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Interview Manisha Koirala et Vivek Oberoi - 19 mars 2004 - Chap. II

Publié lundi 26 avril 2004
Dernière modification vendredi 7 mars 2014
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Par Eulika, Suraj 974

Dossier Centre Pompidou : vous avez dit Bollywood ! (2004)
◀ Interview Manisha Koirala et Vivek Oberoi - 19 mars 2004 - Chap. I
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Suraj : Parce que le problème est qu’en Europe nous avons cette image du cinéma indien qu’il doit forcément contenir des scènes de danse. Alors, quand dans un film, il n’y a pas de scènes de danse, nous avons l’impression que…

Eulika : … Ce n’est plus indien !

Vivek : (rires) Oui… Je pense que c’est probablement dû au manque d’exposition des films et au manque de connaissance du cinéma hindi. Combien de films avez-vous vus durant ce festival ?

Suraj : Presque tous, il me semble.

Vivek : Vraiment ? Vraiment ? Tu penses les avoir presque tous vus ?

Suraj : Euhhh… J’ai vu environ 12 ou 13 films.

Vivek : Pas de mensonges… Si je te pose une question… Parce que je connais tous ces films !… Je plaisante… Je plaisante. Ce que je veux dire, c’est qu’avant de voir ces 12 films tu avais une vision différente du cinéma indien. Tu étais dans une certaine ignorance du cinéma indien. Ta perception vient de ce que tu vois, exact ? Par exemple, avant que je voie des films français, je ne savais pas ce que le cinéma français était. Quand je regarde Truffaut, quand je vois Godard, quand je vois des réalisateurs contemporains comme Luc Besson, Claude Chabrol, quand je vois des films comme Amélie Poulain, je commence à changer ma perception, ma vision du cinéma français, qui s’élargit. Plus je vois le cinéma français, plus je vais le comprendre. Je commence à comprendre un style différent. Donc, je pense que ce qui est le plus important, c’est que plus les Français regarderont de films hindis, plus ils en comprendront l’étendue. Nous faisons approximativement entre 800 et 1000 films par an. Tu as dû en voir 12.

Suraj : J’en regardais déjà avant.

Vivek : Tu as dû en voir quoi ? Une centaine ? 200 ?

Suraj : Non, pas 200 !

Vivek : Tu as 19 ans. Depuis 19 ans (date de ta naissance), nous avons fait 19 000 films. (rires) Alors, tu en as vu quoi, moins de 200 ? C’est tout ce que j’essaie de te dire. Le cinéma hindi est très vaste. Moi-même, je n’ai pas regardé tous les films ! Il y en a bien trop… ! Mais tous les bons films devraient avoir une reconnaissance internationale, afin que les gens qui s’intéressent au cinéma indien puissent mieux le comprendre et l’aborder.

Eulika : Et tu ne penses pas que le cinéma indien est de plus en plus influencé par Hollywood ?

Vivek : Pas vraiment. Je ne pense pas. Je pense que nous avons une identité très différente. Si tu lis un article très intéressant dans les journaux, tu verras que le cinéma indien combat l’assaut de Hollywood. Parce que l’Inde est probablement le seul endroit au monde où le cinéma local est dix fois plus grand que le cinéma de Hollywood. Même en France, le cinéma français est faible commercialement par comparaison avec Hollywood. Hollywood a de gros budgets et réalise de gros films qui deviennent de gros succès… Le cinéma français est en difficulté malgré l’aide du gouvernement à la réalisation des films. En Inde, on fait beaucoup d’argent, le gouvernement aide peu. Tous les investisseurs privés, c’est plus d’un milliard de dollars pour le cinéma hindi. Je pense que c’est parce que quelques films - oui, je suis entièrement d’accord - sont influencés par les films de Hollywood, tant par la technique que par le style, ou encore par un sujet intéressant, qui sera adapté au style indien. Mais la plupart des films du cinéma hindi sont très indiens. Très indiens dans leurs valeurs, par la culture, la tradition, les relations, les émotions, la réalisation.

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photo Kendall

Eulika : Je voulais demander pourquoi il y a tant de films récents qui traitent de la Partition ? Comme Gadar, Pinjar… —c’était ma question !—

Suraj : Oui, c’était sa question. Je ne voulais pas la poser !

