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Virasat

Traduction : Héritage

LangueHindi
GenreDrame
Dir. PhotoRavi K. Chandran
ActeursAnil Kapoor, Tabu, Amrish Puri, Pooja Batra
Dir. MusicalAnu Malik
ParolierJaved Akhtar
ChanteursKumar Sanu, Udit Narayan, Vinod Rathod, Anuradha Sriram, Kavita Krishnamurthy, Jaspinder Narula, Abhijeet Bhattacharya, Hariharan, K. S. Chithra, Anu Sriram
ProducteursMushir Alam, Mohammad Riaz
Durée161 mn

Bande originale

Payalay Chunmun
Tare Hain Barati
Jayengi Pee Ke
Ek Tha Raja
Sun Mausa Sun
Dhol Bajne Laga
Payalay Chunmun (Female)

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Maya - le 9 septembre 2006

Note :
(10/10)

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Virasat est un voyage intemporel et fascinant au cœur de la tradition indienne mythologique et sociale, qui va bien au-delà de la plupart des films Bollywood. Peut-être parce que l’histoire a été écrite par Kamal Hassan, ce film étant la version hindi de Thevar Magan, dont Kamal Hassan était l’auteur et l’acteur principal (film de 1992, nominé aux Oscars).

Shakti (Anil Kapoor), après ses études en Angleterre, revient avec son amie Anita (Pooja Batra) à Joshpura, son village natal, pour quelques jours de vacances. Il compte bien se marier avec Anita et repartir rapidement pour ouvrir des fast-food dans les grandes villes du Rajasthan. Seulement, il est le fils du seigneur local (Amrish Puri) qui règne sur son fief, soucieux avant tout du bien-être des villageois, contrairement à son frère haineux qui cherche à en détruire l’harmonie pour des motifs personnels. Le symbole de leur lutte est le temple du village, fermé depuis longtemps. Shakti, qui fait visiter la contrée à son amie, va puérilement le rouvrir, et déclencher ainsi une suite d’événements qui vont l’enchaîner de façon inexorable à ce village.

Pourtant, ce n’est jamais à lui directement que les problèmes arrivent, à chaque fois il pourrait décider de ne pas s’en mêler. Son père est autoritaire mais le laisse faire ses choix - on est loin ici du tyran sanguinaire de Shakti The Power. Cependant, peu à peu Shakti va s’impliquer dans la vie de ce village déstabilisé par les luttes fratricides de sa propre famille. Quel est le poids des choix individuels lorsque l’on porte les espoirs de toute une communauté ?

Le scénario est très bien construit, tout s’enchaîne de façon naturelle mais avec une sorte de logique implacable, comme l’ordre du monde selon la religion hindoue. Le symbolisme est très présent dans Virasat (qui signifie Héritage), directement inspiré de la Bhagava Gita et de la rivalité entre les Kauravs et les Pandavs (pour ceux que cela intéresse, voir le PS en fin d’article). La scène finale qui se déroule au milieu d’une statuaire archaïque entre haches et tridents géants, est hallucinante.

La terre est en soi un personnage omniprésent dans le film, on pense même parfois à Mother India. La réalisation de Priyadarshan est impeccable, l’image de Ravi K. Chandran très belle, qu’il s’agisse de scènes de village, de chemins bordés de banians immémoriaux, de scènes familiales dans le joli haveli peint ou de scènes de bagarre, une atmosphère particulière s’en dégage, à la fois réaliste et poétique. Les dialogues sont efficaces, la mise en scène est souvent subtile, regorge de ces "petits riens" à peine esquissés, qui nous font si bien comprendre les valeurs du film et les sentiments de ses personnages, sans avoir besoin de s’y appesantir. On fait partie de ce village, de cette famille, on se repose à l’ombre de ces banians… mais pas longtemps, car l’action reprend, bouscule, et nous fait avancer sur le chemin d’Anil.

Il n’est pas seul pour tracer sa route, avec la jolie Pooja Batra en mini-jupe d’une côté, la charmante, l’innocente, la merveilleuse Tabu de l’autre, en jeune villageoise à la fois naïve et lucide, volontaire et confiante. Chaque scène avec elle est un enchantement. Pourtant son rôle n’est pas valorisant a priori, et elle aurait pu n’être qu’une ombre soumise. Ses relations avec Anil composent un concentré de tradition, mais avec une interprétation qui donne le sourire là où on aurait pu s’apitoyer ou s’agacer. Tabu apporte une grâce indicible au film, et la scène où elle chante payalay chunmun chunmun est un vrai moment de bonheur, à se passer en boucle ! Bravo à Tabou et à Priyadarshan pour avoir su exprimer autant de candeur et de force tranquille…

