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Satya

Traduction : Vérité

Bande originale

Badalon Se
Tu Mere Paas Bhi Hai
The Mood of Satya
Goli Maar
Geela Geela Pani
Sapne Mein

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La critique de Fantastikindia

Par Suraj 974 - le 17 mai 2005

Note :
(9/10)

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Bombay, mégalopole urbaine de tous les excès, symbole pour beaucoup d’Indiens de l’espoir d’une vie meilleure.

Un jour un homme quelconque débarque du train et s’y installe, espérant y gagner sa vie. Cet homme venu de nulle part c’est Satya. Personne ne le connaît encore, mais bientôt il sera craint de tous. A vivre dans les quartiers pauvres, royaume de la mafia, il ne tarde pas à entrer en contact avec toute sortes d’individus douteux. Victime de brimades, il ne se laisse pas faire et se retrouve en prison par la grâce de la justice indienne, pour avoir résisté à un Don. Plongé dans un environnement encore plus malsain il va résister et s’y faire respecter, jusqu’à se lier d’amitié avec Bhiku Mhatre, petit caïd qui, une fois dehors, va l’initier à la vie de malfrat. Satya va peu à peu prendre de l’ascendant sur lui et connaître une ascension fulgurante dans le milieu de la pègre, jusqu’à faire trembler les hommes politiques. Dans le même temps il fait la connaissance de sa voisine Vidya, jeune apprentie-chanteuse qui lutte seule pour nourrir sa famille. Entre eux une relation se noue au fil du temps, sans que Vidya ne sache jamais la vérité (Satya) sur les activités du jeune homme. Lorsqu’une guerre des gangs éclate, Satya est écartelé entre son implication irrémédiable dans le milieu et son amour pour Vidya, l’un mettant forcément l’autre en danger.
Bombay, mégalopole urbaine, symbole pour beaucoup de ses habitants d’un enfer quotidien…

A la fois film social, drame humain et polar de grande envergure, Satya est surtout porté par de brillantes interprétations. Le gangster froid, calculateur et discret, est aussi un jeune homme amoureux qui voudrait mener une vie simple et tranquille. Avec ce rôle ambivalent, JD. Chakravarty parvient à être convaincant dans les deux facettes de son personnage, profitant il est vrai du fait qu’il est totalement inconnu des écrans hindis. A la fois terrifiant en criminel implacable au visage insondable, et attendrissant en amoureux éperdu, il crédibilise son personnage lancé dans une fuite en avant forcément tragique.
Dans le rôle de Vidya, une jeune femme ordinaire, Urmila Matondkar arrive sans problème à nous faire oublier le personnage glamour de Rangeela qui l’a fait connaître, et montre qu’elle est réellement une actrice talentueuse. Délaissant les tenues de sex-symbol, elle interprète une femme au foyer traditionnelle avec un naturel agréablement surprenant. Mais celui qui impressionne le plus est Manoj Bajpai dans le rôle de Bhiku Mhatre, le petit caïd flambeur, impulsif mais influençable, qui se laisse peu à peu totalement dominer par celui qu’il avait pris comme élève. Manoj Bajpai crève littéralement l’écran avec sa performance énergique et tourmentée.

Loin d’être un documentaire misérabiliste sur les bidonvilles, Satya se concentre sur l’aspect policier, montrant l’évolution du personnage pour qui la frontière entre le bien et le mal disparaît peu à peu - si elle a jamais existé - pour céder la place à un engrenage fatal. D’abord lancé dans ce métier peu glorieux pour pouvoir gagner sa vie et parce qu’il n’a guère d’autre perspective, il est pris dans la spirale de la violence et du pouvoir. L’immigré innocent devient un chef de gang redouté qui ne pense qu’à élargir son territoire quitte à provoquer une guerre des gangs où se scellent à la fois son destin personnel et celui de son entourage. On appréciera la qualité des scènes d’action assez nombreuses (fusillades, poursuites…), particulièrement efficaces, brillamment mises en scènes et filmées avec un talent propre à Varma dont on retrouvera le style de façon exacerbée dans Company.

On peut voir Satya comme une illustration parfaite de l’adage de Rousseau L’être humain naît bon, la société le corrompt. Le personnage, telle une éponge, arrive vierge et innocent à Bombay mais au fur et à mesure s’imprègne de ce qui l’entoure pour le restituer. A être confronté à la corruption, la violence et le meurtre, pour survivre il finit corrompu, violent, meurtrier.

Satya est une vision particulièrement noire de la vie dans les quartiers populaires de Bombay, de la société indienne, et plus généralement de l’être humain - à croire que celui-ci est naturellement doué pour la violence et le crime.

Le parti-pris de mise en scène, comme l’indique le titre (satya = vérité) est celui du réalisme, que Ram Gopal Varma a exploité jusqu’au bout. Loin du gloss et des paillettes des films hindis commerciaux, il se veut sobre, simple et direct. Placé dans un contexte contemporain, il montre quelques aspects de la vie indienne. Les personnages sont quotidiens, les femmes se déplacent en sari, les gens vont au cinéma comme dans la vraie vie. La ville montre ses rues encombrés, ses bâtiments délabrés, son béton brut. Les appartements sont petits, meublés du strict minimum, on y sent les difficultés financières de leurs occupants. Satya semble représentatif d’une certaine réalité même si évidemment tout y est romancé. Même le fait que le film comporte des chansons renvoie à un trait important de la culture indienne. C’est ce qui fait la différence avec Company, il est plus profondément ancré dans la réalité sociale indienne. C’est un film plus intrinsèquement indien au sens culturel du terme que Company dont l’esthétique plus policée et la place moindre des chansons renvoie à un horizon plus international.

Si c’est principalement pour ce dernier qu’on connaît Ram Gopal Varma, il ne faut pas oublier qu’avant il y a eu Satya, une sorte de grand frère tant les similitudes sont nombreuses. Des deux, Satya est incontestablement le plus sombre. Réaliste et tragique, il s’inscrit dans la lignée de Nayakan qu’il n’est pas sans rappeler, amenant le film policier indien à un niveau encore plus élevé que celui où Parinda l’avait placé dix ans auparavant.
En dépit de critiques dithyrambiques Satya a connu un échec total au box-office indien. Il n’en demeure pas moins la première grande réussite de RGV dans le cinéma hindi et un polar de référence, à l’aune duquel tous les autres films policiers indiens sortis depuis sont inévitablement comparés.
Projeté en clôture de la rétrospective du centre Pompidou « Vous avez dit Bollywood ! », c’est un parfait exemple de la diversité et de la qualité du cinéma indien contemporain.

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