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Nishabd

Traduction : Silence

Bande originale

Rozana
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La critique de Fantastikindia

Par Laurent - le 20 mai 2008

Note :
(7/10)

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Nishabd met en scène la rencontre imprévue entre un fringant sexagénaire, campé par Amitabh Bachchan, et une toute jeune femme de dix-huit ans. Tombant progressivement sous le charme de l’adolescente, notre héros devra cacher sa flamme à son entourage et résister aux avances de la jeune effrontée…

Nishabd est un film à part dans la filmographie pléthorique d’Amitabh. Dès le départ, le scénario que lui propose l’imprévisible Ram Gopal Varma est délicat, puisque c’est plus ou moins une nouvelle version de Lolita de Kubrick, d’après Nabokov. Même si RGV a préféré vieillir la jeune adolescente de l’original, le sujet reste sulfureux pour le public indien, le film ayant d’ailleurs essuyé un échec au box-office. Et pourtant, malgré la désapprobation de sa propre famille, Amitabh a osé se lancer dans ce projet risqué. Et le résultat, s’il est sans surprise d’un point de vue technique (mise en scène discrète mais abus de filtres bleus notamment), est mémorable pour son rôle : un peu comme dans sa romance Baghban quelques années auparavant, qu’il partageait avec une actrice de sa génération, l’imposant acteur retrouve son âme de jeune homme dans les scènes où il tombe amoureux. Mais son rôle dans Nishabd, un film beaucoup moins commercial, est plus fin, et le fait de voir cette star que l’on croyait solide comme un roc fondre d’hésitation devant les charmes de la troublante jeune femme est déstabilisant pour le spectateur. On croit complètement à l’attirance du Big B pour la jeune Jiah Khan, belle à croquer, que l’on reverra si tout va bien dans Ghajini avec Aamir Khan. Comme dans les autres films des années 2000 dans lesquels il tombe amoureux, Amitabh est à mille lieues du cabotinage plaisant de ses comédies, et plus naturel que d’habitude. Grâce à sa spontanéité, certaines scènes, hélas trop rares, prennent même aux tripes comme celle où, au lit avec sa femme, interprétée par la superbe Revathi (ils se retrouvent deux ans après le très mineur Dil Jo Bhi Kahey…), il se réveille en pleine nuit et éclate de rire dans une euphorie nerveuse, comme un gamin immature qui vit son premier amour.

Ce film en demi-teintes est cependant légèrement décevant. Dans le contexte prude du cinéma indien, il est en effet dommage que le cinéaste, connu pour son audace, s’en tienne à des effleurements, des non-dits, et n’aille pas très loin dans l’immoralité, le film restant avant tout un alignement de scènes de séduction avortées qui ne se concrétiseront jamais. Nishabd est donc un film trop sage, qui manque un peu d’indécence malgré la présence magnétique de la jeune actrice. De plus, Ram Gopal Varma préfère adopter finalement un point de vue conservateur et se ranger du côté de l’entourage du protagoniste, qui désapprouve son amitié très particulière avec la jeune fille, même si ces dernières scènes du film sont tout de même l’occasion rare pour le spectateur de culpabiliser en même temps que le vulnérable Amitabh, un comble pour une star qui est le symbole de la virilité bollywoodienne.

C’est également pour le prolifique cinéaste l’occasion d’expérimenter à nouveau dans la romance semi-commerciale après son intéressant Naach avec Abhishek Bachchan en 2004, et de réussir du même coup son meilleur film depuis plusieurs années, nettement plus prenant que la très classique histoire de gangsters de Sarkar, sa première collaboration avec Amitji. Dans Nishabd, on s’identifie comme jamais à l’acteur amoureux, et son coup de foudre est rarement le prétexte à des épanchements lyriques, une relative sobriété auteurisante qui explique peut-être le fiasco au box-office. Si elle n’est pas si subversive que ça, cette œuvre est pourtant marquante dans la longue carrière d’Amitabh, et il ne serait pas étonnant si elle était un jour considérée comme l’un de ses films majeurs des années 2000. Car sa prestation généreuse nous prouve une fois de plus qu’à la soixantaine, il est plus avide de rôles nouveaux que jamais…

La preuve : quelques mois seulement après la sortie du film, Amitabh tombera à nouveau amoureux d’une jeune femme, incarnée par Tabu, dans la pétillante comédie sentimentale Cheeni Kum. Puis il retrouvera la même année le réalisateur de Nishabd pour Ram Gopal Varma Ki Aag, le remake de Sholay, un projet raté mais culotté dans lequel le caméléon Bachchan s’en tirera encore une fois avec les honneurs.

Commentaires
4 commentaires
En réponse à Laurent - le 23/05/2008 à 11:20

Oui, à voir absolument pour les fans d’Amitabh ! Quant au message moral du film, moi je prends souvent de la distance : j’aurais bien sûr préféré un film extrême du style Le Dernier Tango à Mumbai, mais j’apprécie beaucoup le puritanisme bollywoodien, qui nous épargne en général les roulages de pelles en gros plan et autres scènes de sexe (à 99 % de couples qui se rencontrent pour la première fois). C’est pas un pur film d’auteur non plus, donc je m’intéresse pas à l’impact moral sur les gens influençables et je reste férocement géronto ! (heu, de manière plus "mesurée" quand même…).

