Par Gorkita - le 25 février 2006

Naseeruddin Shah fait partie de ces acteurs qui semblent ne pas être reconnus à la hauteur de leur talent (avec les Om Puri, Paresh Rawal et autres Nana Patekar). Les "éternels seconds couteaux", dont le visage est connu du fait de leur hyper-productivité, mais dont le nom n’est que rarement en haut de l’affiche. Que cette impression des années 2000 ne fasse pas oublier que Naseeruddin est tout simplement l’un des meilleurs acteurs vivants du cinéma indien, et qu’il a été l’une des têtes d’affiche des années 80, dans l’industrie "Bollywood" mais aussi dans le cinéma d’auteur.

Né en 1950 à Delhi, il fait ses études à la National School of Drama puis au Film and Television Institute of India de Pune.
Il est tout d’abord découvert par Shyam Benegal, qui le fait débuter au milieu des années 70 dans des films tels que Nishant, Manthan et Bhumika. Mais c’est en 1980 avec Albert Pinto Ko Gussa Kyon Aata Hai de Saeed Mirza que Nasseeruddin se fait vraiment remarquer et devient une des icônes de la nouvelle vague du cinéma indien ("New Indian Cinema"), aux côtés de Shabana Azmi ou Om Puri, ce qui lui apporte l’estime des critiques. Il tourne aussi dans de nombreux films qui le rendent populaires auprès du public, tels que Mandi, Jaane Bhi Do Yaaron, ou Mohan Joshi Hazir Ho.
Naseeruddin Shah a souvent été dirigé par Ketan Mehta (bien avant Mangal Pandey), par exemple dans Holi avec Ashutosh Gowariker et Aamir Khan ou dans Bhavni Bhavai, un "conte populaire" diffusé lors de la rétrospective du Centre Pompidou).

Depuis maintenant 30 ans Naseeruddin Shah est un acteur omniprésent dans le cinéma indien avec près de 150 films à son actif. Il collectionne pas moins de dix awards : il commence par un National Award en 79 pour Sparsh, il enchaîne avec les Filmfare Awards du meilleur acteur en 80 pour Aakrosh, en 81 pour Chakra, en 83 pour Masoom. Pour Paar en 84, il reçoit un National Award, et un autre du Festival de Venise. Ce grand monsieur est également récompensé par deux des plus hautes distinctions de la société indienne, le "Padma Bhushan" et le "Padma Shri", et a vu sa carrière couronnée, à 54 ans, par un award pour sa contribution au cinéma indien en 2004 lors du 7ème Festival International du Film de Bombay.

Mais son talent ne se limite pas au cinéma indien. Comme certains autres grands acteurs, il joue également sur les planches. Il a même créé il y a près de 20 ans, avec son épouse Ratna Pathak, sa propre compagnie théâtrale, Motley, dont sa fille Heeba fait aussi partie. Au théâtre, il fait de la mise en scène.
En Occident non plus son talent ne passe pas inaperçu et on l’a ainsi vu au fil des ans dans plusieurs films américains ou anglais comme Le Mariage des Moussons, The tragedy of Hamlet dirigée par Peter Brook, La Ligue des Gentlemen extraordinaires ou The perfect murder dans le rôle de l’inspecteur Ghote, le personnage de H.R.F. Keating.

Une caractéristique déterminante de la carrière de Shah est l’éclectisme, il joue aussi bien dans des films d’auteur que des films populaires, en hindi ou en gujarâtî, dans des comédies ou des drames, des productions indiennes ou internationales. Toujours avec le même charisme et la même discrétion.

A l’affiche dans 3 Deewarein, dans lequel sa performance dans le rôle d’un taulard a contribué au succès critique du film, ou encore dans la peau d’un ivrogne dans Iqbal, d’un maître de musique manipulateur dans Sarfarosh, Naseeruddin Shah reste un acteur majeur du cinéma indien, au talent parfois sous-exploité.

L’acteur se lance dans la réalisation en 2006 avec (Yun Hota To Kya Hota), mais le film reçoit un accueil mitigé, et passe quasiment inaperçu. En 2006 toujours, après avoir joué dans Maqbool trois ans auparavant (d’après Macbeth), Naseeruddin participe à une nouvelle adaptation d’un classique de Shakespeare : Omkara, un grand succès médiatique et critique tiré d’Othello.

En 2007, l’acteur semble se consacrer au cinéma indépendant, avec le très sombre Parzania, sur les émeutes de 2002 au Gujarat, Amal, un film canadien contant la fable d’un chauffeur de taxi à New Delhi. Enfin il joue pour la toute première fois de sa carrière dans un long-métrage pakistanais, Khuda Ke Liye, qui suit l’itinéraire de deux jeunes frères pakistanais entre les États-Unis et le Pakistan après les attentats du 11 septembre. Son rôle d’avocat qui pousse dans leurs retranchements les imams intégristes en s’appuyant sur le Coran, est remarquable, et formidablement porté par l’acteur.

En 2008, Naseeruddin Shah reste fidèle à lui-même, choisissant des films atypiques, avec notamment Jaane Tu Ya Jaane Na, qui est une des plus jolies surprises de 2008, où il joue un rôle de portrait vivant aussi drôle qu’original. On le retrouve en 2009 dans des films indépendants comme Barah Aana avec Vijay Raaz, et Firaaq de Nandita Das.

En 2010, il reste toujours hors des sentiers battus avec notamment Ishqiya, où il partage la vedette avec Vidya Balan et Arshad Warsi, Raajneeti de Prakash Jha avec Ajay Devgan, Nana Patekar et Ranbir Kapoor, et le thriller Red Alert avec Sunil Shetty sur une organisation terroriste. En 2011, il reste fidèle aux films "auteurisants" avec 7 Khoon Maaf de Vishal Bharadwaj et That Girl in Yellow Boots d’Anurag Kashyap. Il retrouve également Vidya Balan dans The Dirty Picture de Milan Luthria, qui connaît un beau succès-surprise.