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Nayak-The Real Hero

Traduction : Le guide - le vrai héros

Bande originale

Chalo Chale Mitwa
Saiyyan
Chalo Chale Purva
Ruki Sukhi Roti
Shakalaka Baby
Tu Accha Lagta Hain
Chidiya Tu Hoti Toh

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La critique de Fantastikindia

Par Laurent - le 7 août 2008

Note :
(7/10)

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Shivaji Rao Gaekwad (Anil Kapoor) est caméraman pour la chaîne de télévision Q-TV. Un jour, il est témoin d’une altercation entre un chauffeur de bus et un étudiant qui cause un embouteillage puis, par effet de boule de neige, un début d’émeute, qu’il a l’occasion de filmer. Le gouverneur Balraj Chauhan (Amrish Puri), par peur de se rendre impopulaire et de perdre une partie de son électorat potentiel, ordonne cependant aux policiers de ne pas intervenir. Promu journaliste, Gaekwad est chargé d’interviewer Chauhan en direct à la télévision, et en profite pour lui reprocher violemment son incompétence. Offensé, craignant de perdre la face, l’ombrageux homme politique lui propose un bien curieux marché : il accepte de lui céder son fauteuil de gouverneur pendant une journée afin qu’il lui prouve par les faits qu’il a les solutions pour améliorer la situation sociale et lutter contre la corruption. Gaekwad accepte le défi…

Réalisé par le showman du sud Shankar, Nayak est le remake de son film tamoul Mudhalvan. De prime abord, on a très envie de le comparer à Dil Se… de Mani Ratnam, qui était lui aussi l’œuvre d’un célèbre réalisateur tamoul à Bollywood, et qui se caractérisait par son engagement politique et par le réalisme de sa violence. Dans Nayak, en effet, la séquence de l’émeute vers le début du film est d’une tension surprenante, le cinéaste disposant d’un sujet propice à un film à thèse sans concession. De nombreuses pointes assassines envers les hommes politiques indiens ponctuent ainsi le film, culminant dans la scène de l’interview du cynique gouverneur par Anil Kapoor, dans lequel ce dernier dénonce avec véhémence le laxisme et la corruption des hommes politiques, sans épargner bien entendu son interlocuteur. Malheureusement, le dispositif mis en place par Shankar accuse vite ses limites, car si l’intransigeance de son porte-parole à l’écran paraît sincère, il n’hésite pas à utiliser les plus grosses ficelles pour manipuler le spectateur ; le discours du « tous pourris », longuement exposé par le personnage d’Anil Kapoor, nous confirme que le cinéaste ne compte pas faire dans la dentelle : et dès la brève accession au pouvoir de notre Robin des Bois bollywoodien, qui se fait un devoir systématique de limoger les politiciens corrompus et de distribuer des logements décents aux habitants des bidonvilles, on prend conscience que le reste du film s’appréciera avant tout comme une fable politique très surlignée, qui se transforme progressivement en un suspense musclé ultra-commercial…

Car notre pragmatique gouverneur d’un jour est un homme de terrain, et n’hésite pas à tabasser des voyous devant les caméras, devenant ainsi un héros populaire. Le film politique bifurque alors vers le masala décomplexé, offrant à Anil deux séquences d’action réussies, un combat sur un bus à impériale, et une bagarre nocturne dans la boue, une scène qui utilise certains effets de Matrix, comme les longs plans en 3D dans lesquels la caméra tourne au ralenti autour du combattant en plein saut. Ces effets spéciaux, assez nombreux dans le film et de relative qualité, sont également utilisés dans une chanson, dans laquelle plusieurs des personnages importants, dont le méchant Amrish Puri, prêtent leur visage à des serpents géants adeptes de morphings. Une autre chanson originale met en scène le couple de héros aux côtés de danseurs fantasmagoriques, qui ont notamment les traits d’hommes-jarres et de tournesols géants. Dans l’ensemble, on sent que Shankar s’est fait plaisir dans les décors et les costumes riches et variés des séquences musicales, à tel point que ces dernières restent plus en mémoire pour leur visuel extravagant que pour les chansons d’A.R. Rahman, agréables, mais plutôt lentes et peu marquantes.

Côté casting, l’acteur le plus mémorable du film est incontestablement Amrish Puri, excellent dans son rôle de tyran impitoyable, véritable incarnation du mal, un personnage-type de méchant unidimensionnel qu’il maîtrise déjà à la perfection, et qu’il peut même ici affiner dans les quelques scènes qui lui permettent de nuancer sa prestation. Face à lui, l’élégant Anil Kapoor est honnête, il a gagné en sobriété dans les années 2000 et continue à tourner dans des films de qualité, une exigence qui est à saluer. En revanche, la jeune Rani Mukherjee n’a pas la maturité pour le rôle principal féminin, et sa fâcheuse tendance à cabotiner limite la romance à de la mièvrerie pure. Quant aux seconds rôles comiques, ils sont inhabituellement supportables : Johny Lever a un rôle correctement greffé à l’intrigue, et ses blagues grossières et répétitives sont presque amusantes parce qu’elles sont au moins proférées en situation ; quant à Paresh Rawal, il prouve une fois de plus qu’il est l’un des rares comiques fins de l’industrie, aussi à l’aise dans l’ironie mordante que dans des scènes plus graves.

A l’exception d’un climax grandiloquent décevant, Shankar réussit donc avec Nayak le quasi-exploit de distraire pendant trois heures entières sans faiblir, ajoutant à ses grandes séquences de danse et à ses scènes d’action, rares mais soignées, une grosse louche de dénonciation politique passionnée. Et s’il n’a pas dans ce domaine la finesse d’analyse d’un Mani Ratnam, le cinéaste est par contre un meilleur artisan, puisque Nayak est un divertissement bourré d’idées et moins hétérogène que l’expérimental Dil Se…. A la fois violent, polémique et emphatique, ce masala très varié comporte plusieurs scènes jubilatoires. De plus, la maîtrise du rythme, des effets spéciaux, et la bonne direction d’acteurs nous confirment que Shankar a sa place parmi les meilleurs tâcherons de Bollywood, bien que ses excès commerciaux l’éloignent encore des vrais réalisateurs de films de genre engagés comme Rajkumar Santoshi, qui avait dirigé Anil dans Pukar l’année précédente.

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