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Pudhupettai


LangueTamoul
GenresDrame, Film de gangsters
Dir. PhotoArvind Krishna
ActeursDhanush, Sneha, Sonia Agarwal
Dir. MusicalYuvan Shankar Raja
ParolierNa. Muthukumar
ChanteursDhanush, Vijay Yesudas, Ranjith, Tanvi Shah, Yuvan Shankar Raja, Vasu, Kamal Hassan, Naveen Mathav, Narayan, Premji Amaran
ProducteursK. Muralidharan, V. Swaminathan
Durée171 mn

Bande originale

Neruppu Vaayinil
Enga Yeriya
The Beginning
Oru Naalil
Prelude
Pul Pesum Poo Pesum
Varriyaa
The War Cry
Oru Naalil (Dream Mix)
Survival of the fittest

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Suraj 974, Gandhi Tata
Publié le 2 septembre 2006

Note :
(7.5/10)

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L’avis de Gandhi Tata :

Kokki Kumar est l’un de ces milliers de gamins vivant dans les quartiers mal famés de Chennai. Un père alcoolique, une mère attentionnée qui dissimule ses blessures, une vie de lycéen insouciant malgré la pauvreté…. il n’est qu’un adolescent jusque là. Sa vie bascule irrémédiablement le soir où il découvre le corps de sa mère gisant dans le sang de son crâne fracassé. Son père venait de démolir tout son univers, le sortant au passage de son innocence. De peur d’être la prochaine cible, l’adolescent fugue. Commence alors pour lui un voyage vers l’inconnu : la mendicité, la drogue et la violence….

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Le gang de Pudhupettai

Pudhupettai marque les retrouvailles des frères Selvaraghavan et Danush, respectivement derrière et devant la caméra, trois ans après Kadhal Kondheen qui les avait révélés. Depuis, Selva a connu la consécration avec 7/G Rainbow colony alors que Danush a essuyé de nombreux échecs au box office. Inutile de dire qu’avec ce film Selva s’est donné pour mission de ressusciter la carrière de son frère.

Le scénario du film n’ambitionne pas de vouloir renouveler le genre, mais le traitement cru et sans concession du sujet en fait à la fois une œuvre violente et un brûlot social. Selvaraghavan a choisi de laisser la narration au personnage principal, sous forme de confession. C’est ainsi que tout commence avec l’introduction de Kokki Kumar, gangster déchu et légèrement schizophrène qui revient sur son passé du fond de sa cellule, nous embarquant pour un flash-back de 176 minutes sur les épisodes importants de sa vie : de lycéen à SDF, de mendiant à trafiquant, d’homme de main à chef de gang, le spectateur est plongé dans les abîmes de la misère où l’existence de Kokki Kumar se résume à un combat perpétuel pour survivre et s’élever dans le « milieu ».

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Traffic de stupéfiants…

Danush est une véritable révélation dans ce rôle. Certes le film a été fait sur mesure pour le relancer, mais son personnage est à des années-lumière de tous les stéréotypes du Héros tamoul. Kokki Kumar est un homme torturé à la psychologie complexe, aussi imprévisible que calculateur. On le voit évoluer durant tout le film. De simple dealer jusqu’à ses premiers pas dans la politique, les avatars se succèdent et l’acteur en profite pour faire étalage de son talent et pour prouver à ses détracteurs qu’il est décidé à ne s’enfermer dans aucun rôle. Tour à tour victime, bourreau et commanditaire, Kumar se forge une forte personnalité malgré un mental fragile. Traumatisé par la mort de sa mère, il vacille entre la folie et la raison, un déséquilibre psychique que Selvaraghavan filme avec poésie dans une scène où, rongé par la paranoïa, Kumar se bat contre un épouvantail. Danush ne s’est pas seulement approprié le personnage, il s’est littéralement laissé habiter par ce gangster. Dans les premières minutes du film, Kokki est un adolescent effrayé mais sympathique. Par la suite sa passivité fait grincer les dents, et il nous tarde de voir l’éclosion du « Héros ». Mais celui que le public attend se révèle être un prédateur dont l’arrivisme n’a d’égal que sa dureté de bête insensible. La plus grande victoire de l’acteur est d’avoir vaincu les préjugés quant à son physique malingre, le rendant a priori inapte à jouer ce genre de rôle. Après tout, le plus grand hors-la-loi indien de ces dernières années, Veerapan, était bâti comme un crayon à papier, mais capable des pires cruautés….Le charisme de Danush porte ce film, fait oublier sa maigre silhouette, et marque les mémoires. Il réussit à le rendre crédible, son Kokki Kumar, c’est justement là que réside sa performance, l’une des meilleures de sa jeune carrière.

