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Diwali : Lumières sur le clash !

Publié samedi 10 novembre 2012
Dernière modification samedi 10 novembre 2012
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Par Mel

Rubrique News
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A quelques jours de Diwali, la fête des lumières, il peut être intéressant de faire le point sur la sortie des deux films qui s’affrontent dorénavant sur le terrain judiciaire : Son of Sardaar de Ashwni Dhir avec et co-produit par Ajay Devgan, et Jusqu’à Mon Dernier Souffle (Jab Tak hai Jaan) de feu Yash Chopra avec Shah Rukh Khan, Katrina Kaif et Anushka Sharma.

Il s’agit de deux productions d’importance qui seront toutes deux sur les écrans le 13 novembre. On parle de 50 crore (1 crore = 10 millions de roupies = 143 000€ aujourd’hui) pour Jusqu’à Mon Dernier Souffle et d’environ 85 crore pour Son of Sardaar. Le budget de production pure de ce dernier est seulement de l’ordre de 30 crore, mais une politique de promotion très agressive a fait monter la facture à une altitude proprement stratosphérique.

Bollywood, c’est avant tout une industrie commerciale où faire de l’argent, et à défaut de ne pas en perdre trop souvent, est primordial. Comme partout dans le monde, le producteur de cinéma retrouve principalement son investissement avec la vente des billets en salle et de celle des droits télé et musicaux. Les états du pays fédéral qu’est l’Inde ont instauré depuis de nombreuses années une taxe sur les billets de cinéma qui peut atteindre 30% du prix de vente. Les revenus nets (Net Collections) qu’on trouve sur Internet donnent ce qui reste après déduction de cette taxe. Pour trouver ce qui va revenir au producteur, il faut ensuite déduire la fraction qui revient à l’exploitant. Cette part est très variable suivant les films, la salle, l’instant de diffusion, les accords commerciaux globaux etc. Un ordre d’idée est que la moitié du revenu net reste dans la poche de l’exploitant, le reste va au producteur.

Et là, on se rend compte immédiatement que Son of Sardaar a un problème : pour rentrer dans ses frais pharaoniques, il lui faudrait, hors cession de droits, un revenu net en salle de l’ordre de 170 crore (2x85). Bien peu de films ont réussi cet exploit dans l’histoire du cinéma hindi. C’était le cas de 3 Idiots ou de Ek Tha Tiger, mais aucun film d’Ajay Devgan n’a même jamais seulement approché de tels sommets. Alors il y a une solution, la vente des droits. Ra One a ainsi pu obtenir le chiffre élevé de 35 crore pour les droits télé, auxquels il a pu ajouter 15 crore de droits musicaux. Seulement Ra One, c’était déjà Shah Rukh Khan… Ajay Devgan serait certainement déjà content si la vente des droits pouvait lui rapporter 25 crore. Il peut cependant compter sur les recettes à l’étranger qui pourraient amener 10 crore dans son escarcelle ; ce qu’à pu déjà à atteindre en 2011 Yamla Pagla Deewana qui réunissait trois Deol dans un film comique sur les sikhs. Résultat : pour ne pas perdre sa chemise, Ajay a besoin que son film atteigne un revenu net d’environ 110 crore ((85-25) x 2-10), ce qu’aucun de ses films n’a jamais réussi à faire.

Comme il y a beaucoup d’inconnues, ce petit calcul est peut-être un peu pessimiste et il est bien possible qu’un revenu net de 100 crore suffise déjà à Son of Sardaar pour être à l’équilibre. Mais même alors, ce serait déjà un exploit car seuls 15 films dans l’histoire du cinéma hindi l’ont déjà fait.

Le facteur clé pour qu’un film accède au nirvana des 100 crore est de toucher le public familial en plus de celui des jeunes urbains. Le premier va plutôt dans les cinémas de quartier à salle unique alors que le second se précipite dans les multiplexes. En conséquence, un film à grand succès doit impérativement être projeté aussi dans les petites salles. Un deuxième critère est évidemment que le public soit disponible pour se déplacer dans les cinémas. Les périodes de fête, comme Diwali ou l’Eid sont particulièrement propices car elles sont fériées. Dans le cas de Diwali qui commence le 13 novembre cette année, 6 jours consécutifs sont fériés.

La controverse commence justement avec la disponibilité des salles de cinéma en cette période de Diwali. Pour les "gros films", les salles sont réservées longtemps à l’avance. Dans le cas de Jusqu’à Mon Dernier Souffle, Yash Rash Films a négocié la disponibilité des salles l’année dernière. Pour lui, il ne s’est pas agi seulement de contrats pour un seul film ; mais de packages complets. Pour amortir les risques, les maisons de production importantes réservent en effet des salles pour plusieurs films à la fois, ce qui présente aussi l’avantage de garantir un espace aux films plus modestes comme Ishaqzaade par exemple. Les exploitants y trouvent aussi leur compte car ces achats groupés permettent de garantir autant que possible leur revenu au cours de l’année, tout en faisant baisser les coûts.

Bref, la négociation, la sélection et la réservation des salles est un métier stratégique pour les maisons de production importantes qui cumulent celui de distributeur comme Yash Raj Films. Et à ce jeu, il est d’autant plus puissant qu’il avait deux films à très fort potentiel à proposer cette année : Ek Tha Tiger et Jusqu’à Mon Dernier Souffle. En face, Ajay Devgn Ffilms n’adopte pas cette stratégie et de toutes façons n’avait à offrir que Bol Bachchan et Son of Sardaar. Le résultat parfaitement logique est que Yash Rash Films a pu obtenir de meilleures conditions de diffusion pour son film. Mais la situation n’est pas catastrophique non plus pour Ajay Devgn Ffilms car Son of Sardaar a pu réserver 1700 salles environ, contre à peu près 2500 pour Jusqu’à Mon Dernier Souffle.

