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Veyil

Traduction : Plein soleil

Bande originale

Urugudhe Maragudhe
Ooran Thotathhilae
Iraivanai
Chetavadam
Veyilodu Vilaiyadi

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Kendra - le 17 février 2008

Note :
(10/10)

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Images passées au filtre rouge, bruits de la pluie battante, environnement inquiétant… les premières minutes de Veyil déstabilisent et font mentir le titre lumineux bien prometteur du film (veyil peut se traduire par « soleil »)… A ce moment, l’on se souvient d’une phrase de la bande annonce « one man blessed, the other one cursed » (un homme béni, l’autre maudit) et notre curiosité est piquée.

Deux frères grandissent dans la région aride de Madurai, entre l’école, la vente du sang de chèvre fourni par leur père boucher et les jeux simples avec leur bande d’amis… L’aîné, Murugesan, cultive en plus une passion dévorante pour le cinéma, surtout pour les films de MGR.
Les enfants, très complices, vivent entourés d’une mère accablée de travail, d’un père sévère et strict, et de leurs camarades, eux aussi étouffés autant par leur quotidien que par la chaleur. Un jour où Murugesan fait l’école buissonnière pour aller au cinéma dans des volutes de fumée, son père le surprend et le corrige sévèrement devant tout le village. Incapable de supporter l’humiliation, Murugesan décide de s’enfuir en emportant argent et bijoux de famille.
D’errances en déceptions, son salut viendra du cinéma, et d’un projectionniste qui le prendra sous son aile, lui offrant un toit et un travail.
Dans cette première partie du film, le cinéma est l’élément fédérateur, le lieu qui relie les personnages les uns aux autres. Il devient tour à tour refuge, maison, famille, témoin de l’amour ; et l’on entrevoit la place prépondérante de ce médium dans la vie de cette population, qui représente le moment de détente, le lien social, la culture commune. Lorsque l’univers de Murugesan tombe en ruine, suivi de près par le cinéma, il ne lui reste qu’à retourner sur les lieux de son enfance.

Produit par Shankar, réalisateur de talent, mais également producteur intuitif (notamment avec Kadhal et Imsai Arasan 23am Pulikesi, deux gros succès), Veyil est réalisé par Vasantha Balan, qui après un flop avec son premier opus Album (2002), prouve ici qu’il sait superbement diriger une équipe.
Veyil bénéficie en premier lieu d’un scénario très bien écrit, intéressant et émouvant. Balan lui même avoue qu’il s’inspire en grande partie de son enfance, de celle de son frère et de certains de ses amis.
Plusieurs thèmes sont abordés ici, de l’importance du cinéma dans cette région du monde à la perte de confiance en soi, en passant par la quête désespérée d’un sens à sa vie. Le cinéma tamoul en général nous aura plus habitués à des histoires d’amitiés, de relations entre parents et enfants, entre époux, mais il est plus rare de baser un film sur l’attachement entre deux frères comme c’est le cas ici.
Veyil ne se contente pas d’être un récit intelligent, c’est aussi un beau film visuellement. La photographie est simplement magnifique, l’image est baignée d’une lumière chaude, envoûtante et oppressante parfois, qui rappelle que l’un des personnages à part entière est le soleil, contrastant fortement avec les intermèdes sombres et violents…violence tout de même assez présente et qui pourrait déranger certains, mais qui contribue à notre empathie pour les personnages.

GV Prakash, qui n’est autre que le neveu du grand A.R. Rahman, à peine âgé de vingt ans, délivre ici sa première bande originale, toute en douceur et qui vient parfaitement s’intégrer à la narration. La première chanson, Veyilodu Vilayadi, qui sert à décrire l’enfance des héros sous le soleil brûlant de cette région, est une pure merveille, tant au niveau de la musique, des paroles, que des images…C’est d’ailleurs grâce à cette chanson que le film a trouvé son titre définitif, selon le réalisateur lui-même. Chaque titre a son importance et sa place, faisant avancer l’histoire ou nous offrant un moment de légèreté des plus agréables.

Evidemment, la réussite de ce film tient en grande partie à l’excellence des acteurs. Tous les personnages sont bien écrits et interprétés, même les seconds rôles nous restent longtemps en mémoire.
Kumar qui interprète ce père dur, froid, simplement détestable, est impeccable, assumant jusqu’au bout ses idées arrêtées sur l’éducation d’un enfant.
Bhavana signe ici son premier grand rôle dans l’industrie tamoule après avoir fait ses débuts dans le cinéma malayalam et s’en sort avec les honneurs dans son portrait de jeune fille timide et réservée. Priyanka dans le rôle de Thangam fait également sa première apparition en tamoul après s’être fait connaître dans des séries télévisées malayalam. Shreya Reddy campe l’amie d’enfance de Murugesan, qu’il retrouve vingt ans plus tard. Superbe et touchante, elle marque les esprits malgré un petit rôle et nous offre l’un des passages les plus émouvants du film, montrant un amour quasi maternel à Murugesan.

Bharath prouve qu’avec chaque film, il mûrit un peu plus et développe son jeu. On avait déjà envie de le suivre après des films comme Kadhal ou Pattiyal , mais en ayant vu Veyil, on peut être persuadé de sa future grande carrière. A ses talents d’acteur, s’ajoute un véritable don de danseur. En Kathir, oscillant entre le jeune macho et l’enfant profondément blessé par la perte de son frère, il prend progressivement de l’épaisseur.
Mais les éloges doivent avant tout aller à Pasupathy qui explose littéralement dans Veyil. Tout passe par le regard : les difficultés, la nostalgie du bonheur perdu, les drames de cet homme qui, au fond, est resté un enfant désireux de se faire accepter et aimer, par son père avant tout et par sa famille en général, lui qui se sent totalement inutile, dans chaque aspect de sa vie… Sa quête de reconnaissance le mènera à des extrêmes salvateurs.
Ayant fait ses armes sur les planches de théâtre, Pasupathy a commencé sa carrière au cinéma comme le méchant attitré (Dhool, Virumandi , Thirupachi…) puis a pris un tournant comique avec Mumbai Express ou encore Maja, avant de se voir offrir un premier rôle lui permettant d’exprimer tout son talent. Cette évolution rappelle quelque peu celle de la Superstar Rajnikant, qui avant de devenir le héros de toute une région, était l’un de ses méchants les plus détestables. Souhaitons à Pasupathy la même destinée !

Veyil prouve que Kollywood est capable de produire de véritables petits bijoux, qui non seulement plaisent aux cinéphiles tamouls… mais peuvent intéresser et toucher un public international. C’est peut-être cette universalité du thème abordé qui a permis au film d’être sélectionné à Cannes, dans la catégorie « Tous les cinémas du monde », une première pour un film tamoul. Après la reconnaissance cannoise, le film a été selectionné en compétition officielle au festival de Shanghaï, et a gagné deux South Indian Filmfare awards du meilleur film et meilleur réalisateur.

Passer à côté de Veyil serait passer à côté du meilleur film que l’industrie tamoule nous ait offert en 2006, ce serait se priver d’une magnifique histoire et de l’occasion de voir naître sous nos yeux deux grands acteurs.

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