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Innocent……….. lycéen……….. mendiant……….. meurtrier………..

Du côté féminin, Sneha est émouvante dans le rôle de Krishnaveni, une prostituée certes battue et humiliée par ses clients au quotidien, mais digne malgré tous les affronts qu’elle subit. Krishnaveni parle peu, mais la moindre de ses répliques est essentielle, elle brille surtout par un silence aussi éloquent que son regard. Ses yeux suggèrent la passion, l’amour, la tristesse et l’espoir, ils sont le miroir de sa détresse. Cette travailleuse du sexe n’aspire pas à un avenir meilleur ou même à s’intégrer car elle connaît la place que lui réserve cette société. Sneha est poignante dans ses expressions ; sa façon d’imprimer la désillusion sur son visage, tout en retenant ses larmes, lui permet de préserver la dignité des son personnage et de montrer sa force de caractère. L’actrice est décidément au sommet de son art ; en dépit d’une présence abrégée par rapport à son partenaire Danush et d’un scénario qui fait la part belle à l’action, elle s’illustre en apportant une touche d’humanité dans ce monde de sauvages.

Pour le reste de la distribution, Sonia Agarwal ne doit sa présence qu’à son statut de muse de Selvaraghavan. Du côté des méchants, le metteur en scène Azhagarperumal -dont c’est la première apparition- est convaincant en politicien véreux ; Balasingh est exécrable en Anbu, l’inflexible chef de gang.

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La Pudhu-party "Variya !? Variya !?"

En plus de ces performances d’exception, les qualités techniques font de Pudhupettai l’un des films indiens les plus aboutis de ces dernières années. Cette réussite est le fruit du travail d’une nouvelle génération de techniciens, plus talentueux les uns que les autres. On ne le répètera jamais assez, l’industrie tamoule a la chance d’avoir les meilleurs directeurs photo de toute l’Inde ; vient s’ajouter à cette liste Arvind Krishna, un des acolytes de Selva qui s’est chargé de capturer l’atmosphère lugubre des ghettos de Chennai. Le soin apporté aux angles de prise de vue, aux jeux de lumière et aux teintes attribuées à chaque scène, contribue pleinement à la mise en scène. Arvind se sert de la caméra comme du pinceau d’un artiste pour brosser l’état d’esprit des protagonistes, tout en installant l’ambiance requise par la situation, selon la volonté du réalisateur et l’exigence du scénario. Pudhupettai étant un film sombre et réaliste, le bleu nuit est la teinte la plus utilisée (le bleu exprime la vérité) ainsi que le vert qui symbolise l’espoir. Le résultat est un vrai régal visuel sur grand écran, dû en partie à la caméra Super-35 numérique utilisée lors du tournage.

La rigueur asiatique se ressent dans les combats au sabre traditionnels opposant Kokki à ses assaillants, on croirait voir des samouraïs indiens, l’assurance et la classe d’Itto Ogami (alias le loup solitaire de Baby Cart) en moins, réalisme oblige ! Il n’est pas question de flots de sang exagérés, ni des traditionnels « dishum ! dishum ! » (Bruitage des coups de poing) assourdissants, excepté lors d’une scène d’anthologie qui reste la seule minute héroïque du film. Les affrontements sont indécis car Kokki joue sa vie à chaque coup de sabre. L’avantage n’est jamais acquis et c’est là tout l’intérêt des chorégraphies, qui ne magnifient le héros à aucun moment, fait rare dans une industrie où les bagarres sont orchestrées pour ravir les fans d’un acteur et leur donner l’illusion de sa toute-puissance.

