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Talaash

Traduction : Recherche

Bande originale

Muskaanein Jhooti Hai
Jee Le Zaraa
Jiya Lage Na
Hona Hai Kya
Laakh Duniya Kahe
Jee Le Zaraa (Remix)

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 26 mars 2013

Note :
(8/10)

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La voiture aux vitres teintées fonce en pleine nuit sur la route du bord de mer à Bombay. Quelques jeunes traînassent sur un banc alors qu’un employé rentre chez lui sur son vieux vélo. Soudain, sans raison apparente, le véhicule dévie et se précipite vers le parapet qu’il franchit pour s’écraser en contrebas dans l’océan. Seul au volant, Le conducteur est mort. Il s’agissait de la vedette de cinéma Armaan Kapoor. L’inspecteur Suri Shekhawat (Aamir Khan) est mis sur l’affaire. L’enquête débute difficilement car étrangement, les portières étaient verrouillées, les analyses toxicologiques ne montrent rien d’anormal et aucune panne mécanique n’a pu être détectée. Un suicide ?

Tandis que l’inspecteur Shekhawat va informer la famille et tenter de se faire une idée des derniers jours du disparu, Shashi, un petit souteneur sans envergure, va s’offrir un dernier plaisir dans la maison-close où officie Rosie (Kareena Kapoor). Il se prépare à se mettre au vert avec des liasses de billets cachés dans sa valise à double fond. Mais Tehmur (Nawazuddin Siddiqui) mi-homme de main, mi-best boy, a eu le temps de voir que son patron trempait dans quelque-chose de louche…

Suri Shekhawat est un policier consciencieux, expérimenté et apprécié de ces collègues. Il est marié avec Roshni (Rani Mukherjee) et leur couple éprouve de graves difficultés. Elle consulte un psychiatre à la demande de son mari, mais Suri ne semble pas au mieux lui non plus. Il ne dort pas, passant les nuits à ressasser un passé insupportable en jouant avec un sabre laser en plastique…

Le titre complet Talaash : The Answer Lies Within peut se traduire par « Recherche : la Réponse Réside à l’Intérieur » , ce qui semble assez énigmatique. recherche de quoi ? réponse à quoi, à qui ? Quel intérieur ? Avant même que le film ne commence, Reema Kagti, la réalisatrice et co-scénariste, cherche à brouiller les pistes. Elle voudrait nous faire croire que nous sommes en face d’un film policier où le héros va rechercher un mystérieux coupable, qu’il s’agit d’une histoire de crime presque banale comme nous en avons vu déjà tant.

C’est en effet une vision possible car nous suivons dans les méandres de Bombay, pendant deux heures et demi, un policier à la recherche d’une explication pour la mort violente d’une victime célèbre — loin d’être aussi innocente qu’il parait au premier abord. Tous les ingrédients sont là, de l’argent qui circule à flots aux hommes de pouvoir qui veulent le conserver, du petit malfrat qui veut profiter de la situation à la prostituée qui en sait plus qu’elle ne veut le dire. Les victimes ne sont cependant pas très sympathiques et rien ne laisse à penser qu’un tueur sadique puisse en faire d’autres. Cette quête policière se traîne paresseusement dans la chaleur de Bombay.

Avec l’apparition de Roshni, Talaash bascule progressivement dans le genre néo-noir où le récit se déroule sur le fond des blessures du personnage central. Comme Stanley White de l’Année du Dragon ou même le commandant Rovère des Marches du Palais, l’inspecteur Shekhawat vit un enfer intérieur qui détruit son couple. Son petit garçon Karan, est mort noyé et il en éprouve une intense culpabilité. Cet aspect du film, qui n’est ordinairement qu’un filigrane, prend le pas sur description de la lutte contre le crime. Talaash est en réalité un film profondément émouvant sur un couple qui tente désespérément de se remettre de la disparition de leur fils, avec une enquête policière en toile de fond.

