Slumdog Millionaire
Traduction : Le pouilleux millionnaire (Quebec)
Langues | Hindi, Anglais |
Genre | Films sociaux |
Dir. Photo | Anthony Dod Mantle |
Acteurs | Anil Kapoor, Irrfan Khan, Mahesh Manjrekar, Freida Pinto, Dev Patel, Celador Films |
Dir. Musical | A. R. Rahman |
Parolier | Gulzar |
Chanteurs | Tanvi Shah, Maya Arulpragasam |
Producteurs | Heimat Films, Christian Colson |
Durée | 120 mn |
Question à 20 millions de roupies : Pourquoi le film Slumdog Millionaire a-t-il gagné autant de Golden Globes majeurs ?
A. La cérémonie est truquée
B. Danny Boyle est un génie.
C. La chance sourit au film.
D. C’était écrit.
Mumbai. Jamal Malik (Dev Patel), un jeune serveur (chaiwallah), vient d’atteindre la dernière question du jeu télévisé Qui veut devenir millionnaire ? quand il est arrêté par la police qui le soupçonne de tricherie. En effet, le policier qui l’interroge (Irfan Khan) reste persuadé qu’un pauvre serveur des bidonvilles, un « slumdog », ne peut pas répondre à toutes les questions du jeu sans avoir un complice pour l’aider. Sous la torture, Jamal Malik avoue qu’il connaissait les réponses. Il commence alors à faire le récit des moments de sa vie qui se cachent derrière chaque question…
Adapté du best-seller de Vikas Swarup, Slumdog Millionaire était attendu depuis plusieurs mois aussi bien par les lecteurs de ce livre à la critique unanimement positive, que par les passionnés de cinéma indien, pour la présence, dans l’équipe, de deux acteurs indiens connus, Irfan Khan et Anil Kapoor, et du compositeur, A. R. Rahman, mais également parce que le film se déroule et a été tourné en Inde. Les Golden Globes obtenus par le film, quelques jours avant sa sortie en salle, n’ont fait que renforcer l’attente. Qu’en est-il alors du nouveau film de Danny Boyle ?
Le réalisateur s’éloigne ici considérablement de son Royaume-Uni natal, puisqu’il plonge au cœur même de Mumbai, énorme métropole indienne. Sa décision de tourner au cœur des bidonvilles, comme Dharavi, le plus grand bidonville d’Asie, donne au film une force qu’il n’aurait sans doute pas pu avoir s’il avait été tourné en studio. Danny Boyle et son équipe se sont ainsi équipés de petites caméras légères de façon à être plus mobiles et à pouvoir aller dans des endroits ne servant habituellement pas aux tournages et encore moins aux tournages de films occidentaux. Slumdog Millionaire montre ainsi des images de l’Inde qui sont loin de celles offertes par la plupart des films hindis (mais déjà beaucoup plus proches de films tamouls), puisque crasse et amoncellement de détritus font souvent partie du paysage. Le film ne propose pas une vision édulcorée de l’Inde, mais une vision plutôt de l’ordre du réalisme. On ne voit pas cette gigantesque ville qu’est Mumbai avec les yeux d’un touriste, mais bien à travers le regard du héros du film. Danny Boyle précise lui-même qu’il ne voulait pas filmer l’Inde comme dans Darjeeling Limited, où la beauté des paysages était mise en avant. Ce n’est pas une superbe esthétique qui est visée ici et pourtant il aurait été facile de l’atteindre, au vu de la multitude de couleurs présente dans n’importe quel environnement indien. Cet aspect réaliste vient renforcer bien évidemment l’histoire de cet enfant des bidonvilles qui devient millionnaire du jour au lendemain et c’est pourquoi le film n’en est que plus puissant.
Toutefois, ces images prises sur le vif dans les bidonvilles ne seraient rien si le montage ne venait pas les mettre en avant et leur donner du rythme. On le sait, le montage est une des spécialités de Danny Boyle : souvenez-vous du film-culte qui l’a propulsé sur le devant de la scène, Trainspotting. Il n’est donc pas étonnant que Slumdog Millionaire soit un film extrêmement bien monté et, ce qui serait surprenant, c’est qu’il n’obtienne pas l’Oscar pour cela. En effet, quoi de plus difficile que de raccorder des plans tournés sur le vif dans les bidonvilles grouillants de monde de Mumbai ? C’est pourtant ce que réussissent à faire avec brio le réalisateur et son équipe, offrant ainsi au spectateur un film au rythme époustouflant sans pour autant lui donner le vertige. Sans doute grâce à l’équilibre que réussit à trouver le film en alternant scènes de jeu télévisé, qui reposent plus sur une tension dramatique, et scènes de la vie de Jamal Malik, souvent pleine d’action.