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Kokki croise le fer

Que serait un film de Selvaraghavan sans la musique de Yuvan Shankar Raja ? Sûrement comme une cuisine sans saveur, un parfum sans effluve, bref une véritable erreur ! Après trois succès consécutifs, le réalisateur a tout naturellement renouvelé sa confiance à son compositeur désormais attitré. La bande-son est expérimentale, à l’image du long-métrage : entre quelques chansons de situation -interprétées entre autres par Kamal Hassan et Danush lui-même- et les thèmes musicaux tantôt épiques tantôt mélancoliques, les influences sont diverses : ça sonne électro, rap et même R’n’b. Pour la plupart de ses compositions, Yuvan Shankar Raja s’est attaché les services de l’orchestre symphonique de Chapraya ; il s’est d’ailleurs isolé durant plusieurs mois pour travailler sur la B.O. à Bangkok. Enfin, on regrettera l’absence de l’excellente chanson « Oru nalil » que Selvaraghavan n’a pas mise en scène pour ne pas allonger le film, c’est dommage car elle est la meilleure chanson de l’album. Le travail de Yuvan Shankar Raja est aussi essentiel que celui d’Arvind Krishna et l’alchimie de ces deux techniciens donne un résultat éclatant.

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The blade

Le réalisme adopté par le réalisateur est au service d’un message et d’un constat sur une tranche oubliée de la population indienne. Tout d’abord, contrairement à Mumbai où il y a un véritable syndicat du crime, à Chennai les gangs sont volontairement désorganisés par les politiciens qui s’en servent comme des milices. Les candidats potentiels, comme les membres du gouvernement régional en place, asservissent ces truands pour la récolte d’argent sale, de votes fictifs, les meurtres politiques, les extorsions de fonds, la prostitution, le trafic de drogue, autant d’activités servant à alimenter leurs campagnes électorales. Les quartiers pauvres comme Pudhupettai dépendent chacun d’un groupuscule à la solde d’un politicien corrompu. L’Inde d’aujourd’hui attache plus d’importance au paraître, fait croire à un pays tourné vers la modernité alors que la réalité est toute autre. L’époque où l’on montrait les bidonvilles est bien loin, on préfère exposer en vitrine Bangalore, la Silicon Valley indienne, pour véhiculer l’image d’une future grande nation et exporter les paillettes de Bollywood.

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L’armurerie de Kokki Kumar avec ses kattis (sabres)

Ce film est social de par le portrait morose qu’il dresse d’une réalité alarmante, celle d’un pays amnésique de sa classe populaire, condamnée et abandonnée à la fatalité du crime. Le destin tragique de Kokki kumar est celui de nombreux démunis, déshumanisés par une société indienne volontairement aveugle devant la précarité. En ce début de vingt-et-unième siècle, l’Inde est partagée en deux et les autorités préfèrent oublier la partie immergée de l’iceberg qui fait « honte » aux ambitions d’une future puissance mondiale. Selvaraghavan pointe justement le doigt sur cette attitude irresponsable, en suivant l’ascension criminelle et politique d’un laissé pour compte, finissant même par tutoyer le pouvoir comme pour prendre sa revanche sur un système qui l’a oublié.

Enfin, « Kokki » Kumar est une individualité empruntant beaucoup à deux figures du cinéma policier : Velu Nayakan (Nayakan) et Tony Montana (Scarface). D’ailleurs, dans de nombreuses interviews, Danush avoue s’être inspiré de la composition d’Al Pacino. Comme Velu Nayakan, il fugue pour échapper à une mort certaine et épouse une prostituée, mais son côté bestial le rapproche fortement de Tony Montana, ainsi que sa cupidité et la façon quasi systématique d’éliminer ses ennemis.

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Le repos de la bête

En dépit d’une faible seconde partie s’étirant en longueur et d’une intrigue inutilement touffue alors que l’amorce de l’histoire était impeccable, Pudhupettai reste un bon film, voire un chef d’œuvre avorté qui deviendra très sûrement avec le temps, une référence du genre ; il en a en tout cas le potentiel. Pudhupettai n’est pas simplement un quartier chaud de Chennai, mais un microcosme de l’Inde d’en bas, utilisé par les politiques en période de scrutin, et aussitôt négligé après les vaines promesses électorales. Dans ces conditions, la délinquance devient l’arme du pauvre dans un monde où tuer est une manière de survivre et de gravir l’échelle sociale.
Note : 7,5/10

L’avis de Suraj :

En quelques années Selvaraghavan a réussi à s’imposer en tant que réalisateur, ses films pourtant très personnels s’etant révélés des succès commerciaux. Son dernier né prend le contre-pied de ce qu’il a fait jusque là. Il s’agit d’un film de commande, un Polar à gros budget, à l’opposé des films plutôt intimistes auxquels il nous a habitué. Dans ce format nouveau pour lui il affirmait avoir réalisé son meilleur film, débordant les délais de tournage et crevant le budget en retournant des scènes pour s’assurer que tout soit parfait. Alors qu’en est-il ?

