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La critique de Fantastikindia

Par Didi - le 30 novembre 2010

Note :
(7/10)

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Vishnu (Abhay Deol), jeune Indien de classe moyenne du Rajasthan, n’est pas très enthousiasmé par l’avenir que son père lui a réservé : être vendeur de l’huile capillaire de fabrication familiale, la Atma oil (l’huile de l’âme). Il rêve d’évasion et la chance se présente à lui sous la forme d’un vieux camion, une Chevy 1942, qu’il doit conduire de Jodhpur à Jamnagar (Gujerat) à travers le désert du Kutch, pour figurer dans un musée d’antiquités. Mais le vieux camion, après une longue vie de bons et loyaux services, a parfois du mal à démarrer. C’est ainsi que, au fil des arrêts dus aux caprices mécaniques de la vieille Chevy, Vishnu rencontre un jeune chaiwala à la langue bien pendue, un vieil homme aussi plaisantin que doué en mécanique et une belle et mystérieuse gitane. Tous se joignent au voyage de Vishnu et la fine équipe traverse le désert où les attendent quelques épreuves. Ils les surmonteront grâce au trésor que recèle le vieux camion : un projecteur de cinéma ambulant et quelques bobines de vieux films, des classiques du cinéma hindi, mais aussi de vieux Buster Keaton…

Troisième film du réalisateur Dev Benegal, connu pour ses succès critiques English, August (1994) ou Split Wide Open (1999), Road, Movie, sorti en Inde le 5 mars 2010, a tout d’abord connu une carrière internationale. Il a été présenté à plusieurs festivals de films de Toronto, où il a bénéficié d’une première internationale, à Berlin, où il a fait l’ouverture, en passant par Tokyo ou les États-Unis, distribué par la société de Robert De Niro, Tribeca films.

Si Road, movie avait été un film occidental, il n’aurait pas brillé pour son originalité, le road movie étant un genre assez prisé, de Carnets de Voyage à Thelma et Louise, sans compter le sombre The Road, le récent Date limite ou le mythique Easy Rider, pour n’en citer que quelques-uns. En revanche, ce style narratif prenant prétexte du voyage pour montrer l’évolution psychologique des personnages l’est beaucoup moins dans le cinéma indien, à quelques exceptions près (Nayak de S. Ray). Le titre du métrage de Benegal, Road, movie, s’appuie sur un jeu de mots qui est un condensé de la substance du film : "Road", car une histoire basée sur le voyage est bien racontée ; "movie", car il est bien question de cinéma à différents points de vue.

En effet, Road, movie est nostalgique, à bien des égards, d’une certaine façon de faire et surtout de voir le cinéma qui appartiennent à un autre âge, à l’image de ce vieux camion, cinquième personnage du film, que l’on veut remiser dans un musée. Cette nostalgie du cinéma d’antan apparaît sous différentes formes, la plus visible étant bien entendu les nombreux extraits de classiques qui apparaissent tout au long de l’histoire (à vous de les découvrir…). On peut aussi la remarquer dans le choix des personnages : le héros taciturne et ténébreux n’est pas accompagné d’un comparse, comme tout bon road movie qui se respecte, mais par un enfant, un vieillard et une femme, symbole d’un mélange des genres et de générations, typique d’un certain cinéma familial qu’offraient jadis les cinémas de quartier ou des petites villes, ou les projections itinérantes avec des moyens de fortune au cœur des campagnes, mais que l’on voit de moins en moins dans les multiplexes des métropoles.

D’autres motifs du cinéma populaire sont également présents, comme les personnages stéréotypés du policier corrompu ou du mafieux, méchant de service (vilain) qui n’est pas sans rappeler un certain Gabbar Singh, le méchant le plus célèbre du cinéma hindi. On trouve aussi une séquence onirique, la dream sequence, qui se présente tel un mirage à nos personnages perdus et assoiffés dans cette étendue désertique ressemblant à une mer de sel.
La qualité majeure du film est sans conteste la photographie qui sublime les paysages, des plans d’ensemble sur la ville bleue de Jodhpur à la lumière irréelle du désert du Kutch, parfois ocre et rocailleux ou blanc et scintillant.
On ne pourra que reprocher à ce Road, movie une fin assez abrupte concernant l’un des personnages, pour le reste, on ne peut que se laisser séduire par ce voyage d’un peu plus d’une heure et demie à travers les confins du Rajasthan et du Goujerat.

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