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Tharai Thappattai


LangueTamoul
GenreDrame
Dir. PhotoChezhiyan
ActeursSatish Kaushik, M. Sasikumar, Varalaxmi Sarathkumar
Dir. MusicalMaestro Ilaiyaraaja
ParoliersMaestro Ilaiyaraaja, Thiruvasagam, Mohanraj
ChanteursSathya Prakash, M. M. Manasi, Priyadarshini, V. V. Prasanna, Ananthu, Kavitha Gopi, Surmukhi, Sharreth
ProducteursBala, M. Sasikumar
Durée140 mn

Bande originale

Vadhana Vadhana Vadivelane
Paaruruvaaya
Idarinum
Aattakaari Maaman Ponnu
Aarambam Aavadhu

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Savoy1 - le 2 février 2016

Note :
(8/10)

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Après une incursion dans un passé pas si lointain, auprès des travailleurs du thé avec Paradesi, Bala revient nous conter une chronique contemporaine. Toujours de pauvres hères, à la funeste destinée.

Sannasi (M. Sasikumar) dirige comme il le peut sa troupe de danseuses et musiciens itinérants. Il assure ainsi la survie de son village, dont sont issus tous ces artistes.

Seulement, il faut s’adapter aux goûts du jour, sous-entendues les chansons du 7e art, ce qui n’est pas pour plaire à son vieux père (G.M. Kumar). Celui-ci, également musicien, mais traditionnaliste au dernier degré, semble avoir abdiqué devant notre époque. Pétri de contradictions, il préfère ne plus jouer, abandonner son art, quitte à vivre au crochet de son fils, à qui il n’accorde pourtant que profond mépris. Le patriarche a finalement sombré dans l’alcoolisme. Et pour ne rien arranger, il est accompagné dans ses beuveries par nulle autre que Sooravali (Varalaxmi Sarathkumar), la vedette féminine de la troupe. Une « bonne femme » volontaire, forte en gueule, ouvertement amoureuse de son « patron ».

Oui mais voilà, Sannasi voudrait lutter contre la prédestination de caste, et refuse de se lier avec Sooravali, ce qui reviendrait à la condamner à leur humble condition d’artiste. Elle, n’en a cure, et ne cesse d’enchaîner les provocations séductrices.


Bala va nous narrer la destinée de ce couple maudit, entre instants de complicité, et coups du sort entraînés par le désir de bien faire. En effet, un prétendant, fonctionnaire de bonne condition, se présente à la porte du village, enamouré devant les prestations de Sooravali. Encouragé par la mère de la jeune femme, Sannasi pousse sa danseuse dans les bras du beau parti, persuadé de la libérer de ses chaînes. Mal lui en prendra.

Bien que l’histoire accorde le premier plan à Sannasi, c’est bien Sooravali qui en constitue le pivot. Par sa présence, enivrante, gouailleuse, bouffant l’espace de la première partie du film. Par son absence, assourdissante, pour le héros comme pour le spectateur, après l’entracte. C’est qu’elle est belle, cette nana, d’une beauté nature, brute, vibrante. Pas celle des canons made in Bolly and Kollywood. Celle de la rue, celle de la vie.


Deux parties bien distinctes, donc (ça tombe bien, on est dans un film indien). On suit d’abord l’un des périples de notre troupe, conviée à animer une fête organisée par de riches citoyens. Une belle somme d’argent à la clé. Trop même, attention à ce que cette manne ne monte pas à la tête. Attention aux contreparties demandées. Et au retour de bâton. Le groupe reprendra amèrement contact avec la rue.

La seconde moitié du métrage suivra la spirale des compromissions artistiques de nos performeurs, après le départ de leur star. D’ailleurs, cette dernière, que devient-elle, qui n’a pas donné signe de vie depuis ?

Dès les premières images, aucun doute, nous ne sommes pas devant une réalisation indienne « classique ». Le rendu photo de l’image, le son, la façon de présenter l’entourage : sur l’écran un je-ne-sais-quoi, une posture vériste, qui permettent immédiatement d’identifier la volonté d’un réalisateur indépendant de se départir des canons de studio. On est venu pour lui, on est rassuré, on est bien chez Bala. Et bel et bien, car si la forme sonne différemment, en ce qui concerne le fond, les codes du sous-continent, du mélodrame au drame, en passant par l’humour du désespoir, répondront présent un à un. Quitte à virer à l’énumération de catalogue.

