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Promouvoir le cinéma hindi en France

Publié vendredi 29 janvier 2016
Dernière modification vendredi 29 janvier 2016
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Par Musidora

Rubrique Tendances
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Au mois de juillet 2015, nous vous avions proposé de répondre au sondage d’Anaïs Dias qui réalisait un mémoire de recherche sur la promotion du cinéma hindi en France. Vos réponses à ce formulaire ont permis de dégager quelques pistes de réflexion qu’elle a synthétisées pour Fantastikindia. Les chiffres qu’elle a obtenus et qu’elle explique viennent de ce formulaire. L’échantillon interrogé se compose de 82 participants : 61 femmes et 21 hommes.

Mes travaux ont permis de mettre en lumière les différents profils de spectateurs de films hindis, en France. Ils sont presque les prémices d’un nouvel angle de recherches, qui mériterait un approfondissement dans les années à venir, d’autant si la distribution et les actions menées poursuivent leur expansion.

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Répartition des publics du cinéma hindi selon le sexe

Les films bollywoodiens semblent attirer une majorité de femmes, elles composent en effet 74% du panel interrogé. Comment expliquer cette domination féminine ? Serait-ce parce qu’elles auraient de meilleures perception, compréhension et appréciation de l’émotion ? La question se pose. Un parallèle avec le mélodrame américain, dont certaines séquences (à l’instar de scènes à sensation, de moments paroxystiques où la vertu morale se révèle, etc.) amplifient un pathos féminin, pourrait être un début de réponse pour expliquer ce constat. [1].

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Répartition des publics du cinéma hindi selon leurs âges

Plus d’un quart de ces femmes appartient à la tranche d’âge des 25-35 ans. Cette section est d’ailleurs la plus importante, 39,8% des interrogés autant hommes que femmes s’ancrent dans celle-ci. Un pouvoir d’achat plus important (la tranche des 15-25 ans mentionnant souvent la volonté de pouvoir utiliser leurs cartes illimitées pour consommer ces films au cinéma) et des vies familiales moins contraignantes (études plus longues, naissance du premier enfant plus tardive etc.), pourraient inciter et favoriser les loisirs.

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Moyens de visionnage des films hindis privilégiés en France

En étudiant de plus près les moyens de consommation des spectateurs français de films hindis, il a été possible de constater que les DVD et Blu-Ray restent les supports les plus utilisés, notamment par leur facilité d’achat et leur coût intéressant. Le streaming se positionne second de par la multitude de films proposés en version sous-titrée, sur des plates-formes gratuites comme Youtube ou Dailymotion. La salle de cinéma n’arrive qu’en troisième position, de par les freins que peut représenter un nombre de salles et d’horaires insuffisants ou contraignants.

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Sensation d’une augmentation des films hindis en salles ?

Une fois ce classement établi, nous sommes en droit de nous demander si les français prennent malgré tout le temps d’aller en salles pour consommer des films « Bollywood » ? Il s’avère qu’effectivement cela soit le cas, 66,3% des participants admettent se rendre dans les salles obscures pour en visionner. Le cinéma reste un loisir pour les foyers.

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Supports informatifs utilisés par les français lors de la sortie des films hindis

Les adeptes des cinémas indiens répondent donc globalement présents aux différents rendez-vous fixés au cours de l’année, mais comment se tiennent-ils au courant des sorties cinématographiques dans un pays où la promotion de ces films est quasi inexistante ? Mon étude s’y est intéressée et a pu révéler que les sites des distributeurs étaient finalement peu consultés. En effet, plus de la moitié des participants se tiennent informés des sorties de films via les réseaux sociaux, de ce fait il est primordial pour les distributeurs (notamment) d’y être présents et très actifs. Le pourcentage concernant les médias reste relativement important et fut un étonnement. L’absence de reportages audiovisuels/radiophoniques et articles de presse autour du cinéma hindi en France, laissait présager un chiffre inférieur.

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Les critères de sélection des films Bollywood vus en salles, selon les sexes

Mais que vont-ils voir ? La star reste incontestablement l’élément qui prime dans une production cinématographique, autant chez les hommes que chez les femmes. Elle est le premier critère décisif quant au choix fait par les spectateurs. Pourtant, nombreux sont ceux qui ne se disent pas sensible (44% des femmes et 57% des hommes) au star system indien, ce qui est assez paradoxal. Malgré des films masalas très largement diffusés, le genre des productions s’avère être important pour les publics ; suivi de près par la réalisation. Les réalisateurs sont autant appréciés que les acteurs, et reconnus pour certaines spécificités dans leurs travaux. Les scènes musicales ne s’avèrent finalement pas être un critère de choix pour les spectateurs français, alors que nombreux sont ceux parvenus au cinéma hindi par la pratique des danses indiennes en France. Fait étonnant, les hommes sont beaucoup plus sensibles aux scènes musicales que les femmes. Serait-ce en lien avec le fait que globalement ces séquences sont tenues par les personnages féminins, dont on contemple la sensualité ? [2] Dans la catégorie « Autre », les participants mentionnent notamment l’importance des critiques et des scénarios, décisifs quant au choix final du film visionné.

