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Lamha Lamha Zindagi Hai (Sad Version)

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La critique de Fantastikindia

Par Madhurifan - le 12 mai 2009

Note :
(8/10)

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C’est la guerre entre le groupe industriel de Vinay Sehgal (Rajat Kapoor) et celui de Dharmesh Marwah (Raj Babbar) qui s’affrontent sur le marché indien des boissons. Sehgal vient de signer un accord avec une grosse compagnie américaine et semble donc avoir pris le dessus. Dans la bataille, Nishi (Bipasha Basu), recueillie par le groupe Sehgal lorsqu’elle est arrivée de sa province sans connaître personne, fait maintenant partie de l’équipe dirigeante. Elle a eu une liaison quelques années plus tôt avec le beau-frère du patron, Ritesh (Kay Kay Menon). Lorsque celui-ci rentre de Londres leur liaison reprend avec le mariage en vue.

Le lancement d’une nouvelle boisson relance la guerre entre les deux groupes. D’espionnage industriel en coups tordus et en manipulations, la situation dégénère. Pour sauver le groupe Sehgal, il faut sacrifier quelqu’un. Par amour et par reconnaissance Nishi se sacrifie.

Voila un résumé rapide de cette histoire qui mélange amour (comme c’est étrange) et description des batailles sans pitié que se livrent les grosses sociétés indiennes.

La première curiosité de ce film c’est Bipasha Basu. On l’a rarement vue dans un rôle aussi sérieux, dramatique. Celui d’une femme au cœur d’une histoire d’hommes comme l’indique fort bien l’affiche. Généralement, au cinéma, les femmes d’affaires qui réussissent sont dépeintes comme sans scrupules ni pitié, pratiquement déshumanisées. Ce n’est pas du tout le cas de Nisha. Elle est restée tendre et sensible. Certes les coups vachards ne lui font pas peur mais c’est parce qu’elle connaît bien le milieu dans lequel elle navigue et qu’elle sait que c’est la règle du jeu. C’est ainsi que lorsqu’elle trahit l’un de ses adversaires et que celui-ci vient pour le lui reprocher on s’attend à la voir culpabiliser un minimum. Pas du tout. C’est même le pauvre type qui se retrouve virtuellement collé au mur. Malgré sa tendresse et son côté féminin (oh oui !) c’est une femme redoutable au jugement aiguisé.

L’une des forces de ce film provient sans contexte de son réalisme. Tous les personnages sont finement ciselés. Ici, pas de méchants à 100% méchants ni de bons complètement béats. Seuls les politiques donnent le sentiment d’être des pourris (comme souvent dans le cinéma indien). Tous les autres personnages sont montrés avec leurs forces et leurs faiblesses, résignés dans le monde délétère qui les fait vivre. Le résultat est que le spectateur passe par des moments d’attraction et de répulsion vis-à-vis de chaque personnage et, à ce petit jeu, finit par y croire. Ils prennent vie. Réalisme renforcé par le sujet, on ne peut plus terre-à-terre.

Dharmesh Marwah est un bon exemple d’épaisseur et de consistance des personnages. On le voit très religieux et même quasiment sous la coupe d’un guru, avec une vie de famille parfaitement réglée. Comparé à Vinay Sehgal, plus moderne, il peut sembler une proie facile, ce qui semble d’ailleurs être le cas pendant la première partie du film. Et brutalement, cet homme qui attirait presque la compassion se déchaîne sans aucune pitié contre son adversaire dans la plus pure tradition indienne.

Autre choix de personnage fascinant, celui de Naveen Shroff (Harsh Chhaya). C’est le conseiller intime de Vinay Sehgal. Personnage dont la voix est fondamentale dans les choix du groupe. L’histoire aurait très bien pu être écrite sans lui. Mais sa présence densifie encore un peu les liens qui unissent (ou désunissent) tous ces personnages complexes.