Pour donner quelques points de comparaison, en première semaine d’exploitation, Don 2 est sorti dans 2150 salles, Agneepath dans 2000, Bol Bachchan dans 1700, Ek Tha Tiger dans 1950 et Rowdy Rathore dans 1950 également. A l’évidence, les distributeurs ont logiquement considéré que Jusqu’à Mon Dernier Souffle serait un évènement majeur alors que Son of Sardaar serait juste un film à succès comme il y en aura une dizaine cette année.

Plus grave pour Ajay, les deux films misent en partie sur un public de salles de quartier, et là, Jusqu’à Mon Dernier Souffle s’est taillé la part du singham (lion) des petits cinémas à salle unique. Il y a en Inde environ 1800 de ces salles uniques qui procurent un revenu significatif avec des films en hindi. Pour Diwali, Son of Sardaar en a obtenu environ le tiers ; les deux tiers restants étant réservées pour Jusqu’à Mon Dernier Souffle. Deux tiers, il s’agit justement de la part qu’avait obtenu Bol Bachchan, l’autre film d’Ajay Devgan cette année. Il était alors quasiment seul en première semaine d’exploitation, ce qui montre que même en l’absence de concurrence, il se trouve une part importante des petits exploitants pour ne pas faire une confiance aveugle dans les œuvres comiques d’Ajay.

N’avoir pu réserver que 1700 salles pour Diwali, c’est faible vis-à-vis des enjeux commerciaux, mais ce ne serait pas la Bérézina si elles sont remplies à craquer. Comme Son of Sardaar est déjà tourné ; bien ou mal, nul ne le sait encore ; la seule chose qu’il soit encore possible de faire est de le promouvoir.

Ajay Devgan a subi un revers très important avec le décès de Yash Chopra juste au moment où la promotion des films allait atteindre son rythme de croisière. La presse n’a plus parlé de Jusqu’à Mon Dernier Souffle que comme le film testament d’un grand-maître du cinéma. De Son of Sardaar on ne connaissait alors que sa bande annonce au comique lourd avec des effets spéciaux très médiocres, et les controverses sur les modifications demandées par la communauté Sikh qui s’est sentie insultée par une partie des dialogues. Autant dire que si rien n’était fait, et vite, Ajay allait voir son film sombrer et ses économies fondre.

La première tactique a consisté à faire parler du film. Il s’est alors répandu quotidiennement dans la presse pour dire qu’il refusait de déplacer la date de sortie de son film. Cette technique de victimisation a été plutôt efficace, jusqu’à ce que Yash Raj Films se fende d’un communiqué pour dire qu’ils n’avaient jamais demandé la modification de la date de sortie de Son of Sardaar. Au contraire même, ils lui souhaitent tout le succès possible en cette période de fête et de deuil pour l’équipe du film.

Avant de se noyer dans le ridicule, Ajay a alors décidé de faire parler la poudre : Salman Khan. Il jouait ici sur trois tableaux simultanés : Sallu est adulé en Inde, il est de notoriété publique que c’est l’ancien petit ami de Katrina Kaif, et enfin il en veut à Shah Rukh Khan pour une histoire un peu obscure remontant à plusieurs années. Ni une, ni deux, une chansonnette est bâclée et Salman apparaît aux cotés des acteurs enturbannés de Son of Sardaar dans une chorégraphie qui navigue entre le drôle, le ridicule et le pitoyable. Po Po, c’est le nom de "l’œuvre", fait son petit effet mais rapidement, elle disparaît sous les coups de boutoir des chansons d’A.R. Rahman écrites pour Jusqu’à Mon Dernier Souffle.

Ne pouvant toujours pas lutter sur le terrain artistique, il reste alors la dernière carte, le procès. Les avocats d’Ajay n’ont rien trouvé de mieux que d’attaquer Yash Raj Films pour concurrence déloyale. Cette tentative de faire parler de son film a peut-être été celle de trop. Non seulement la plainte a été cruellement repoussée par l’organisme de contrôle, mais c’est un de ces coups bas que le public pardonne difficilement. Ajay dit maintenant se rapprocher de la commission d’appel, c’est-à-dire que ses avocats travaillent… Mais on peut imaginer qu’il n’ira pas jusqu’à faire effectivement appel de la décision, car il aurait finalement tout à y perdre.

Il reste moins d’une semaine avant d’en avoir le cœur net. La promotion humble de Jusqu’à Mon Dernier Souffle a l’air de porter ses fruits et le film profitera de la plus grande sortie internationale qu’un film hindi ait eut depuis longtemps. Quant à Son of Sardaar, il y a fort à parier qu’il fera très peu d’entrées en dehors de l’Inde.

En ce qui concerne le résultat en Inde même, les premiers chiffres des pré-achats de billets ont l’air très favorables à Jusqu’à Mon Dernier Souffle

Mais ne dit-on pas qu’à toutes choses malheur est bon ? Un crash de Son of Sardaar pourrait nous permettre de revoir plus souvent Kajol faire de la publicité pour de la soupe…

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