Les personnes interrogées se sont intéressées au cinéma hindi grâce à des proches déjà adeptes, grâce à des échanges universitaires ou des voyages ; mais aussi grâce à la pratique de danses indiennes. Il existe bien une discorde entre les amoureux des blockbusters hindis et ceux du cinéma d’auteur, des critiques et regrets à l’égard d’un « Bollywood » qui s’occidentalise ; mais globalement tous les participants s’accordent à dire que les films hindis sont un échappatoire à l’écrasant cinéma américain. Les participants regrettent que les projections soient encore trop rares et localisées, l’absence d’événements importants et fédérateurs, une timide prise de risques dans la sélection des films et des aspects techniques défaillants (sous-titrages, etc.) ; mais ils sont conscients des efforts déployés ces dernières années pour rendre le cinéma bollywoodien plus accessible et visible sur nos écrans.

Bollywood peut compter sur des professionnels attentifs et passionnés, tout comme sur des fans actifs et volontaires, pour voir son marché croître. Tout semble être une question de temps, d’évolution des mentalités et de prise de conscience, ce qui est loin d’être une mince affaire. Il est un cinéma divertissant mais aussi riche en points de vue sur la société indienne, mettant en ordre une idéologie autour de l’Inde parfois erronée. Le cinéma hindi est apprécié pour son authenticité, son autonomie et cette impression qu’il est sans cesse à décoder. Peu importe la manière dont on y parvient, la rencontre avec son premier film hindi/indien reste une expérience dont on ne sort pas indemne.


[1cf. Linda WILLIAMS.

[2cf. les théories de Laura MULVEY.


Promouvoir le cinéma hindi en France : influences et conséquences du web social sur la distribution (2002-2015)
Par Anaïs DIAS, sous la direction de Monsieur Laurent CRETON
Master 2 Recherches Cinéma et Audiovisuel, Parcours 3 Economie, Sociologie et Nouvelles Technologies
Université Sorbonne Nouvelle, Année 2014-2015

Commentaires
3 commentaires
En réponse à maya - le 31/01/2016 à 23:20

Très intéressant ! merci Fanta pour le partage, et merci à Anaïs pour cette étude fouillée !

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Anaïs Dias le 31/01/2016 à 23:24

Je vous remercie pour l’intérêt porté à cette étude.

Pour répondre à vos questions :

 Effectivement, vous avez raison, il aurait été intéressant de connaître les origines de ces spectateurs. Dans mon mémoire final, je souligne l’erreur (mon erreur) suivante : ne pas avoir clairement posé la question aux participants. Je pense avoir eu peur que l’interrogation soit malvenue, de ce fait la question autour des origines a été posée de manière trop implicite. Ce que je regrette aujourd’hui avec du recul.
De plus, il est présenté ici une synthèse des nombreuses pages rédigées autour de ce formulaire, je me suis donc efforcée d’exposer les éléments les plus pertinents (à mon sens), avec les contraintes qu’infligent la rédaction web.

 Le cheminement de ces recherches fut compliqué. Il n’est pas simple d’obtenir tous les renseignements souhaités en un peu moins de deux ans.
Il ne s’agit là que de prémices d’un angle de recherches nouveau, autour de cette cinématographie.
Je ne poursuis pas d’études doctorales, donc je ne pourrai malheureusement pas approfondir officiellement le sujet ; cependant vos remarques sont tout à fait pertinentes, je les prends en compte et vais m’y intéresser.

 La théoricienne Linda Williams a été évoquée lors du débat, ayant animé ma soutenance finale. Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire tous ses travaux, j’ai pu seulement m’en faire une idée en étudiant certains de ses textes.
La dissociation que vous évoquez mérite effectivement un questionnement, et un raisonnement de ma part.

 Pour les mots "domination" et "dominante", je comprends effectivement l’ambiguïté de cette tournure de phrase. Il aurait peut-être fallu en effet employer le terme "dominante".

Merci pour vos interrogations et vos remarques. Elles sont les bienvenues et bénéfiques.

maya le 31/01/2016 à 23:20

Très intéressant ! merci Fanta pour le partage, et merci à Anaïs pour cette étude fouillée !

S. Plissken le 31/01/2016 à 18:25

C’est une étude quantitative intéressante qui mérite d’être poursuivie. Bravo et merci chère collègue !

Par contre je suis étonné du peu d’attention prêté aux origines et trajectoires sociales – et nationales ! – des sondés… c’est un critère qui me semble plus pertinent que les – « légères » – catégorisations de genre et d’âge.

Ça t’aurait permis de mieux exploiter ton échantillon, et par la même occasion de questionner les surdéterminations d’un public d’« initiés », aux sociabilités culturelles marquées (les danses indiennes) et forcément volontaire, puisque ce sont eux, comme moi, qui ont répondu à ton questionnaire.

Sinon, le texte de Linda Williams est d’une grande sensualité, aussi pour la suite tu pourrais dissocier « expérience » et « dispositif » cinématographiques.

PS
Ne voulais tu pas dire « dominante » au lieu de « domination » ?