Jab Tak Hai Jaan
Traduction : Jusqu’à mon dernier souffle
Année | 2012 |
Langue | Hindi |
Genre | Mélodrame / Romance |
Réalisateur | Yash Chopra |
Dir. Photo | Anil Mehta |
Scénaristes | Aditya Chopra, Devika Bhagat |
Acteurs | Shah Rukh Khan, Anupam Kher, Katrina Kaif, Rishi Kapoor, Anushka Sharma, Neetu Singh, Sharib Hasmi |
Dir. Musical | A. R. Rahman |
Paroliers | Gulzar, Aditya Chopra |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Mohit Chauhan, Neeti Mohan, Shah Rukh Khan, Rabbi Shergill, Javed Ali, Harshdeep Kaur, Shilpa Rao, Shakthishree, Raghav Mathur, Sofia Ashraf |
Chorégraphe | Vaibhavi Merchant |
Producteur | Aditya Chopra |
Durée | 175 mn |
La pétillante Akira Rai (Anushka Sharma) est une jeune apprentie journaliste venue au Ladakh pour essayer de décrocher un contrat avec la chaîne de documentaires Discovery Channel. Elle a fait un de ses paris idiots qui ont encore un sens quand on a 21 ans : celui de plonger la tête la première dans un lac. L’eau est glacée et elle se serait noyée sans l’intervention miraculeuse du Major Samar Anand (Shah Rukh Khan), démineur dans l’armée indienne. C’est un homme taciturne de 38 ans, qui méprise volontairement les précautions lors du maniement des explosifs, ce qui lui vaut les surnoms de "trompe-la-mort" ou de "celui-qui-ne-peut-pas-mourir".
Samar la ramène sur la berge, lui donne un thé chaud et la laisse en plan sans un mot. Elle se retrouve seule, emmitouflée dans une des ses vestes militaires. Dans une poche, Akira tombe sur un petit carnet. L’histoire qu’elle y découvre est celle de la rencontre, dix ans plus tôt à Londres, de Samar et de Meera Thapar (Katrina Kaif). A l’époque, Samar courait les petits boulots et chantait sa joie de vivre dans les rues pour quelques pièces. Meera venait de finir des études brillantes et s’apprêtait à prendre la succession de son père à la tête d’une importante entreprise de distribution.
Un soir où Samar déblayait la neige devant une église pour 4£ de l’heure, il aperçoit Meera se précipiter à l’intérieur. Il la surprend au pied de l’autel en train de faire une prière en forme de marché : elle n’épouse pas Roger, le jeune homme qui lui est destiné, et en échange, elle renonce aux fourrures qu’elle aime tant…
Dévoiler plus avant cette histoire d’Aditya Chopra ne serait pas rendre justice au dernier film de son père Yash Chopra. Car si c’est une fois de plus dans la carrière de ces deux hommes, une histoire d’amour éternelle et intemporelle, son déroulement et au final la multitude de détails qui la composent participent du grand plaisir à suivre ces trois personnages à Londres, au Ladakh et au Cachemire. Et alors même que le récit est linéaire et sans détours, son souffle nous emporte près de trois heures durant sans qu’on voit le temps passer.
Jusqu’à Mon Dernier Souffle ne présente pas un triangle amoureux traditionnel, mais une figure assez récurrente dans les œuvres des Chopra. A l’image de Veer-Zaara , il nous donne à voir un couple que le destin rapproche irrémédiablement, mais aussi qui le sépare cruellement. Le troisième personnage Akira, comme Nisha dans Dil To Pagal Hai ou Preeti dans Dilwale Dulhania Le Jayenge, ne peut pas lutter ni même s’immiscer dans l’histoire de Samar et Meera. Cela n’en fait pas pour autant un personnage secondaire. C’est elle qui révèle les non-dits et provoque le dénouement. C’est aussi elle qui apporte de la légèreté et de la joie de vivre dans un univers par instants mortifère.
En forme de clin d’œil à son réalisateur de 80 ans, Samar dit à un moment : " C’est étonnant comme la ville (Londres) rajeunit à mesure qu’on avance en âge.". Car le ton de Jusqu’à Mon Dernier Souffle est résolument contemporain, à l’image d’Akira, qui du haut de ses 21 ans poursuit allègrement et ouvertement Samar de ses assiduités ; ou Meera qui embrasse Samar avant qu’ils se retrouvent pour la nuit dans sa belle chambre mansardée. Et si le film ne dépasse pas bien sûr les limites de la convenance, il installe pourtant la modernité au cœur même du drame.