Un peu hors du cercle, il y a Ritesh. Kay Kay Menon campe parfaitement ce personnage, symbole de l’échec. Il a échoué cinq ans plus tôt, ce qui a entraîné sa disgrâce et son exil à Londres. Une fois revenu aux affaires, grâce à l’appui de sa sœur, il va montrer une fois de plus qu’il n’est pas à la hauteur. C’est un vrai personnage de tragédie, partagé entre ses envies et ses ambitions d’une part et ses sentiments de l’autre. Même si Madhur Bhandarkar a de la tendresse pour lui, il n’en a pas pitié. C’est un homme qui n’est pas à sa place dans ce monde, un sujet fort chez le réalisateur puisqu’on le retrouve dans ses autres films, de Page 3 à Fashion.

Peut-être dans un souci d’équilibre ou de compensation, Chhaya (Achint Kaur), la soeur de Ritesh, est le miroir de Bipasha, égoïste, hautaine et calculatrice. Bhandarkar lui offre un rôle sombre de gardienne du foyer (et de ce qu’il représente). Mais toujours dans le refus du manichéisme.

Incontestablement la création de la bible des personnages a dû représenter une belle masse de travail pour les scénaristes (Madhur Bhandarkar, Ajay Monga et Manoj Tyagi).
C’est à mon sens la partie la plus remarquable de ce film.

En ce qui concerne l’interprétation, les acteurs sont tous vraiment excellents et aucun ne surjoue. Cela contribue à la construction d’un univers parfaitement équilibré et, une fois de plus, réaliste.

On remarque dans les rôles secondaires Minissha Lamba dont c’était une des premières apparitions et surtout Lillete Dubey à qui on devrait peut-être quand même proposer la tête d’affiche un jour. Elle n’a que rarement l’occasion de se mettre en valeur et c’est bien dommage.

L’intrigue, quant à elle, et la construction dramatique qui la soutient, sont très bien conçues. On ne peut pas dire que c’est exceptionnel mais la trame est assez tordue pour qu’elle ne soit pas trop prévisible. Le suspens est bien maîtrisé et on va de mini-drames en mini-chocs. Résultat, pas d’ennui pendant toute la durée du film.

Côté technique, la caméra sait passer inaperçue et imprime un climat assez distant qui permet la mise en valeur de chaque personnage.

Shamir Tandon (à qui l’on doit les musiques de Page 3 et Mission Istanbul) nous offre des chansons de qualité et entraînantes. Asha Bhosle et Alisha Chinoy sont toujours au top. Ces chansons ne resteront sans doute pas dans l’histoire mais on s’en souvient encore une fois le film terminé ce qui est loin d’être le cas général. Rien à redire à la chorégraphie qui, sans être hors norme, est bien ficelée. Est-ce l’apparition-surprise de Javed Akhtar (qui ne peut pas être renié par son fils, Farhan, tant ils se ressemblent) qui bénit ces aspects musicaux ?

En résumé, Madhur Bhandarkar réussit là un très beau film. Un film qui n’a pas la technique comme unique argument. Bhandarkar a le chic pour modeler des personnages denses, complexes et attachants dans des histoires plutôt originales (Traffic Signal en étant une preuve flagrante). Mais au-delà des peintures individuelles, il réussit surtout à créer des liens et en définitive un univers dans lequel on se laisse facilement glisser. En ce sens on pourrait presque dire que c’est un réalisateur "social". De plus, sa façon de filmer ne dépayse pas les Occidentaux que nous sommes et accentue ainsi l’assimilation et l’appropriation du film.

Après Corporate (en 2006), il tournera les excellents Traffic Signal (2007) et Fashion (2008), qui confirmeront son talent. Un très bon film par an, c’est une belle moyenne et ça ne se refuse pas. Reste à voir ce que donnera Jail, son prochain opus, mais incontestablement, il faudra compter de plus en plus avec Madhur Bhandarkar.

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