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A qui le tour ?

Le gros point faible du film tient dans son histoire, qui est largement prévisible. Ce genre de sujet est du vu et revu : les trajectoires tragiques de jeune paumés que la fatalité plonge dans la mafia où ils atteignent les cimes du pouvoir, pour finir plus bas que terre sont un lieu commun des polars indiens. De ce point de vue, Kokki Kumar n’est qu’une étoile filante de plus dans ce ciel obscur.

On a l’impression que Selvaraghavan hésite entre la fresque mafieuse d’envergure et le film plus intimiste centré sur le destin de son personnage, sans vraiment trouver le juste milieu qu’il recherche. La première partie qui est de loin la meilleure montre l’ascension de Dhanush au sein du gang, la seconde s’attarde sur sa vie sentimentale et son implication en politique.

Comme souvent dans pareil cas, le film se distingue par la manière. Autant ses films précédents étaient sobres, mais dotés d’une histoire solide, autant ici c’est exactement l’inverse. Avec cette histoire prévisible, la narration n’innove pas vraiment. Il suit le fil de l’histoire, mais la parsème de séquences chocs d’une remarquable maîtrise qui forcent le respect.

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It’s time to kouthu ! let’s come to dappakouthu !

Le mot d’ordre est le réalisme, et c’est ce qui sort malgré tout le film du lot. Les bidonvilles de Chennai ont été reconstitués avec un réalisme glauque saisissant. Les gangsters sont des gens de tout les jours, à l’image de Dhanush, sans un gramme de muscle et coiffé comme moi au réveil. Un soin maniaque a été apporté aux détails, qui donnent à certains passages un côté presque documentaire. On a longtemps spéculé si ce film était inspiré du film brésilien La Cité de Dieu. Au final le seul point commun reste le décor des bidonvilles, car la plus grosse influence de Pudhupettai semble plutôt être à chercher plus près, en Asie.
En effet, probablement dans un souci de réalisme, les gangsters du film ne se battent pas à coup d’armes à feux. La mafia de Chennai contrairement à son homologue de Mumbai est constituée de multiples gangs qui fonctionnent de manière presque artisanale. L’arme de prédilection reste le sabre traditionnel, dissimulé dans le pantalon ou sous la chemise prêt à être dégainé à n’importe quel moment, et qui tranche en silence. Les combats ont des airs de Chambara. La référence est appuyée par un soin inédit apporté aux chorégraphies à l’arme blanche, les plus belles vues à ce jour dans un film tamoul. A coup de ralentis-accélérés dans l’image on est plongé dans le stress de l’instant, on suit les enchaînements… et les combats sont légions, principalement dans une première partie qui voit Kokki se faire sa place à coup de lame dans ce monde de requins, et ne lésine pas sur le sang.

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Naan kadavul (je suis le tout puissant)

Malheureusement à l’image du gangster qui une fois arrivé au sommet perd pied, la seconde partie s’éparpille en de multiples intrigues secondaires, baisse de rythme, et traîne fatalement en longueur : le film fait près de trois heures, ce qui pour un film tamoul est très long. Il agrémente le récit de multiples effets, qui sont autant de patches contre ses faiblesses. A trop vouloir bien faire Selvaraghavan en fait trop, et si c’est généralement efficace, ça ne prend pas toujours force.
En somme, s’il est esthétiquement exceptionnel il pêche par son classicisme de fond, faisant preuve ponctuellement d’une maîtrise qui vient relever un ensemble assez inégal. Pudhupettai avait tout pour être un grand film, mais ca n’est finalement qu’un bon film - ce qui est déjà beaucoup !

Note : 7,5/10

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