La dernière partie du métrage n’hésite d’ailleurs pas à invoquer les démons du cinoche d’exploitation le plus agressif et le plus outrancier. Quitte à laisser le spectateur lambda sur le bord de sa route. Un virage pas spécialement attendu. Un bémol, que même l’auteur de ces lignes, pourtant aguerri aux embardées les plus folles, aura du mal à plaider. Entrant ainsi en collision avec l’ensemble des écrits qui vont suivre. Mais la fiction de genre, assumée, n’est-elle pas catharsis à ses heures ?


On ne dira jamais assez le bonheur éprouvé à suivre cette galerie de personnages, héroïques à leur façon. Des rôles interprétés avec justesse, d’un naturel souvent désarmant. Des archétypes, certes, du patriarche barbu irascible à la mère pleine de bon sens, en passant par l’incontournable lilliputien. Emmené par Sannasi et Sooravali (votre serviteur doit-il revenir sur son admiration ?), un bloc d’humanité face à la dure réalité de la société. Voire du Monde.


Des personnages et situations qui nous mettent face à nos contradictions d’occidental vis-à-vis de la culture indienne. Comment lui exprimer notre passion ? De simples applaudissements peuvent-ils suffire ? Ces quelques billets tendus pour aider, ne risquent-ils pas d’être perçus comme de la commisération ? Le face à face entre le vieux musicien et quelques visiteurs australiens, dans un hôtel « de luxe », suite à une représentation, ne peut que provoquer ce questionnement.

Versant musical, produit par Ilayaraaja, des chants illustrés de danses, que l’on découvre pour la première fois. Issues d’une tradition et d’un contexte dont nous laisserons aux connaisseurs le loisir de nous en proposer une leçon d’Histoire, elles constituent pour le coup une sacrée bouffée de dépaysement.

Sur des rythmes percussifs qui entraînent les jambes, des danses endiablées, saccadées, comme possédées. L’on s’y frappe le corps, particulièrement dénudé, si ce n’était cette brassière et ce short moulant appuyant des formes féminines assumées. On gonfle les joues, on ouvre la bouche sur une langue roulée sur elle-même. Des sensations de chorégraphie maorie affleurent alors dans nos souvenirs. Enivrant pour le moins.

Exécutés en plein air, au pied des temples ou sur les chemins, ces pas entraînent dans leur sillage les éléments. Jusqu’à mêler le sable à la sueur et au sang …

Il s’agit aussi d’une ode à l’érotisme des corps, et des visages. Une invitation à maquiller un nombril, et tout est dit.
Une déclaration d’amour qui culminera dans un simple jeu de regard entre l’artiste et son maquilleur, en champ/contre-champ, via le pinceau qui dessine le contour de l’œil. Touché en plein cœur.

On ne se quittera pas sans un mot sur le filmage de Bala et son opérateur.

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Bala, sur le tournage

Une caméra qui sait toujours se mettre en mouvement quand il le faut. Une caméra serpentine pour suivre, quasi au ras du sol, les échanges fiévreux d’un couple de danseurs en action. Des plans à la grue, entre ciel et terre, entre paradis et poussière, pour accompagner un cortège funéraire. Un travelling arrière, dans une obscurité que seul troue le visage blafard du héros, pour précéder et préparer celui-ci à quitter sa vie d’avant, pétrie de certitudes. Travelling auquel répondra, quelques séquences plus loin, un travelling avant, accompagnant cette fois notre musicien, de dos, vers l’antichambre de l’enfer, d’un froid bleuté.

Et que dire du plan final, à nouveau un travelling arrière, déchirant, au-delà du révoltant. Et qui, pourtant, ouvre la porte au possible. L’image se fige alors sur notre musicien, moitié gauche de l’écran, à sa droite apparaissant les mots « written and directed by Bala ».

Là, sur l’écran, ce pourrait être la photo signée d’un grand photographe de presse, d’un reporter de guerre. Cela restera en tout cas le portrait poignant d’une destinée personnelle et humaine, par un auteur en pleine possession de son art.

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