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Initiation et voyage au cœur des cinémas indiens

Publié vendredi 24 juin 2016
Dernière modification mercredi 22 juin 2016
Article lu 1605 fois

Par Musidora

Rubrique Littérature
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Lorsque l’on succombe aux cinémas indiens, il n’est pas toujours aisé de trouver des ouvrages complets et en français, afin d’assouvir une passion naissante ou de longue date. Heureusement, certains chercheurs viennent combler ce manque à travers des œuvres, qui deviennent de véritables références.

Titre : Bollywood et les autres : Voyage au cœur du cinéma indien
Auteur  : Ophélie WIEL
Edition  : Buchet-Chastel, 2011, 224 pages
ISBN : 978-2-283-02439-3

Dans Bollywood et les autres : Voyage au cœur du cinéma indien, Ophélie Wiel expose tout d’abord les origines de ce cinéma, dont on ne sait parfois que trop peu d’où il tire toutes ses caractéristiques. Elle en profite également pour mettre en lumière la relation très spéciale et unique qui lie les indiens au cinéma. Les spectateurs se meuvent, sont actifs et font presque corps avec le film projeté. Ainsi, à travers l’initiation engagée ici, le lecteur se doit d’envisager et de penser le 7e art autrement.

Avant même de décrypter précisément le cinéma en Inde, elle consacre plusieurs pages aux nombreuses cinématographies qui enrichissent le pays et accentuent sa diversité. Car oui, il est finalement erroné de parler du cinéma indien. C’est au pluriel qu’il faut le composer. La nuance se révèle importante, puisque c’est souvent en se fiant à l’unique vitrine bollywoodienne que les non-initiés jugent le marché du film indien dans sa globalité.

Ponctués par de multiples photographies, les chapitres abordés permettent de comprendre la production d’un film indien, depuis l’idée de celui-ci jusqu’à sa distribution. Avec sa première thématique, l’auteur nous apprend à en décortiquer les composants, dans le but d’en assimiler les codes et leur fonctionnement. De manière très intéressante, elle évoque par la suite la dualité de l’industrie cinématographique indienne, perpétuellement à la quête d’un équilibre entre deux polarités : tradition et modernité. Comment mettre en scène — sans diffamer — la religion, la politique, la famille, la femme, lorsque l’Inde et ses cinémas rêvent de mondialisation ? L’auteur nous dévoile les différentes stratégies économiques, géopolitiques et cinématographiques mises en œuvre par le pays, pour partir à la conquête du monde.

Cerise sur le gâteau, Ophélie Wiel nous propose également une liste de quinze films à découvrir ou redécouvrir. Du film Les Aventures de Goopy et Bagha de Satyajit Ray, à Dev-D d’Anurag Kashyap, c’est une bien belle sélection qui ne demande qu’à vous séduire.


Titre : Bollywood cinéma et mondialisation
Auteur  : Camille DEPREZ
Edition  : Presses Universitaires du Septentrion, Coll : Arts du spectacle – Images & sons, 2010, 253 pages
ISBN : 978-2-7574-0154-5

Si les questions concernant le processus de création, la réception, ou encore la mondialisation des films indiens vous intéressent, l’œuvre de Camille Deprez saura également contenter votre soif de connaissances. Elle y propose un éclairage des enjeux contemporains du cinéma hindi, à travers le faisceau des industries culturelles. Il est à noter la présence d’un chapitre dédié aux influences et aux liens entretenus par le cinéma et la télévision. Docteure en études cinématographiques et audiovisuelles, Camille Deprez est également une spécialiste du petit écran.

Vous y apprendrez notamment qu’une diversification des formats émerge dans l’audiovisuel indien, permettant d’aborder des sujets plus profonds et ancrés dans la réalité, à l’instar des séries Hum Pardesi Ho Gaye (« Nous sommes devenus des étrangers ») et Sansaar (« Le monde »).


Titre : Bollywood Industrie des Images
Auteur  : Collectif, sous la direction de Monique DAGNAUD et Kristian FEIGELSON
Edition  : Presses Sorbonne Nouvelle, Coll : Théorème n°16, 2012, 207 pages
ISBN : 978-2-87854-584-5

Enfin, le seizième numéro de la revue Théorème réunit le temps d’une édition une quinzaine de chercheurs étrangers et français, spécialistes du cinéma indien. Ensemble, ils mettent en lumière les facultés d’assimilation et d’appropriation de l’industrie bollywoodienne, vis-à-vis des courants culturels internationaux. Par ce processus, le cinéma de Bombay parvient à déployer son activité tout en conservant son essence. C’est ainsi que naît la notion d’un Bollywood globalisé : « Bollyworld ».