Ce ne sont donc pas comme dans les films de l’âge d’or du cinéma indien, les conventions, la tradition ou les familles qui séparent les amoureux. Il s’agit de la crainte intemporelle et universelle de Dieu (ici Jésus). Au premier abord déconcertant pour un spectateur qui vit dans un pays où la religion est sur le déclin, le comportement de Meera résonne étonnamment en écho aux grands drames occidentaux chrétiens. Il le fait heureusement avec légèreté, sans tomber dans une bigoterie prosélyte qui aurait pu être rebutante.
Meera est en réalité le personnage central du film. Comme Zaara, Pooja ou Chandni, c’est une héroïne typique du cinéma de Yash Chopra. C’est vers elle que tous les regards convergent, et qui décide seule du dénouement. Samar se trouve emporté par les choix de Meera. On retrouve ici un Shah Rukh Khan en retrait par rapport à des personnages féminins forts, comme cela avait été le cas dans ses plus grands rôles romantiques, de Kuch Kuch Hota Hai à Kabhi Kushi Kabhie Gham en passant par Dil Se…. Mais il n’endosse pas une nième fois ses rôles de Rahul ou de Raj. Il est léger et insouciant dans la première partie, parfois dur et cynique dans la seconde, tout en interprétant les deux époques avec retenue. Cela le rend particulièrement touchant et compense en grande partie le fait qu’il ait parfois du mal à jouer à 47 ans un personnage de 28.
Anushka Sharma, au contraire, a tout à fait l’âge et le physique du personnage exubérant qu’est Akira. Ses émois de jeunesse pour ce vieux bourru de commandant Anand sont tout à fait charmants. Son ambition dévorante, son œil qui brille et son sourire éclatant font vraiment plaisir à voir. Ils offrent un contrepoint formidable à la tristesse de Meera. Elle sait être aussi émouvante et ses larmes nous rappellent celles de Nisha dans Dil To Pagal Hai .
En étant centré exclusivement sur trois personnages, Jusqu’à Mon Dernier Souffle ne laisse que très peu de place aux second rôles. Rishi Kapoor et son épouse Neetu Singh font pourtant une apparition remarquable dans les rôles d’Imran et Pooja, les vieux amants adorables. Quant à Anupam Kher dans le rôle du père de Meera, il n’est présent à l’écran que quelques secondes.
Katrina Kaif interprète une Meera qui nous montre une palette de facettes et d’émotions impressionnante. Elle est tour à tour une jeune fille sage, une jeune femme délurée, une amoureuse transie, jusqu’à presque une veuve. Elle parvient à nous surprendre et nous émouvoir comme jamais. Dans certains passages, elle a des airs de Liz Taylor jeune qui sont vraiment merveilleux. C’est également une beauté inaccessible avec des côtés de femme fatale comme il n’y en a pas aujourd’hui dans le cinéma indien. Elle irradie complètement l’écran dans la chanson Ishq Shava, et plus encore dans ce qui s’apparente à un formidable dance-battle juste avant. Shah Rukh Khan est en retrait dans ce morceau fantastique, et pour une des rares fois de sa carrière, on ne le voit pas.
Jusqu’à Mon Dernier Souffle comporte cinq morceaux chorégraphiés, quatre d’entre eux étant placés dans la première partie. Ils ont été composés par A.R. Rahman sur des paroles de Gulzar. Leurs mélodies sont également utilisées comme musique de fond. Sans être époustouflantes, les chansons sont très agréables à l’oreille et elles s’intègrent parfaitement au déroulement du film.
Yash Chopra est décédé dans les jours qui ont suivi la fin du tournage, mais ce n’est pas seulement pour lui porter un dernier hommage qu’il faut voir Jusqu’à Mon Dernier Souffle. Il est sous-titré "Une Romance de Yash Chopra" et c’est exactement ce qui nous est donné à voir. Ce n’est pas un drame romantique torturé, mais une histoire d’amour magnifique qui vit dans le cœur du spectateur longtemps après l’avoir vue.
