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Shuddh Desi Romance

Traduction : Romance traditionnelle à l’indienne

Bande originale

Tere Mere Beech Mein
Gulabi
Chanchal Mann Ati Random
Shuddh Desi Romance
Mujhe Kiss Kar Sakte Ho
Love in Jaipur
Tez Waala Attraction
Boyfriend Banogey
Bhanwara Ma Bhatke

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Fiche IMDB
Page Wikipedia
La critique de Fantastikindia

Par Didi - le 21 janvier 2014

Note :
(6.5/10)

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Le titre de ce film nous promet une romcom traditionnelle à l’indienne, mais est-ce vraiment le cas lorsqu’on a aux commandes le réalisateur de Band Baaja Baaraat et le scénariste de Chak de ! India ?

Raghu, alias Raghupati Ramraj (Sushant Singh Rajput), vit à Jaipur où il exerce différentes activités touristiques, tantôt guide tantôt vendeur au bagout irrésistible. Pour arrondir ses fins de mois, il loue ses services ou plutôt il se loue pour être figurant dans les cérémonies de mariage auprès de Goyal (Rishi Kapoor). Le jour de son propre mariage, alors qu’il se rend en bus avec le cortège des invités (famille réelle et figurants) sur les lieux de la cérémonie, Raghu est troublé par Gayatri, jeune femme engagée pour jouer le rôle de la cousine moderne. Ce trouble est si important que le jeune homme n’hésite pas à planter devant le feu sacré la promise qu’on lui avait choisie.

Quelques semaines plus tard, Raghu revoit Gayatri avec qui il entame une relation, allant même jusqu’à emménager chez la jeune femme. La relation étant bonne, le couple décide de franchir le pas et de nouer les écharpes pour accomplir les sept tours autour du feu sacré. Cette fois, c’est Gayatri qui prend ses jambes à son cou et se volatilise devant l’autel. Raghu tente alors de se consoler auprès de Tara, son ex-promise que le hasard a remis sur son chemin…

Shuddh Desi Romance, sorti en septembre 2013, est produit par la puissante maison, Yash Raj Films, spécialiste des romances diverses et variées, des plus classiques aux plus modernes. C’est à cette dernière catégorie que nous avons affaire avec cette deuxième réalisation de Maneesh Sharma. Le film, prenant le contre-pied de ce qu’il annonce dans le titre, reprend la formule du triangle amoureux pour dépoussiérer la romcom à l’indienne et livrer au passage une critique de ce qu’on pourrait appeler la "comédie sociale" du mariage. Ce sujet semble particulièrement tenir à cœur au réalisateur puisqu’il en était déjà question dans Band Baaja Baaraat. En effet, les deux films jettent un regard en coulisse en présentant l’industrie du mariage, autrement dit les petites entreprises qui prospèrent à l’ombre de sa célébration. Si Band Baaja Baaraat présentait les questions de logistique, le ravitaillement et le divertissement de la masse des invités conviés au banquet, Shuddh Desi Romance s’intéresse plus particulièrement à ces convives, dont on n’apprend que certains sont juste des figurants "loués" pour l’occasion, comme on pourrait le faire avec un costume, une voiture ou un chauffeur. Pourquoi louer des figurants pour son mariage ?, me direz-vous. Tout simplement parce qu’un cortège d’invités important est signe de prestige social. On les appelle les hire wedding guest et la pratique semble être assez courante en Inde et en particulier au Rajasthan, comme l’indique un article de la BBC.

En s’attaquant à cette représentation sociale du mariage, où tout doit être réussi, maîtrisé au point, s’il le faut, de louer les services d’inconnus venus grossir les files de convives, Shuddh Desi Romance égratigne au passage l’institution matrimoniale et ses valeurs. La charge n’est pas bien virulente, mais le réalisateur pose tout de même de bonnes questions sous couvert de légèreté. Pourquoi ces jeunes finissent-ils tétanisés lorsqu’il s’agit de franchir le pas du mariage que ce soit de leur plein gré ou par pression sociale ? Que signifie cette pratique du hire wedding guest ? En un mot quel sens a le mariage pour la jeune génération indienne dans une société tiraillée entre tradition et modernité.

Grâce à une mise en scène qui emprunte quelques figures de style au grand prêtre cinématographique d’Aphrodite, j’ai nommé Woody Allen, Maneesh Sharma questionne donc ces rituels qui perdurent par habitude sociale, mais qui ne sont plus compris par les individus qui les pratiquent, ce que nos amis anglo-saxons nomment fake rituals. Et c’est ainsi que l’on retrouve des chassés-croisés amoureux, des rebondissements et surtout des monologues des personnages exposant leur état d’esprit juste avant chaque mini histoire. Cependant, n’est pas Woody Allen qui veut et les intentions les plus louables ne sont parfois pas exemptes de défauts. Dans le cas de Shuddh Desi Romance, une écriture plus approfondie des personnages, en particulier quant à leur psychologie ou leurs motivations, aurait permis de rendre plus compréhensibles leurs voltes-faces à répétition.

Du point de vue de l’interprétation, Sushant Singh Rajput, révélation de Kai po che ! , réussit le tour de force de rendre son personnage d’"enfoiré affectif" fort sympathique. Pour ceux qui n’ont pas lu Le journal de Bridget Jones, sachez qu’un enfoiré affectif est un individu ayant développé un rejet pathologique de l’engagement, en des termes moins policés, une sorte de salaud jouant parfois sur plusieurs tableaux. Or, ici, le charme de Sushant Singh, le prince rajpoute, opère au point que l’on arrive à trouver toute sorte d’excuses à ce Raghu qui revient, la mine enfarinée, refaire les yeux doux à une fille qu’il a, malgré tout, humiliée.

Parineeta Chopra reste dans le registre de fille moderne et délurée qu’elle avait déjà montré dans Ishaqzaade. Quant à la nouvelle venue, Vaani Kapoor, elle est acceptable dans ce rôle de fille ballottée, à la fois passive, mais avec une pointe de rébellion qui ne demande qu’à éclore.

La musique est à l’image du film, mêlant les sonorités du folklore du Rajasthan à d’autres plus modernes de la world music. Elle est agréable et plusieurs séquences chantées permettent d’alimenter la rubrique "carnets de voyages" ou la section "Invitation au voyage" de nos articles musicaux, puisque la chanson titre et Chanchal Mann Ati Random offrent de très belles images de Jodhpur et de Jaipur, respectivement.

Sans être un super hit, Shuddh Desi Romance a obtenu des résultats acceptables au box-office. La critique lui a aussi fait bon accueil ce qui montre une certaine évolution. En effet, il y a quelques années — pas beaucoup —, la critique indienne avait cloué au piloris Dil Kabbadi, film similaire dans la forme et le questionnement sur les relations amoureuses en général et conjugales en particulier, en lui attribuant un cinglant "film non approprié pour un public indien".

Le verdict final donne une comédie romantique agréable à regarder malgré quelques défauts.



Bande-annonce

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