Dans l’un de ses chapitres, intitulé « Industries Créatives », un long article de l’anthropologue et directeur de recherche au CNRS, Jackie Assayag, est à consulter. Il y évoque l’acharnement déployé par l’Inde pour entrer et persévérer dans une logique consommatoire à l’occidentale et de la « société du spectacle ». Malgré un ancrage profond des régimes visuels de l’« hindouité », des mutations inspirées de l’Occident sont à observer au sein même de l’imagerie populaire. La publicité, les médias et les fictions assurent la longévité du désir de consommation de biens matériels et culturels, appétence entrant en combinaison directe avec les constructions subjectives des individus.


Souvent pointus et théoriques, ces ouvrages ne sont pourtant pas uniquement destinés aux chercheurs. Ils sont un excellent moyen de découvrir, comprendre et aimer les cinémas indiens !

Commentaires
17 commentaires
En réponse à Mel - le 28/06/2016 à 16:18

Certes, sauf que Karine a peut-être un peu raison car la situation est inverse. Ce sont "Guru Dutt, Satyajit Ray, Shyam Benegal, Anurag Kashyap, Deepa Mehta etc." qui sont ultra-minoritaires (on pourrait discuter pour Guru Dutt, mais c’est bien seul).

Je n’ai pas (encore) lu le livre mais il semble difficile de parler d’une cinématographie en se focalisant sur des films et des genres auxquels le public a été, et est toujours en grande partie indifférent.

Maintenant je reconnais que je lui fait un procès d’intention :)

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Ferdinand LACOUR le 04/08/2016 à 18:22

Les Cinémas De L’Inde fournit et fourmille plein de renseignements, avec quelques erreurs et un manque de photos (certes, il y en a quelques unes, en noir et blanc), mais reste dans l’ensemble un bel ouvrage, au vu du sujet…

Ferdinand LACOUR le 04/08/2016 à 18:07

En 1998, Yves Thoraval publiait chez L’Harmattan, Les Cinémas De L’Inde. Il parcourt dans son livre les multiples facettes régionales du cinéma indien de 1896 à l’an 2000…

Ferdinand LACOUR le 04/08/2016 à 17:57

Ce serait comme si les auteurs indiens ne se contentaient que d’écrire sur François Truffaut, Jean-Luc Godard ou Louis Malle en évoquant le cinéma français (ce qui n’est pas faux), tout en omettant de parler du cinéma de Verneuil, de Deray ou encore de Lautner…

Ferdinand LACOUR le 04/08/2016 à 17:32

C’est la ligne directrice adoptée pratiquement par toutes les éditions françaises sur le cinéma indien. Ils ciblent directement le cinéma de Bombay (Mumbai) et encensent la plupart du temps, le non moins célébre (depuis l’ temps), voire répétitivement,Satyajit Ray et autres consorts…

Ferdinand LACOUR le 04/08/2016 à 16:15

Les auteurs survolent ou ne creusent pas assez. Ils ne partent pas explorer les autres cinémas qui existent, qui peuplent l’Inde, tel que celui du Sud, par exemple !

Ferdinand LACOUR le 04/08/2016 à 16:05

En général, pour faire court, les livres consacrés au cinéma indien, se focalisent d’entrée sur celui du Nord. Il faut reconnaitre que c’est le plus visible et qu’il fait tout pour.

Ferdinand LACOUR le 04/08/2016 à 15:54

Mel, je suis d’accord avec votre commentaire du 1er août

Fabrizio le 25/06/2016 à 21:29

Il y a très longtemps j’ai lu un bel article d’Ophélie Wiel dans le Manières de Voir (le bimestriel du Diplo) sur la diversité du cinéma indien (Bollywood et les indépendants je crois qui’l s’appelait) … Son format (et son prix) était peut-être plus accessible, mais lire cette présentation m’a (re)donné envie de replonger dans le sujet…

Musidora le 27/06/2016 à 08:48

Merci pour cette référence, qui me permettra d’explorer et connaître un peu plus les travaux d’Ophélie Wiel :)

Musidora le 24/06/2016 à 22:03

Je ne me souviens plus de tous les films mentionnés…j’y jette un coup d’oeil dimanche soir et vous dis cela :) Promis !

Karine le 24/06/2016 à 21:26

Il y a des films récents genre avec Shahrukh ou Salman) dans la liste du premier bouquin ? J’ai toujours l’impressions qu’ils font expres de prendre des films qui font un peu intellos.

