]]>

Chaudhvin Ka Chand

Traduction : La pleine lune

Bande originale

Baalam Se Milan Hoga, Sharmaane
Badle Badle Mere Sarkar Nazar
Bedardi Mere Saiyya Shabanam
Chaudhvin Ka Chand Ho Yaa Aftaab
Kabhi Raaje Mohabbat Chhup
Mera Yaar Bana Dulha Aur Phool
Paanch Chavani Ka Sawaal Hain
Sharma Ke Yeh Kyun Sab Pardanashin
Yeh Lucknau Ki Sarzameen, Yeh
Zindagi Ki Haseen Raahon Mein… Mili

En savoir plus

Fiche IMDB
Page Wikipedia
La critique de Fantastikindia

Par Maya - le 15 janvier 2009

Note :
(7.5/10)

Article lu 1834 fois

Galerie

Le jeune Nawab (prince local) entrevoit sous la Burqa un joli visage et en tombe éperdument amoureux. Mais, léger contretemps, sa mère veut le marier rapidement à la fille de son mufti car celui-ci doit partir à la Mecque accomplir le pèlerinage à la place de la dame : juste échange de services, celle-ci se charge de marier sa fille qui ne pourrait certes pas rester sous la seule garde de sa propre mère, pensez donc.
Qu’à cela ne tienne, le Nawab (Rehman) demande à son ami d’enfance, Aslam (Guru Dutt), d’épouser la jeune fille à sa place. Et zou, mariage.
On admire rapidement l’abnégation d’Aslam, jusqu’à ce qu’il découvre le visage de sa jeune épouse Jamila, et là c’est plutôt Waheeda Rehman qu’on admire (quel veinard !).

Aslam tombe très amoureux de sa jeune femme, la comparant au clair de lune du 14ème jour (Chaudhvin Ka Chand), qui semble avoir une beauté incomparable, dans une chanson qui ne l’est pas moins.

Parallèlement, le Nawab cherche toujours sa belle, flanqué de son ami Mirza (Johnny Walker, dans son éternel rôle de pitre). Il croit la trouver, le mariage est décidé, quand Aslam se rend compte qu’en fait le visage qui hante son ami n’est autre que celui de sa propre épouse (et voilà, il n’avait qu’à obéir à sa maman, le Nawab !).

Que faire, que faire ? Tout dire à sa femme et à son ami ? Que nenni, ce serait trop simple… Tout faire pour tuer son couple, acculer sa femme au désespoir pour qu’elle retourne chez sa mère et soit de nouveau disponible pour le Nawab ? Rhooo mais quelle idée brillante ! (appelez-moi le scénariste).

Bienvenue dans un monde où la poésie transcende l’esclavage des femmes, considérées comme des objets qu’on s’échange, qu’on acquiert et dont on se débarrasse sans bien sûr leur demander leur avis. Des objets auxquels la beauté donne un prix, une femme étant alors considérée comme un joyau précieux qu’il faut soustraire aux regards. Des esclaves dont le but unique est de servir leur époux, quelle que soit la conduite ou l’inconduite de celui-ci.

Cela dit, dans Chaudhvin Ka Chand, les hommes aussi sont des esclaves. Esclaves de leurs désirs, de leurs fantasmes, de leur obéissance à l’autorité et à la fatalité. Les trois hommes de l’histoire sont aussi pitoyables les uns que les autres dans leurs recherches insensées : le Nawab et sa quête de l’inconnue, pur fantasme dont il fait sa raison de vivre, Asman qui culpabilise et cherche par tous les moyens à rendre sa femme à son ami, comme un jouet emprunté par mégarde, et pour finir, Mirza dont le comportement est digne d’un gamin de dix ans, prêt à faire n’importe quoi pour être enfin pris pour un adulte.

Même si on n’adhère pas au fond de l’histoire ni à sa morale, il reste que Chaudhvin Ka Chand est un très beau film, du point de vue artistique. On sent bien la « patte » du producteur Guru Dutt, très proche du réalisateur, Mohammed Sadiq, qui a longtemps été son ami et scénariste. L’image est superbe, sobre, très graphique. Le réalisateur nous plonge dans une sorte de poème d’amour en images, dont les chansons sont les reflets. Certaines des mélodies sont enchanteresses, romantiques, mélancoliques à souhait (mention spéciale à Balam se Milan Hoga, la chanson de mariage, du côté féminin). D’autres sont plus gaies, parfois drôles comme la chanson des jeunes filles Sharma Ke Yeh Kyon et celle chantée par Mirza, Yeh Duniya Gol Hai.

Il faut également rendre hommage aux acteurs : Guru Dutt en homme fragile, profondément troublé, bloqué dans sa souffrance, sait rendre son personnage émouvant. Waheeda Rehman est sublime, le noir et blanc fait ressortir l’ossature fine de son visage, elle parvient à donner beaucoup de présence à Jamila, et même si elle a peu d’occasions de s’exprimer, ces quelques scènes sont déterminantes.
Au-delà de ce qui humainement peut nous heurter, le film est intéressant aussi du point de vue culturel : moins de quinze ans après l’indépendance de l’Inde, la partition, les affrontements et les exodes religieux, il est l’un des rares films hindis ouvertement situés dans un contexte musulman traditionnel, à Lucknow.

Chaudhvin Ka Chand a rencontré un immense succès à sa sortie, grâce à Waheeda Rehman qui illumine le film, et à la musique de Ravi qui est restée un must, notamment la chanson-titre, interprétée par Mohammed Rafi, tournée en couleurs alors que le reste du film est en noir & blanc.

