My Name Is Khan
Traduction : Mon nom est Khan
Année | 2010 |
Langues | Hindi, Anglais |
Genre | Comédie dramatique |
Réalisateur | Karan Johar |
Dir. Photo | Ravi K. Chandran |
Scénariste | Shibani Bathija |
Acteurs | Shah Rukh Khan, Kajol, Jimmy Shergill, Arjun Mathur, Tanay Chheda, Arif Zakaria, Zarina Wahab, Navneet Nishan, Soniya Jehan, Parvin Dabbas, Sheetal Menon |
Dir. Musical | Shankar-Ehsaan-Loy |
Parolier | Niranjan Iyengar |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Suraj Jagan, Shankar Mahadevan, Rahat Fateh Ali Khan, Adnan Sami, Richa Sharma, Shafqat Amanat Ali, Rashid Khan, Strings |
Chorégraphe | Farah Khan |
Producteurs | Gauri Khan, Hiroo Yash Johar |
Durée | 162 mn |
Rizvan Khan (Shah Rukh Khan) est atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme qui altère ses relations avec le monde extérieur : impossibilité d’affronter le regard d’autrui, peur panique devant la couleur jaune, sens particulier de la réalité et repères simples comme l’amour, la prière et la tolérance religieuse, des valeurs inculquées par sa mère musulmane. A la mort de celle-ci, il rejoint son frère à San Francisco et rencontre bientôt Mandira (Kajol), coiffeuse, divorcée et mère d’un petit garçon, Sam. Mandira et Rizvan se marient et vivent heureux avec Sam, mais après le 11 septembre 2001, leur vie devient difficile car leur entourage non-indien les assimile aux ennemis des Etats-Unis. Le drame frappe à leur porte, Mandira en rend Rizvan responsable, celui-ci décide alors d’aller rencontrer le président des USA pour lui dire "My name is Khan and I am not a terrorist". Il pense ainsi reconquérir Mandira. Ce long voyage apportera son lot d’aventures et de mésaventures.
Il n’y a pas que les personnes atteintes du syndrome d’Asperger qui aient un sens particulier de la réalité et des repères simples, Karan Johar aussi. Dans La Famille Indienne, il nous embarquait dans une sorte de conte de fées moderne, aux confins du merveilleux. My Name Is Khan se veut réaliste, mais en poussant le volume de l’émotion à fond, et le résultat est à la limite du discordant.
Le film a pourtant des qualités, le discours humaniste est louable, le changement du climat social après ce 11 septembre fatidique, est rendu assez adroitement. Le choix des personnages met en avant l’innocence, celle d’une mère, celle d’un enfant, celle d’un adulte handicapé, autant de sensibilités qui vont se retrouver confrontées à une réalité qui en apparence n’a pas changé, mais dont des pans entiers s’effondrent brutalement, jetant sur des chemins inconnus ces gens ordinaires ou presque.
S’il n’y a pas de clips, pas de danse dans My Name Is Khan, néanmoins la musique est omniprésente et c’est un point fort du film, les qawwali sont splendides, d’une grande douceur (voir l’article de Jordan White sur la musique du film).
On ne peut pas rester insensible à la gaucherie de Rizvan, à la tendresse immense qui habite son personnage, à l’espièglerie puis à la douleur de Mandira. Certaines scènes sont très émouvantes, notamment la rencontre de Rizvan avec Mama Jenny et sa communauté afro-américaine. Le parallèle entre celle-ci et la communauté indienne est intéressant, en revanche la métaphore du naufrage d’une certaine idée de l’Amérique symbolisé par la communauté inondée, est franchement "too much". C’est précisément ce côté "too much" qui dessert le film.
Car l’émotion est bien là dans My Name Is Khan, celle qui surgit des personnages, de leurs interactions, du jeu des acteurs et de la mise en scène de l’ensemble du film. Était-il besoin d’aller chercher les effets dramatiques ? car c’est cela qu’on retient d’une première vision, ce côté un peu tapageur, et c’est dommage car en fait le film vaut mieux que ça. On peut aussi reprocher au scénario certaines facilités, par exemple, avoir fait de Rizvan un vendeur de produits de beauté n’est pas plausible, mais c’est pratique pour qu’il rencontre Mandira qui est coiffeuse.
Venons-en à Kajol et Shah Rukh Khan, qui sont la raison d’être, l’essence même du film. Ils jouent très bien, on est heureux de les voir réunis à l’écran mais le parti pris du handicap de Rizvan est frustrant car il nous prive de l’essentiel : les regards de Shah Rukh Khan. Là où Fanaa avait composé avec la cécité du personnage de Kajol, My Name Is Khan garde le parti pris du handicap et essaie de faire passer l’émotion autrement que par les regards, ce qui n’est pas chose aisée et oblige à forcer le trait dans les situations, les mimiques. A première vue, l’ensemble manque de nuance, de subtilité. Après une deuxième vision, force est de constater que faire passer l’émotion malgré ce manque de regards est un tour de force, et cette composition est pour Shah Rukh Khan une véritable prouesse. Il s’applique à effacer non seulement son regard, mais aussi sa célèbre démarche, ses intonations, sa gestuelle. Pour les fans, c’est à la limite du supportable. Mais il faut saluer sa performance, digne d’une Rani dans Black. Kajol est égale à elle-même, adorable et espiègle dans la première partie du film, elle s’affirme également dans un registre plus dramatique qu’on lui connaissait moins, dans la seconde partie.