Musidora le 27/06/2016 à 08:46

Voici les films mentionnés, réalisés et sortis au cours des années 2000 :

 "Mr and Mrs Iyer" & "15 Park Avenue" de Aparna Sen (2002 / bengali et anglais)

 "Munnabhai MBBS" (2003), "Lage Munnabhai" (2006) et "3 Idiots" (2009) de Rajkumar Hirani (hindi)

 "Autograph" de Cheran (2004, tamoul)

 "Harishchandrachi factory" de Paresh Mokashi (2009, marathi)

 "Dev D" (2009), "Black Friday" (2007), "No Smoking" (2007), "Gulaal" (2009), "Udaan" (2010) et "Hazaaron Khwaishein" (2003) de Anurag Kashyap (hindi)

savoy1 le 26/06/2016 à 23:19

Guru Dutt, Satyajit Ray, Shyam Benegal, Anurag Kashyap, Deepa Mehta, une comédie telugu muette, …

Citation : "Il y a des films récents genre avec Shahrukh ou Salman) dans la liste du premier bouquin ? J’ai toujours l’impressions qu’ils font expres de prendre des films qui font un peu intellos." Fin de citation

J’oserai un commentaire. Si je recherche la citation d’un western spaghetti ou d’un giallo, je n’espère pas spécialement en trouver dans un livre sur le cinéma italien. Idem pour un film d’horreur dans un bouquin sur le 7ème art US. Il faut alors se tourner vers des études orientées vers les genres.

Bon, c’est sûr, cette remarque pourrait être un peu faussée concernant le cinéma indien et le genre "bollywood" qui nous semble toujours y être intrinsèquement lié. Oui, mais voilà, on est en France …

Ce qui vient d’être écrit ne remet aucunement en cause l’intérêt du livre de Mme Wiel.

Mel le 28/06/2016 à 16:18

Certes, sauf que Karine a peut-être un peu raison car la situation est inverse. Ce sont "Guru Dutt, Satyajit Ray, Shyam Benegal, Anurag Kashyap, Deepa Mehta etc." qui sont ultra-minoritaires (on pourrait discuter pour Guru Dutt, mais c’est bien seul).

Je n’ai pas (encore) lu le livre mais il semble difficile de parler d’une cinématographie en se focalisant sur des films et des genres auxquels le public a été, et est toujours en grande partie indifférent.

Maintenant je reconnais que je lui fait un procès d’intention :)

Mel le 12/07/2016 à 17:38

J’ai été surpris par le livre d’Ophélie Wiel. Elle commet de nombreuses erreurs factuelles en accréditant une sorte de mythologie de Bollywood ce qui l’amène à des jugements auxquels je ne souscris en général pas.

Par exemple, elle ne se pose pas sérieusement le question de l’origine du cinéma indien. Elle parle bien du temps du muet mais de façon très superficielle. Elle oublie par exemple le fait que le vedettariat a commencé à cette époque et que les stars étaient des femmes (Sulochana, Gohar, Patience Cooper, Zebunissa etc.) loin devant les hommes. Il faut attendre les années 40 pour voir des hommes prendre la relève.

Elle oublie le théâtre, et en particulier le théâtre parsi, qui est en réalité le point de départ du genre Bollywood avec des histoires larger than life dès le XIXe siècle, le masala, les chants et les danses etc.

Elle oublie que les films dont les histoires sont dérivées du Mahabarata sont avant tout des pièces de théâtre adaptées au cinéma. Elle oublie également que les fantaisies orientalistes (Laila Majnu, Shirin Farhad ; Mumtaz Mahal, Ali Baba) ont percé dés le milieu des années 1920 etc.

Musidora le 12/07/2016 à 20:11

Oublie-t-elle réellement ? Ne pourrait-on pas envisager qu’il s’agisse de choix nécessaires, étant donné la grande richesse de l’industrie cinématographique indienne ? La question se pose.

Mel le 01/08/2016 à 01:23

Non je ne crois pas. Elle semble avoir découvert Bollywood avec les rom-com des années 1990 et n’imagine pas qu’il ne s’agisse que d’une des multiples facettes du cinéma de Bombay. Or Bollywood a beaucoup évolué et continue d’ailleurs.

Elle méprise les réalisateurs et les scénaristes de Bollywood ce qui est désagréable à lire. Elle encense un parallel cinema fantasmé et seul Ray trouve grâce à ses yeux (comme il est de bon ton pour une critique française).

Mais bon, il y a quelques jolies photos…