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Lamhaa

Traduction : Un moment

Bande originale

Madno Re
Main Kaun Hoon
Rehmat Zara
Sajnaa
Salaam Zindagi

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La critique de Fantastikindia

Par Madhurifan - le 12 octobre 2010

Note :
(6/10)

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Dès le générique, le ton est donné par un rappel des circonstances politiques qui ont abouti à la situation actuelle du Cachemire. Ceux qui veulent en savoir plus sur ce sujet peuvent consulter l’article, un peu ancien mais très clair, de la Documentation Française. Le film de Rahul Dholakia (réalisateur d’un intéressant Parzania qui lui a valu un National Film Award), même si c’est une fiction, s’inscrit donc dans un contexte tout ce qu’il y a de plus réél.

L’histoire est celle de Vikram Sabharwal (Sanjay Dutt), un agent spécial militaire envoyé au Cachemire pour découvrir ce qui se trame derrière des attentats. Il va être plongé dans des péripéties à mi-chemin entre le film d’espionnage et le thriller. Sur sa route, il croisera Aziza Abbas Ansari (Bipasha Basu), fille d’un héros kashmiri assassiné que Haji Sayyed Shah (Anupam Kher), l’ami de son père, a adoptée après la mort de celui-ci dans un attentat. Il croisera également Aatif Hussain (Kunal Kapoor), jeune homme politique pacifiste et amoureux d’Aziza.

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c’est la beauté du Cachemire. L’écran se fait oublier au profit des magnifiques paysages à la fois sauvages et habités, des grands lacs parcourus de pirogues qui dégagent un calme à mille lieues de la violence ambiante. Une belle pub d’office du tourisme. On peut prédire un bel avenir touristique au Cachemire une fois que la paix y sera revenue. Passées ces considérations à la mode "Lonely planet", ceux qui ont vu Mission Kashmir ne pourront pas s’empêcher d’y penser. Probablement la présence de Sanjay Dutt en héros hiératique et rempart pour son pays. Mais c’est à peu près la seule chose, avec les lieux de tournage, qui lie les deux films. L’opposition avec Hrithik Roshan qui donnait toute l’intensité au film de Vidhu Vinod Chopra laisse la place à une enquête tout à fait traditionnelle. La psychologie des personnages est assez superficielle, prévisible et surtout franchement manichéenne.

Cela n’a pas vraiment d’importance car Lamhaa se regarde comme un film d’action. Un thriller militaire à la sauce indienne. On suit avec intérêt l’enquête de Vikram et les scènes d’action, avec peu d’effets spéciaux et des séquences choc assez réalistes, valent bien celles d’Hollywood. Le réalisateur maintient la tension et l’intérêt en lâchant la vérité comme le Petit Poucet sème ses cailloux. Et le spectateur marche de bon cœur.

Lamhaa, c’est d’abord une ambiance mise en œuvre sous diverses formes. Techniquement, au moyen d’artifices somme toute assez courants : caméra à l’épaule, zooms et panoramiques, téléobjectifs intrusifs. On a souvent le sentiment d’être dans l’action, comme en caméra cachée dans un reportage de guerre. Un bon point pour Rahul Dholakia.

A l’appui de cette recherche du réalisme dans l’action, il y a un réel travail sur la couleur. Le film se passe principalement en automne/hiver, comme s’il y avait de la fin de cycle dans l’air. Le temps est donc souvent couvert, avec des couleurs automnales et hivernales. C’est particulièrement flagrant dans les chansons, à base de brun, vert foncé et rouge. Les images des combats sont, quant à elles, traitées dans une tonalité bicolore, presque en noir et blanc. Le résultat est vraiment réussi, à la fois esthétique et naturel.

Lamhaa offre quelques belles mélodies plutôt simples et reposantes et même parfois poignantes, souvent à base de guitare folk. Certaines se rapprochent plus de Simon et Garfunkel que de Madan Mohan et c’est un peu dommage car cela crée parfois un décalage avec l’image, sans références à l’Occident. Mais c’est très supportable et agréable.
En complément de la musique, la bande son, de façon générale, semble avoir aussi été considérée comme un élément d’ambiance important. Le film baigne dans un climat sonore qui renforce son réalisme. Il y a peu de moments de vrai silence et les bruits de la vie ou la musique ne sont jamais loin.

