle aurait voulu être Fashion designer, sa condition ne le lui permettait pas, mais au moins apprendre à coudre pour réaliser tous ces beaux vêtements qu’elle voit dans les vitrines des boutiques où elle n’a même pas le droit d’entrer. Et puis permettre à sa petite sœur de faire les études qu’elle n’a pas pu faire. Ratna est très réservée, elle déteste se mêler de ce qui ne la regarde pas. Mais quand elle voit cet homme si abattu, peu à peu, en lui parlant de sa propre expérience de vie, elle va essayer de ramener un peu d’espoir sur ce visage trop triste. Et à côté, elle avance pour faire de son rêve une réalité, grâce notamment à l’amitié d’une autre bonne de son immeuble (Geetanjali Kulkarni). C’est pas facile, mais elle s’accroche.

Ce film est un ravissement de sobriété et d’émotion contenue. On est très loin de Bollywoood, plus proche de The Lunch Box. La force qui se dégage des personnages est impressionnante pour un film très peu bavard, où chaque mot est utile, où chaque expression du visage, chaque situation fait avancer. Aucun effet facile, aucun artifice, c’est la vie brute qui nous est là proposée, avec les moyens assez limités qu’ont les protagonistes pour s’exprimer, chacun pris dans son rôle de « Monsieur » et de bonne. Il n’est jamais question de caste, d’ailleurs il s’agit peut-être moins de caste hindouiste que sociale ; n’empêche, on sent bien le ravin entre les univers de ces deux êtres. Mais on voit bien les êtres humains, et leur modernité c’est justement de se penser en humain et non en rôles sociaux, l’un envers l’autre, même s’ils se font un devoir de bien rester à leur place.

Monsieur est à l’affiche dans toute la France. Grâce à une co-production franco-indienne il est visible dans de multiples salles, courez-y !
Le film est réalisé par Rohena Gera, il a été primé à la Semaine Internationale de la Critique à Cannes en 2018.
Tilotama Shome est l’extraordinaire actrice dans un rôle de fille obligée de se comporter comme un garçon, dans Le Secret de Kanwar en 2014.
Pourquoi une production franco-indienne ? dans le générique, j’ai cru voir une dame Gera mariée à un Français. Mais c’est un vrai film indien, très actuel, et très indien. Et la musique, très traditionnelle, a été créée par un Français !

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