Commentaires
8 commentaires
En réponse à Madhurifan - le 08/01/2009 à 11:32

Et bien, voila une critique qui donne envie de regarder le film. Bravo Maya.

En ce qui concerne le côté femme objet, au sens propre du terme, j’ai quand même l’impression que dans ce film on pousse au proxysme quelque chose qui flotte assez souvent dans le cinéma indien.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Madhurifan le 24/01/2009 à 10:18

J’ai enfin vu le film. Il est effectivement excellent et Aslam est un bien beau personnage.
Mais je ne suis pas d’accord quand tu dis Bienvenue dans un monde où la poésie transcende l’esclavage des femmes, considérées comme des objets qu’on s’échange, qu’on acquiert et dont on se débarrasse sans bien sûr leur demander leur avis.
Justement, Aslam demande son avis à Jamila. Et c’est elle qui lui rappelle son devoir d’ami. C’est même à mon sens un moment fort du film. Le pauvre Aslam ne sait plus où il en est ni ce qu’il doit faire. Il cherche une réponse chez sa femme, ce qui, au passage, est loin d’être une attitude machiste. C’est elle qui lui dicte sa décision. De même, lorsqu’il revient du bordel et qu’il est prêt à succomber, ce sont les paroles de Jamila qui l’arrêtent.
A mon sens, une grande partie de la beauté du film est là. Si Jamila n’aimait pas Aslam, ce serait facile. Un seul sacrifice, au nom de l’amitié. Ici, Aslam a deux destins sur les reins. Sa décision va briser un couple (construit dans les cieux, ne l’oublions pas). Immense responsabilité. De l’amour (divin) ou de l’amitié (humaine), lequel est le plus fort ?
Pour moi, à aucun moment Jamila n’est un objet, sauf, bien entendu au moment de son mariage arrangé. Mais dans son discours, Mohammed Sadiq la traite comme un personnage à part entière, aimé et qui aime.

En tout cas, merci à toi Maya de m’avoir permis de découvrir ce film que je conseille à mon tour.

pbx67 le 15/01/2009 à 17:42

"Are you the moon on its fourteenth night, or are you the sun ? Whatever you are, I swear to God, you are incomparable ! Your hair brushes your shoulders like the clouds floating above. And your eyes are intoxicating like an overflowing glass of wine."

Magnifiques, les paroles de la chanson éponyme… Gardez à l’esprit que le film se déroule dans "un contexte musulman traditionnel, à Lucknow", en 1900, quand vous portez un regard critique sur le statut de la femme. La situation a peut-être évolué depuis ?

Madhurifan le 08/01/2009 à 11:32

Et bien, voila une critique qui donne envie de regarder le film. Bravo Maya.

En ce qui concerne le côté femme objet, au sens propre du terme, j’ai quand même l’impression que dans ce film on pousse au proxysme quelque chose qui flotte assez souvent dans le cinéma indien.

Laurent le 08/01/2009 à 13:26

"l’esclavage des femmes, considérées comme des objets qu’on s’échange" ; ça me fait penser aux femmes des tribus d’Amazonie échangées sans un bruit contre des perles et des fusils. Madhurifan a un peu raison, Bolly est parfois un art primitif du point de vue du statut des femmes. Même un film attachant et très apprécié comme le premier Munnabhai n’est pas complètement dénué de misogynie pour certaines.

Madhurifan le 08/01/2009 à 13:35

Ca fait belle lurette que je mes dis que l’appréciation du statut des femmes, des dalit, des religions en Inde (et ailleurs) et, en général de toutes les particularités, est définitivement hors de ma portée. En tant que français ma culture est un verre trop déformant pour avoir une vision correcte de tout ça. Donc, j’essaie de profiter des qualités objectives ou subjectives et de ce qui est bon et j’essaie de ne pas trop m’attacher à des choses qui peuvent me choquer et que je ne suis pas sur de comprendre.

Laurent le 08/01/2009 à 13:50

Ben ce qui est intéressant c’est que c’est une autre morale, une autre culture, avec des choses mieux et des choses pires si on veut, mais qu’il n’est pas utile de comparer dans son ensemble avec notre très distincte culture franchouillarde (je revendique !). Le ciné bollywoodien (un miroir déformant commercial lui aussi) est quand même ultra-soft par rapport à d’autres cinés… et surtout par rapport à ce qui se passe réellement en Inde (l’un des seuls pays au monde où il y a moins de femmes que d’hommes).

Madhurifan le 08/01/2009 à 14:35

Que regarder une autre culture, une autre morale soit intéressant, on est bien d’accord là-dessus. Il ne s’agit même pas de comparer, Mais je pense qu’on peut apprécier quelque chose ou une partie de ce quelque chose sans obligatoirement le comprendre dans son ensemble ou en partie. Mes quelques voyages m’ont montré que plus on cherche à comprendre, plus on doit intégerer des concepts qui nous dépassent culturrellement. Et par conséquent, je trouve que plus ça va plus ma vision se déforme.

Mais, bon, on pourrait peut-être arrêter là ce sujet (et peut-être reprendre sur le forum si tu le souhaites) pour ne pas trop polluer la critique de la pauvre Maya qui va se dire qu’elle n’a pas de pot de tomber sur de tels casse-pieds ;)

Didi le 08/01/2009 à 14:59

Si vous voulez continuer sur le forum, il y a un topic sur le statut de la femme, où je viendrai volontiers mettre mon grain de sel, chers messieurs ;)
http://forum.fantastikindia.fr/site/index.php?topic=1625.0