Quant aux personnages secondaires, si Jimmy Shergill (le frère) est hélas sous-exploité, le personnage de sa femme est un fil conducteur discret mais attachant.
Pour finir, il est impossible de regarder le film sans penser à Rain Man et Forrest Gump, dont se sont (trop) largement inspirés Karan Johar et Shah Rukh Khan : pour résumer, c’est Rain Man qui joue dans Forrest Gump. Sans la subtilité des relations entre les frères pour le premier, sans la poésie délicate et décalée du second. On aurait aimé un film plus radicalement différent, mais My Name Is Khan apporte quand même une composante qui lui est propre : l’émotion. Là où les films américains nous faisaient sourire, ce film indien nous fait frémir, nous fait pleurer, pas parce que l’histoire est triste, mais parce que l’histoire est belle.
On ne peut donc pas dire que Karan Johar renie ses racines avec ce film, même si My Name Is Khan est ouvertement construit de façon à plaire à un public international. Ce faisant, il prend des risques en Inde en se positionnant sur un créneau peu habitué aux hits, celui des films qui font réfléchir sans chercher à divertir. Arrivera-t-il pour autant à convaincre le public occidental ? Les Américains risquent de ne pas apprécier l’image qui est donnée de leur pays. Les Européens risquent de faire la grimace devant le côté "too much". Mais tous se laisseront peut-être emporter par l’émotion…
Les fans de Bollywood risquent aussi de ne pas y trouver leur compte, s’ils cherchent le côté "conte de fée" de Kabhi Khushi Kabhie Gham et Kuch Kuch Hota Hai. Quant aux fans de Shah Rukh Khan, ce film sera presque pénible pour eux, et ils devront dépasser leur frustration. On a déjà vu, avec Asoka notamment, que lorsqu’il s’écarte trop de son image, ses fans ne le suivent pas forcément.
Cependant le film a fait une excellente première semaine au box-office en Inde (malgré les menaces du Shiv Sena) et outre-mer, battant des records, s’introduisant dans le top 3 des démarrages les plus fulgurants avec Ghajini et 3 Idiots. En Inde il se maintient dans le top 5, aux USA et en Grande-Bretagne il est resté plusieurs semaines dans les meilleurs résultats du box-office. Qu’en sera-t-il en France ? A suivre…
Globalement j’ai aimé le film qui raconte une belle histoire d’amour ou d’amours (amour conjugal, amour filial, amour fraternel, amour de son prochain) grâce à des personnages attachants et remarquablement interprété par SRK et Kajol. Kajol est pétillante de joie, mutine, pleine de vie, bref un beau personnage de femme qui s’assume et qui garde sa joie et sa force en dépit des épreuves (mère célibataire). Ensuite, elle nous fait ressentir toute l’horreur de la perte d’un enfant. Je remercie KJ d’avoir écrit ce beau personnage de femme (dans ses deux facettes, celle d’une femme et celle d’une mère avec le conflit que cela engendre), aux antipodes de ce que le cinéma hindi fait actuellement. SRK est aussi remarquable puisque s’efface complètement pour permettre à Rizwan d’émerger, dans toute sa naïveté, son handicap, etc. Son personnage nous montre une autre vision de la réalité avec parfois une pointe d’humour provenant du décalage entre son propre discours et la réalité. Effectivement le message est naïf de part le parti pris cinématographique : exposer la narration à partir du point de vue de Rizwan, mais elle n’en reste pas moins belle et touchante dans la dimension humaine et humaniste qu’elle apporte au film. En tout cas, elle m’a émue. Par ailleurs, l’aspect naïf est ce qui nous a plu, à l’origine, dans les films indiens pourquoi le renier dans MNIK ? Dès le départ, j’ai aimé dans les films indiens cette dimension naïve et poétique (même dans des films réalistes), ce parti pris de représenter le fantasme, l’impossible, la digression, bref des figures de style narratif qui ont été bannies par la rationalité du cinéma occidental et français en particulier. Donc j’aime que MNIK, de façon différente, reste fidèle à cette caractéristique. En revanche, ce que j’ai moins aimé, c’est quand Kjo sortait de la narration à l’indienne pour aller utiliser une emphase caractéristique du cinéma hollywoodien. Ces moments, surtout lorsqu’il y avait cumul des deux types d’emphase étaient vraiment pesants (too much, diraient les Anglo-saxons). Sur ce point, je suis entièrement d’accord avec ce qu’en dit Maya. Une dernière chose, les comparaisons avec Forrest Gump ou Rain Main m’agacent (je ne vise pas exclusivement ton article Maya, mais certaines de critiques que j’ai pu lire qui ne savent proposer comme appréciation du film que "Forrest Gump bollywoodien"). Ce parti pris narratif ou cinématographique d’adopter le point de vue d’un personnage naïf ou déficient mentalement ou avec une tout autre caractéristique altérant la vision normative d’une société donnée afin de délivrer un message politique ou une satire sociale n’est pas exclusif de ces deux films-là et n’est pas nouveau non plus, c’est même très ancien (Don Quichotte, pour ne citer qu’un exemple). Il n’y a pas du tout ce type de message dans Rain Main et Forrest Gump déforme un peu une image des Etats-Unis triomphant, mais ne l’égratigne pas trop, malgré tout.