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noella le 08/04/2011 à 23:04

Ce film n’est pas dans la problématique de Lolita et en cela , il ne peut être "immoral" puisqu’il ne s’agit pas d’une très jeune adolescente avec un homme dans la force de l’âge.L’esthétique était nécessaire pour qu’on y croit car c’est un vieillard qu’ une jeune fille impudique séduit, dont le visage reste ainsi séduisant,même si les yeux voilés de la vieillesse restent présents..Et c’est ce qui est difficile à crédibiliser:une telle provocation sexuelle face à un vieillard ? Qu’il y succombe peut se concevoir ,mais qu’elle peut être sa motivation à elle ?Dans le simple jeu d’échange d’oreiller, il n’a même pas l’énergie de cet échange, alors pour le reste …d’autant plus que c’est un photographe , un contemplatif ..il n’incarne aucune symbolique "libidinale" telle que le pouvoir politique ou autre , qui sont des motivations dépassant l’âge…En cela c’est "auteurisant" gratuitement.. Le jeu de l’actrice, ce côté petite peste jouant avec le feu aurait été équilibré avec un acteur masculin comme Shah Rukh Khan, en âge d’être son père, ou Aamir Khan ..Mais là dans le cas présent , ce n’est pas une question de morale, ce serait pathétique pour l’homme d’oublier comme dit la chanson qu’il est en hiver alors qu’elle est au printemps.
L’image bleue hivernale du côté de l’homme n’empêche pas de voir que cette jeune fille fait fondre tout ce qui l’entoure, tellement elle est de feu .Je comprends que Amitabh Bachchan ait accepté le rôle , car c’est un très beau rôle sur la sexualité ou le désir d’un homme âgé… la jeune fille révèle les deux .. ou réveille les deux ..mais les deux étaient en sommeil et le redeviennent parce que le piège est d’associer la sexualité avec la seule jeunesse et en cela , ce film reste très conventionnel .

Maya le 21/05/2008 à 15:17

Touchée !!! J’étais bien décidée à ne jamais voir ce film scandaleusement immoral (si même Bollywood se met à promouvoir la relation forcément coupable* sexagénaire-adolescente, où va-t-on), mais ton article a su toucher la fan d’Amitabh : le voir tomber innocemment amoureux du haut de sa soixantaine, un plaisir à ne pas manquer ;-) d’autant plus que cet aspect n’était pas très exploité dans le joli Cheeni Kum, où le personnage se retranche un peu facilement derrière son air bougon. Je vais donc courir acheter le film, merci Laurent !

J’adoooore : "même si les dernières scènes du film sont tout de même l’occasion rare pour le spectateur de culpabiliser en même temps que le vulnérable Amitabh…"

* J’assume ma position conservatrice : on mesure mal les dégâts que peuvent causer les quadra-quinqua-sexa qui usent de leur savoir-faire pour séduire les ados. C’est de l’abus de pouvoir et c’est rarement aussi innocent que dans ce film. Et si ça peut amuser des ado de jouer avec le feu en "séduisant" de respectables messieurs, elles ne mesurent pas du tout la manipulation dont elles peuvent faire l’objet. Dangereux et malsain.

Laurent le 23/05/2008 à 11:20

Oui, à voir absolument pour les fans d’Amitabh ! Quant au message moral du film, moi je prends souvent de la distance : j’aurais bien sûr préféré un film extrême du style Le Dernier Tango à Mumbai, mais j’apprécie beaucoup le puritanisme bollywoodien, qui nous épargne en général les roulages de pelles en gros plan et autres scènes de sexe (à 99 % de couples qui se rencontrent pour la première fois). C’est pas un pur film d’auteur non plus, donc je m’intéresse pas à l’impact moral sur les gens influençables et je reste férocement géronto ! (heu, de manière plus "mesurée" quand même…).

Vidhan le 20/05/2008 à 21:22

Ce que je reproche à ce film , c’est qu’il n’est pas ce qu’il prétend être c’est plutôt un film assez moralisateur si on comprend ce qui se dit entre les lignes à la fin.
Dans le même thème, je préfère LAMHE qui va jusqu’au bout de son sujet et qui ne fait pas de morale à la fin.
Ici, RGV se contente de nous dire qu’une relation entre un sexagénaire et une jeune bimbo, c’est pas bien car on a rien à y gagner et ça va à l’encontre de la morale. Du coup il rejoint de façon subtile et détournée, toutes les personnes qui ont accusé son film d’être immorale. En fait son film aurait été bien mieux si le réal avait eu le courage de montrer les deux toureraux continuaient leur relations en se moquant du quand dira t’on.
Sinon pour la performance de BIG B , je te rejoinds sur ce point et je susi d’accord avec toi quand tu dis qu’il s’en sort bien ds le film AAG.