Vivek : C’est une bonne question ! C’est une bonne question… L’histoire récente, qui remonte à 50 ans, quand la Partition a eu lieu… Peut-être que tu comprendras mieux avec cet exemple. Quand les films français ou américains, ou anglais sont faits sur la Seconde Guerre mondiale, pourquoi sont-ils réalisés ? Parce que c’est un événement historique mémorable. On se rappelle de ce qui s’est passé il y a 50 ans. Je peux te citer une vingtaine de films récents sur la Seconde Guerre mondiale. Il y en a tellement ! La Partition et l’Indépendance de l’Inde sont des événements historiques pour l’Inde. Comme c’est un événement historique, que cela s’est passé il y a 50 ans… Vois, aujourd’hui, on a les moyens et l’argent pour faire un film à gros budget, où on peut montrer, comme dans Gadar, des milliers de personnes jouer.

Eulika : Tu ne penses pas qu’il vaudrait mieux parler de paix et non continuer à parler de la guerre ? Surtout après les évènements du Goudjerate d’il y a deux ans ?

Vivek : C’est vrai… Vrai, oui.

Eulika : Parce qu’il y a encore des problèmes entre musulmans et hindous…

Vivek : En quoi la France est-elle différente ? Il y a aussi des problèmes entre Français et musulmans ici. En Espagne, en Amérique… C’est partout la même chose ! L’Inde n’est pas le seul endroit. Partout dans le monde, il y a des affrontements entre différentes cultures. Au Kosovo, il y en a, en Europe de l’Est, Europe de l’ouest, en Russie, en France, en Espagne, en Amérique… Partout !

Eulika : Mais on n’en fait pas des films.

Vivek : Si, vous en faites. Je peux te nommer 50 films qui traitent de ces problèmes ! C’est la guerre, le combat des gens… Il y a eu des films faits en Afghanistan, dans le style de Rambo, des films qui semblent réalistes. Il y en a tellement, dans différentes langues, différentes cultures, différents styles de cinémas, sur les conflits. Car les conflits sont communs. C’est quelque chose où tu peux montrer l’esprit humain. Par exemple, dans Gadar, c’est un hindou qui aime une musulmane. Il la sauve, la marie et a un enfant avec elle, puis ils vivent heureux ensemble. C’est une histoire d’amour. Ça n’encourage pas les combats entre hindous et musulmans. Ça montre qu’hindous et musulmans peuvent vivre ensemble et s’aimer dans la paix.

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Vivek Oberoi et Nadine Tarbouriech. photo Eulika

Eulika : Mais il y a certaines parties dans ce film qui traitent d’avantage du patriotisme que de l’amour.

Vivek : Oui… Qu’y a-t-il de mal dans le patriotisme ? Il n’y a rien de mal dans le patriotisme. Ce n’est pas dire quoi que ce soit de négatif contre quelqu’un d’autre ou une autre communauté… C’est dire quelque chose de positif sur notre pays, que nous sommes très fiers de notre pays. Et qu’y a-t-il de mal dans le patriotisme ? C’est un bon esprit… Ça devrait l’être. Les films patriotiques sont bons. Ils te font te sentir fier de ton pays, engagé dans les problèmes de ton pays. Tu donnes ta vie à ton pays. C’est un bon sentiment. Je suis contre les films communautaires. Je suis contre les films qui insultent une religion ou une communauté particulière. Ça n’est pas bien. Mais les films qui mettent en avant ton propre pays, la fierté d’être Indien, ça doit nous rendre heureux… Tu ne l’es pas ?

Eulika : Je le suis… Mais je le serais d’autant plus s’il y avait des films où les Indiens et les Pakistanais étaient égaux.

Vivek : Oui, mais… Dis-moi. Si nous faisions des films sur les séparatistes basques et les Espagnols… Un film où les Espagnols donneraient la main aux séparatistes basques et où ils danseraient dans les champs, tu penses que ce serait un film réaliste ? Sophie, tu devrais devenir réalisatrice et faire de tels films ! Parce que ça n’est pas bon de faire des films qui ne dépeignent pas la réalité. Si on montre un problème entre l’Inde et le Pakistan, c’était en 1947. Oui, il y avait alors un problème. C’était la Partition. Des Pakistanais ont massacré des Indiens, des Indiens ont massacré des Pakistanais. Ce n’était pas une bonne chose. Je ne dirais pas « oui, c’est bien, massacrer des gens au couteau »…. Mais c’est arrivé et c’est une réalité.

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photo : Kendall

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