Pour résumer, Lamhaa est un film dans lequel la technique est utilisée pas uniquement parce qu’elle est nécessaire mais comme un véritable composant et renfort à l’histoire. Ce qui ne l’empêche pas de rester discrète.

On ne peut pas parler de ce film sans évoquer ses quatre acteurs principaux.

Sanjay nous fait le numéro du baroudeur intrépide sans peur et sans reproche et au cœur généreux qui lui va comme un gant. Un bon jeu, comme toujours avec lui, mais assez banal en fait.

La suprise vient d’Anupam Kher. Ces derniers temps, on avait l’impression qu’il ronronnait dans les rôles de père plus ou moins excentrique qui sont devenus sa spécialité. Avec Lamhaa, le voici de retour dans un registre beaucoup moins consensuel et beaucoup plus sérieux, voire pathétique. Il compose un personnage au caractère plutôt complexe dont on se demande si c’est un illuminé, un opportuniste, un machiavel ou un mélange de tout ça. En tous cas il ne faut pas le rater, affublé d’un barbe tellement géante et à l’aspect tellement artificiel qu’on a l’impression qu’il a éternué en mangeant une barbe à papa. Mais c’est un plaisir de le voir de retour dans un rôle un peu consistant.

Kunal Kapoor, en jeune homme politique vertueux et pacifiste ne manque pas de charme. Ce qui lui manque, c’est plutôt le charisme ou, plus exactement, la présence. Autant il peut être crédible dans les scènes à deux ou trois, autant il ne l’est plus lorsqu’il s’adresse à la foule. Il manque clairement de souffle et de puissance, ce qui fait qu’on a du mal à l’imaginer en leader soulevant les masses.

Reste Bipasha Basu. Alors là, autant le dire, avoir osé couvrir Bips avec une burqa, c’est un peu comme avoir mis de la limonade dans une flûte de Bollinger Grande Année 99. Quel gâchis ! Certes, ses yeux sont toujours aussi ravageurs mais de la voir s’agiter dans son drap fait bien de la peine. Ce qui n’empêche pas que le spectacle de ses sauts de cabri de toit en toit sans s’empêtrer dans tout ce tissu n’en reste pas moins amusant. En fin de compte, avec cet accoutrement qui lui sert à se cacher en plein jour (elle fait partie d’un commando de femmes vengeresses), elle fait irrésistiblement penser à un Zorro féminin.

On l’a déjà constaté, Bips est capable du meilleur (Corporate) comme du pire (heu.. la liste est un peu longue). Ici, elle campe un personnage à la fois naïf et douloureux et elle réussit bien à balancer entre ces deux sentiments. Manifestement, le réalisateur et le scénariste ont voulu rendre son personnage sympathique. Et il l’est d’autant plus facilement qu’on imagine sans peine la difficulté de grandir dans un pays en guerre constante depuis des années. Dans l’état de la filmographie de Bipasha, Lamhaa est à classer dans les bons crus, même si ce n’est pas encore son chef-d’oeuvre.

Au final, Lamhaa constitue un spectacle de qualité. Certes il ne va pas révolutionner le paysage de Bollywood et sa technique, pour efficace et travaillée qu’elle soit, n’est pas d’une extrême originalité. Mais on ne s’ennuie pas et, de ce côté-là, Rahul Dholakia réussit son pari. Je trouve quand même dommage qu’il ne se soit pas donné la peine d’enrichir un peu son discours et la psychologie de ses protagonistes. Il y avait clairement de la matière avec ces personnages entraînés dans le tourbillon de la violence. Peu de temps avant Lamhaa est sorti Raajneeti. Dans les deux films, les personnages évoluent au milieu de la politique et de la violence qui va avec. Mais là où Raajneeti met en avant les liens complexes entre les héros, Lamhaa se contente de les faire évoluer uniquement au service d’une enquête. Un Lamhaa avec l’approche de Prakash Jha aurait sans doute donné un film remarquable.

Rahul Dholakia est un cinéaste qui mérite en tout cas qu’on le suive de près. Il n’est pas exclu qu’il nous procure une belle surprise un de ces jours.

Un conseil pour finir : regardez le film jusqu’au bout car le générique de fin offre quelques plans intéressants du tournage.


Note : 6/10 - A voir. Bon film. On ne s’ennuie pas.


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