Le scénario est ainsi un autre des atouts majeurs de ce film. Le livre était pourtant difficile à adapter : si le style de Vikas Swarup était très scénaristique (il écrit au présent et décrit beaucoup les actions), le grand nombre d’histoires et le bouleversement chronologique de la trame narrative rendaient son adaptation au grand écran très difficile. C’est le scénariste de The Full Monty, Simon Beaufoy, qui a relevé le défi avec succès une fois encore. De fait, si l’on considère le film d’un point de vue puriste, on se rend vite compte que le livre n’a pas été adapté tel quel : toutes les histoires ne sont pas présentes, des noms ont été changés, des événements aussi. Toutefois, l’esprit de Les Aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire est là. Même si la chronologie de l’histoire a été restituée dans le film pour une meilleure compréhension, la construction éclatée a été conservée puisque Slumdog Millionaire voyage, pendant une grande partie du film, entre trois strates temporelles. On retrouve aussi bien d’autres éléments du livre comme la dénonciation du jeu télévisé Qui veut gagner des millions ?, l’idée de destin, l’histoire d’amour entre Jamal et Latika. Celle-ci est d’ailleurs fortement mise en valeur et se présente comme le fil rouge du film, renforçant la tension dramatique. Un scénario réussi donc, bonne adaptation d’une œuvre pourtant délicate à transposer sur grand écran, qui laissera plus d’un spectateur cloué sur son siège : un Golden Globe mérité pour Simon Beaufoy.
J’évoquais plus haut la tension dramatique, qui ne cesse d’augmenter pendant tout le film jusqu’à arriver à son point culminant, lorsque Jamal doit répondre à la dernière question du jeu télévisé. Cette scène-clé repose sur un suspense important, mis en avant par le montage parallèle qui montre Latika tentant de regarder le jeu à la télé. Elle doit également, comme tout le film, beaucoup à l’interprétation des acteurs. Dev Patel, qu’on avait pu voir dans la très bonne série anglaise Skins en jeune adolescent pakistanais tiraillé par les hormones, exprime ici tout son talent de jeune acteur, en interprétant avec justesse ce garçon prêt à tout pour la fille qu’il aime. Nul doute que le film va donner de l’élan à sa carrière et le propulser sur le devant de la scène comme un acteur à suivre. Le reste du casting n’est pas à négliger, puisque Anil Kapoor, qui trouve ici son premier rôle dans un film britannique, fait honneur à l’Inde en jouant avec talent le rôle du présentateur sournois et méprisant. A noter aussi la performance des deux petits garçons interprétant Jamal et son frère dans leur enfance ou encore celle de Freida Pinto, elle aussi jeune révélation du film. De plus, la tension dramatique est sans cesse soutenue par la magnifique musique de A. R. Rahman, le « Mozart indien », ainsi qu’il est surnommé dans son pays. Des morceaux comme Ringa Ringa ou O… Saya (chanté par Rahman lui-même) contribuent à donner aux scènes qu’ils accompagnent une puissance incroyable : nul doute que la poursuite sur les toits des bidonvilles restera dans la mémoire des spectateurs. Le compositeur, dont la réputation n’est plus à faire en Inde, mais qui reste méconnu dans d’autres industries cinématographiques, vient de faire une entrée fracassante à Hollywood en remportant le Golden Globe de la meilleure musique.
Au final, Slumdog Millionaire est sans doute un des films les plus réussis de Danny Boyle, n’ayant rien à envier à la qualité de ses premiers films comme Trainspotting ou Petits Meurtres Entre Amis. Il ravira à la fois les lecteurs du livre et les fans du réalisateur, mais aussi les passionnés de cinéma indien qui découvriront que Danny Boyle fait sûrement partie de cette dernière catégorie. En effet, la chorégraphie finale, bien que minimaliste, est une référence certaine et positive au cinéma indien, ainsi que d’autres scènes comme celle de l’émeute. Impossible pour un fan de cinéma indien de ne pas y voir un clin d’œil à Mani Ratnam, réalisateur tamoul unanimement apprécié en Inde. Et sûrement par le réalisateur britannique. Le petit film indépendant qui avait démarré sa carrière comme outsider des Golden Globes est maintenant l’un des grands favoris aux Oscars 2009. Rendez-vous le 22 février.
Question à 20 millions de roupies : Pourquoi Slumdog Millionaire a-t-il gagné autant de Golden Globes ?
D. C’était écrit.
Retrouvez la critique du livre Les Aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire de Vikas Swarup : ici.
Je viens juste de sortir du film et je voudrais poster un petit avis négatif pour contrebalancer un peu ce bel engouement autour du film (n’hésitez pas à réagir, je me ferai un plaisir de répondre). Excusez, par avance, certains développements qui pourront paraître un peu brumeux, mais il est 3h00 du matin et mon esprit est loin d’être si éveillé !
Tout d’abord, tout comme Soniya, j’assume complètement le fait de nager à contre-courant : ce n’est pas parce que le film a reçu 5 Golden Globes et est en lice pour 10 Oscars que c’est sans conteste un chef d’oeuvre (attention : je ne dis pas ici que certains l’exposent pour argument, mais je tiens quand même à le souligner). Ce n’est d’ailleurs pas, pour moi, la première fois que les ricains se plantent en récompensant un film.