Entre ces deux faces d’une même histoire, il y a l’énigmatique Rosie. Elle est mystérieusement liée à la mort d’Amaar Kapoor et n’a de cesse que d’attirer Suri comme la lumière un papillon. C’est une femme fatale dans la grande tradition des films noirs américains, suprêmement belle et terriblement vénéneuse. Comme souvent, elle est la clé de voûte du film. Tout passe par elle et elle soutient l’ensemble.

Si Talaash est atypique dans la production actuelle du cinéma de Bombay, c’est peut-être parce qu’il a été écrit et réalisé par des femmes. Il s’écarte des canons du polar avec ses oppositions viriles et brutales, pour se focaliser sur les sentiments intimes des personnages, et mettre en avant des émotions simples et intenses. Suri ne sait pas comment venir à bout de la douleur de la perte de son fils. Roshni se débat elle aussi pour sortir de ce deuil et doit affronter de surcroit l’angoisse de voir son mari s’effondrer. Ces personnages sont dépeint de façon touchante et ne peuvent que susciter l’empathie. C’est aussi finalement le cas de Tehmur qui risque tout pour s’extirper du cloaque et emmener avec lui une vieille prostituée malheureuse dont il est amoureux.

Malgré un montage très efficace, la progression de la narration est plutôt lente. Mais comme dans Kahaani, ce n’est pas un handicap, au contraire. Cela nous permet ici aussi de nous immerger dans l’histoire et d’apprendre à connaitre ces personnages attachants. Vidya Balan nous prenait par la main dans un Calcutta grouillant de monde, Aamir Khan nous emmène dans un Bombay calme et moderne. Le dénouement de Kahaani était une surprise totale, celui de Talaash également. Le spectateur avisé pourrait penser avoir saisi une partie de l’intrigue prématurément, mais, là encore, la résolution de l’affaire n’est pas le plus important…

Les quatre acteurs principaux de Talaash sont au sommet de leur art. Rani Mukherjee est déchirante en mère endeuillée qui cherche à comprendre et garder à son mari qu’elle sent perdre pied. Aamir Khan, malgré une moustache tombante qui lui masque une partie du visage, est également très juste dans l’expression de sa douleur insondable. Il sait aussi formidablement se mettre en retrait pour laisser l’écran à ses partenaires. Nous n’assistons pas à un one-man show d’Aamir Khan, mais à une œuvre collective totalement maîtrisée.

Kareena Kapoor est aux antipodes de ses rôles habituels si souvent sur-joués. Elle est ici toute en retenue pour nous offrir des moments sans parole éblouissants. Nawazuddin Siddiqui enfin, est lui aussi remarquable. Il parvient à nous toucher dans ce rôle tragique qui débute pourtant dans une veulerie pitoyable.

La musique d’accompagnement soutient parfaitement le film. Elle sait se faire inquiétante dans les passages de tension, triste et mélancolique dans l’évocation du passé. Elle est interrompue par trois chansons qui ne sont pas chorégraphiée et qui s’inscrivent dans la continuité de l’intrigue. Elles sont magnifiquement mises en image et le spectateur ne pourra qu’être ébranlé par l’interprétation empreinte de chagrin de Jee Le Zara. Le film s’ouvre sur l’élégant titre jazzy Muskaanein Jhooti Hai pendant le générique de début. Les producteurs en ont diffusé une autre version mettant en scène tous les personnages, en laissant entendre qu’il s’agissait d’un item-number intégré dans le film. C’est en fait une bande-annonce raffinée qui reflète à merveille l’atmosphère de Talaash.

Reema Kagti nous propose avec Talaash un film moderne, prenant et émouvant, aux antipodes du thriller fantastique auquel on pouvait s’attendre. Pour sa seconde réalisation, elle nous offre une œuvre emprunte de maturité, remarquablement servie par des acteurs inspirés emmenés par un Aamir Khan mémorable.

L’histoire qu’elle a écrite en collaboration avec Zoya Akhtar est à la fois belle et mélancolique. Elle ne sombre jamais dans les excès du genre et nous guide d’une main assurée vers un dénouement bouleversant.



Bande-annonce

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