Anil Kapoor quant à lui compose une nouvelle version du héros, il ne s’impose pas, il ne s’agite pas, il ne cherche pas à impressionner. Et l’héroïsme profond de Shakti se révèle peu à peu, l’homme endosse une nouvelle dimension sans rien renier de sa personnalité, de ses convictions profondes. Anil est l’acteur qui convenait à ce héros tout en modestie. Les scènes qu’il partage avec son père -Amrish Puri, excellent- sont particulièrement touchantes, on sent à la fois la volonté de Shakti de vivre sa vie, son courage pour affronter un père qui en a une toute autre vision, et le respect, l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre. Celles qu’il partage avec Tabu sont également un véritable régal, notamment la version de Payalay chunmun chunmun en duo. Les méchants sont eux aussi irréprochables, notamment Milind Gunadji (l’antipathique client de Chandramukhi dans Devdas).

Les passages musicaux sont très bien intégrés au film, ils en sont vraiment partie prenante, que ce soit les scènes de fête villageoise (Dhol Bajne Laga, Sun Mausa Sun) ou les ballades romantico-champêtres. Coup de cœur pour Payalay chunmun chunmun (on l’aura compris…) et pour la mélancolique Ek Tha Raja. Curieusement, lorsqu’on écoute la musique du film sans les images, on n’en retient pas grand chose (sauf Payalay…), et pourtant une fois mise en scène, elle prend tout son sens. Anu Malik a réussi à trouver un son un peu à l’ancienne qui correspond bien à cette ambiance intemporelle et villageoise, en mêlant éléments traditionnels et rythmiques contemporaines.

La tradition est au cœur du film, pourtant Virasat n’en fait pas l’apologie. Un peu comme Mohan dans Swades, Shakti regarde sans complaisance ce village archaïque et ne se prive pas de critiquer le poids de l’immobilisme et l’ineptie de certaines coutumes. Lui aussi veut faire évoluer les mentalités. Mais est-ce compatible avec l’ordre du monde ? l’ordre social ? La réponse n’est pas si simple, et l’est même bien moins que dans Swades.

Sorti en 1997, le film a connu un succès d’estime en recevant les "Critic’s Filmfare Awards" du meilleur film, du meilleur acteur et de la meilleure actrice pour Anil Kapoor et Tabu. Amrish Puri a reçu le Filmfare Award du meilleur acteur dans un second rôle, Kamal Hassan celui de la meilleure histoire, Ravi K. Chandran celui de la meilleure photographie, Farah Khan de la meilleure chorégraphie pour Dhol Bajne Laga. Mais Virasat cette année-là s’est fait voler la vedette par Dil to Pagal Hai, certes plus populaire et "moderne". Le public est parfois injuste…
Virasat est un très beau film qui mérite d’être redécouvert.


PS : La source de Virasat :
"Dans l’ancien temps il était un roi qui avait deux fils, Dhritaraashtra et Paandu. Ce dernier, bien que né aveugle, hérita du royaume. Il eut cinq fils, appelés les Paandavs. Dhritaraashtra eut cent fils, appelés les Kauravs, dont l’aîné était Duryodhana. Après la mort du roi Paandu, les Paandavs devinrent les dirigeants du royaume partagé en deux moitiés entre les Paandavs et les Kauravs. Duryodhana était très jaloux, il voulait tout le royaume pour lui. Il fomenta plusieurs plans pour tuer les Paandavs et les priver de leur royaume. Il finit par prendre le pouvoir illégalement et refusa de rendre un acre de terre aux Paandavs s’ils refusaient de faire la guerre. La médiation de Krishna ne fut d’aucune aide. La grande guerre de Mahaabhaarata était donc inévitable. Les Paandavs devaient y prendre part même s’ils ne le voulaient pas. Ils n’avaient que deux possibilités : combattre pour leurs droits, remplissant ainsi leur devoir, ou accepter la défaite au nom de la paix et de la non-violence. Arjun, un des cinq frères Paandav, dut lui-même faire face au dilemme sur le champs de bataille : se battre et tuer ses cousins, ou s’enfuir au nom de la paix. (…)
L’objectif principal de la Gita est d’aider les gens qui se débattent dans les ténèbres de l’ignorance, à traverser l’océan de la transmigration et atteindre le rivage spirituel de la libération tout en vivant et en travaillant dans la société. L’apprentissage central de la Gita est l’atteinte de la liberté ou du bonheur tout en étant dans les liens de la vie sociale et en faisant son devoir. Toujours se rappeler de la gloire et de la grandeur du créateur et faire son devoir efficacement sans être affecté par les résultats, même si ce devoir demande parfois une violence inévitable."
Traduit de Gita-society.com

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