Je tiens à ce propos à souligner ma colère quant à la nomination du film dans les catégories concernant le son (Sound Editing et Sound Mixing). Qu’ils aillent s’acheter des oreilles les américians ! Si pour eux une belle bande-son doit être composée de gros bruits de train qui explosent les tympans, ils sont tombés bien bas (remarque, on les savait déjà fans de l’hélico qui te tourne autour en 5.1). Cette bande son n’a absolument rien d’original, à part qu’elle te pétrifie sur ton siège tant elle est imposante et peu subtile (et ce n’est pas la salle de ciné dans laquelle je suis allé, puisque je ne suis pas le seul à l’avoir noté). Qu’ils aillent voir Two Lovers du génialissime James Gray (en voilà un réalisateur à récompenser) pour une bande sonore tout en finesse, délicatesse et intelligence. J’espère de tout coeur que Wall.e raflera ces Oscars pour lesquels et est nominé et qu’il mérite tant.
D’ailleurs la magnifique B.O. de A. R. Rhaman (le seul Golden Globe qu’il aurait du recevoir à mon humble avis, si on considère que tout le mérite du scénario vient du bouquin) que j’avais tant appréciée sur Deezer (et Dieu sait que la qualité est effroyable sur ce site) est bousillée, y’a pas d’autres termes, dans le film, à part peut-être dans le générique. On a du mal à percevoir les différents instruments, l’orchestration et toute la subtilité de la musique. Tout est mâché, noyé et cela se résume à des "boums boums" sourds. Dommage. J’espère juste que Rhaman n’a pas succombé d’une crise cardiaque en entendant son travail massacré de la sorte.
Si je pousse un tel coup de gueule, c’est que je suis étudiant en son (et notamment dans le ciné) et que c’est le genre de chose qui m’irrite au plus haut point. D’autant plus que c’est une espèce de tendance générale pour certaines productions du moment. À quand la distribution de boules quiès ou de correcteurs sonores à l’entrée des cinés ?
Ensuite je voudrais émettre quelques critiques et réserves sur différents aspects du film : tout comme Soniya (décidément encore !) je trouve le montage franchement repoussant. Déjà, sa structure même est assez foireuse. Le système de jonglage entre flash-backs et temps présent est assez agaçant. Le processus est prévisible, attendu (on se met à compter au bout d’un moment : "bon, il lui reste combien de questions déjà avant d’arriver à 20,000,000 roupies ?") et casse complètement le dynamisme de l’histoire de Jamal. Si ce procédé marchait dans le livre, au cinéma, encore une fois de mon point de vue, cela ne fonctionne pas du tout.
Si l’on s’intéresse maintenant aux séquences même du film, le montage est comme dit Soniya beaucoup trop haché en plus d’être surchargé d’effets. Et vas-y que je te fais bouger la caméra dans tous les sens, et vas-y que je te fais des ralentis dès que je peux ou des plans qui durent 0,3 secondes montre en main. Au bout d’un moment on a envie de lui dire à Danny Boyle : "OK, maintenant t’a assez fait joujou avec la caméra, alors t’arrêtes de l’envoyer en l’air pour lui faire faire trois sauts périlleux et tu te concentres à faire des choses simples, ça sera déjà bien !". Bon c’est vrai que dans les séquences de poursuite, sur de la musique entraînante et rythmée, on aimerait bien un montage qui bouge. Mais ce n’est pas un montage dynamique là, c’est un montage "haut-le-coeur"…
L’image ne m’a pas non plus tout le temps séduite. J’ai du mal avec sa palette de couleurs très studio. J’aurais préféré un traitement plus naturaliste de l’image (cet avis n’engage que moi), cela se prêtant bien mieux aux décors. On sent trop souvent et de manière peu subtile qu’il est allé triturer son image, rajouter des teintes jaune-pisseux. De temps en temps cela sonne même carrément faux (et moche à la fois). Je pense par exemple à ces plans en contre-jour pas toujours réussis. Pourtant certaines images sont simples et belles à la fois (le plan en haut du building ou les deux frères en ombre-chinoise surplombent Mumbai), mais, très vite il vient y insérer des gros plans, des effets, un montage rude qui casse tout le charme qui pouvait émaner de ces images. Encore un fois, dans Two-Lovers ce même type de plan est utilisé (personnages surplombant et encadrant la ville depuis le toit d’un immeuble) mais avec une subtilité et une finesse louable (ce dont Danny Boyle ne sait, apparemment, pas faire preuve). J’ai aussi beaucoup de mal avec ses images de travers. Il systématise presque le procédé à en devenir agaçant. Si cela est un clin d’oeil à une esthétique Bollywood, je la trouve peu élégante.
Enfin, pour terminer sur une touche plus joyeuse : je n’ai pas détesté le film, mais pour plusieurs points que je viens d’énoncer, il ne m’a pas emballé, et en sortant de la salle j’avais juste l’impression d’avoir eu droit à un bonbon acidulé assez indigeste par moments, laissant en bouche un arrière goût finalement fade.
Et puis pour finir, on ne le dit pas assez souvent : merci à toute l’équipe fanta pour nous proposer un site bien foutu, riche en infos, agréable à consulter et rafraîchi régulièrement de douceurs épicées.
Paris, la nuit. Tistou.