Effectivement Meera est le personnage central mais j’ai regardé et reregardé ce film en me disant que ce film contemporain n’est pas une romance comme les autres films faits par Yash Chopra et son fils .Et c’était bien un homme et non un jeune homme qui devait être opposé à Meera, Shah Rukh a eu raison de ne pas chercher à avoir l’air "jeune" car Meera ne pouvait pas craquer pour un "jeune" mais elle craque pour la figure masculine opposée à celle de son père , l’amant "indien" qui l’a amenée à devoir renoncer à sa mère, elle même condamnée par une promesse ignoble, celle de de plus voir sa fille .Car "l’amour" n’est pas une bonne chose mais une trahison , mis à part l’amour exclusif paternel .Ce n’est pas non plus de l’amour au sens habituel des films indiens mais bien un désir érotique qui est le moteur de Samar :la jeune fille des milieux huppées ne l’attire pas , ne l’intéresse même pas véritablement mais cette "froide résistance" si ,car il la désire pour cela .Et il crée des situations pour que cette résistance tombe, parle dans ce sens et refuse le reste .Elle se laisse "étreindre" , approcher mais résiste de nouveau immédiatement , en opposant la "petite fille" à Samar :ce dont aucun homme ne veut érotiquement voir entre lui et son désir car "c’est débandant" , il deviendrait soit l’ami , soit le père et il le refuse tout net .C’est extrêmement bien joué par Shah Rukh dont en fait c’est le rôle le plus sexuel de sa carrière et nul besoin de sexe montré pour que cela le soit, mais dans le langage du corps et le rapport mis entre eux .Le baiser aurait dû avoir lieu , dans un film occidental, quand il est certain qu’elle veut franchir la ligne après la rencontre avec la mère .Mais c’est aussi cette scène avec les deux hommes en arrière plan , s’amusant ensemble qui cadre Samar de manière claire dans le rôle de l’amant et non du fiancé .C’est d’ailleurs ce qui est montré de leur relation mais aussi la seule qui peut leur permettre d’être ensemble malgré leurs différences sociales, culturelles etc , car c’est cela qui fait que ce n’est pas une histoire d’amour entre deux personnes : il n’y a pas de ponts , de liens entre eux comme c’est le cas quand on n’aime pas seulement d’une manière érotique, donc sexuelle.Ce type de relation d’ailleurs permet de passer outre l’absence de liens .La course de Meera vers lui, cette course folle est bien emblématique de cela et aussi de l’emprise qu’il a sur elle, de ce rapport masculin qui décide de quand et où , lorsqu’il lui montre l’heure et la laisse "essoufflée" dehors …Une passion érotique classique comme nous en avons plein et bien entendu mortifère car c’est bien ainsi en Occident que nous les avons codées et intégrées : l’érotisme et la mort vont de pair .Comme si dans son dernier film Yash Chopra montrait ce qu’une partie de public indien veut aussi maintenant, une histoire linéaire , centrée sur le seul désir des protagonistes , sans véritable histoire personnelle comme Akira , uniquement dans le présent et sur leur destruction , loin de ce que Shah Rukh justement a interprété …Personnage auquel il renonce autant que le réalisateur qui abandonne son style de narration . Akira est effectivement l’avenir et le présent , la relation la plus intéressante car la confrontation entre deux générations d’acteurs qui "jouent" réellement ensemble et qui se disent un mutuel "respect et amour" dans la scène de séparation .Meera ’l’inaccessible" non par rapport à sa relation religieuse, mais par rapport à son incapacité à vivre ce moment présent , tout comme Samar dans son obsession d’un passé heureux qui n’a pas véritablement eu lieu , qui était une parenthèse , ne seront jamais heureux et malgré la demande de mariage conventionnelle finale , ce mariage est tout sauf une promesse de bonheur .Deux individus au milieu d’un pays en guerre seuls , deux souffrances qui s’unissent … C’est aussi sans doute , ce que montre notre cinéma depuis toujours et il n’a jamais été source de bonheur , de joie et de vitalité en montrant cela .. Yash Chopra le sait très bien et son casting est incroyablement judicieux .Barfi et la niaiserie que cela propose comme rapport au monde ,tout cela augure de cette perte d’un cinéma qui était en lien avec une société et proposait "un souffle vital" très éloigné de l’injonction " aime -moi" !