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Jolly LLB

Traduction : Jolly, bachelier en droit

Bande originale

Jhooth Boliya
Daru Peeke Nachna
Ajnabi
Hans Ki Chaal
L Lag Gaye
Jhooth Boliya (Remix)
Daru Peeke Nachna (Remix)
Law Lag Gaye

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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 23 juillet 2013

Note :
(6.5/10)

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Jagdish Tyagi (Arshad Warsi), que tout le monde appelle Jolly, est un petit avocat au barreau de Meerut, en Uttar Pradesh. Comme ses collègues, son cabinet n’est qu’une simple table surmontée d’une antique machine à écrire dans la cour attenante au palais de justice. Il prend tout ce qui se présente, mais c’est la crise et les affaires ne sont pas bonnes. Il en est même réduit à enchaîner sa pauvre machine pour éviter qu’on la lui vole. Sa petite amie, la ravissante Sandhya (Amrita Rao), lui fait des mines et son beau-père potentiel n’est vraiment pas enthousiaste à l’idée de l’accueillir dans la famille.

Un de ces jours où rien ne va, il perd un procès, un de plus. À la sortie du tribunal, il est intrigué par la partie adverse entourée d’une nuée de journalistes. Cette gloire médiatique éphémère était due à la nature de la poursuite. Il s’agissait d’un PIL (Public-Interest Litigation, une plainte dans l’intérêt du public) où l’avocat s’érige lui-même en représentant de la société et non d’une victime individuelle. Pour le moment, Jolly décide de partir exercer à New-Delhi, dans l’espoir lointain d’obtenir ce qu’il désire plus que tout, l’argent, la renommée, la respectabilité et bien sûr Sandhya,

Ses débuts dans la capitale ne sont pas plus faciles qu’à Meerut. Mais sa vie change quand il dépose lui aussi un PIL, dans une affaire d’accident de voiture avec délit de fuite qui a laissé six morts sur le trottoir. L’accusé est un riche fils à papa, défendu par un ténor du barreau, Maitre Rajpal (Boman Irani). Jolly se retrouve alors dans le tribunal du juge Tripathi (Saurabh Shukla) pour tenter de faire entendre la voix de la justice…

Jolly LLB pourrait faire penser à un film de prétoire classique, où le petit avocat lutte avec l’énergie du désespoir aux côté des sans-grades, pour faire prévaloir la justice. Il est effectivement inspiré d’une affaire célèbre d’accident avec délit de fuite : l’affaire Sanjeev Nanda qui a défrayé la chronique de 1999 — date de l’accident — à 2008, lorsque l’accusé a finalement été condamné à 5 ans de prison. Mais à la sortie du film, au début de l’année 2013, le spectateur ne peut s’empêcher de penser à Salman Khan, accusé d’avoir écrasé 5 personnes sur un trottoir des faubourgs de Bombay, en septembre 2002.

Les arguments développés par la défense dans le film présentent de nombreux points communs avec ceux qui font les choux gras de la presse aujourd’hui. On en arrive par exemple à mettre en doute le fait que Salman conduisait lui-même le Land-Cruiser. D’ailleurs était-ce bien sa voiture qui a écrasé ces pauvres gens ? Et puis d’abord, que faisaient-ils à dormir sur ce trottoir ? L’exposition de ces démonstrations dans le temps raccourci du film est à la fois choquante et savoureuse. On pense à un Bûcher des Vanités à l’envers. L’humour tragique qui s’en dégage joue à l’évidence au détriment de la défense de Salman Khan, ce que les observateurs n’ont pas manqué de noter.

Mais Subhash Kapoor, pour le troisième film qu’il écrit et réalise, n’a pas cherché à réduire son propos à des turpitudes individuelles, fussent-elles celles de la plus grande vedette de cinéma du moment. D’ailleurs, il montre très peu le riche accusé et ne lui donne jamais la parole. Son propos est l’attaque en règle de tout un système, celui de la justice indienne où les deux parties sont censées être à armes égales. D’inspiration britannique, cette dernière ne peut, à l’évidence, pas fonctionner lorsque la charge de la preuve devient insurmontable, que ce soit à cause de la corruption de la police, ou simplement de la différence de moyens financiers.

Le spectateur se trouve plongé dès le début du film dans cette justice qui ne fonctionne pas. Les avocats « ordinaires » sont montrés à attendre le chaland sur leur lieu de travail : la cour du palais de justice. C’est une sorte de cour des miracles où chacun essaye de s’en sortir. Il s’en trouve même un qui arrondit ses fins de mois avec une double compétence de chiromancien. Des films récents, comme OMG – Oh My God !, nous donnaient un aperçu de la misère de cette profession. Mais en faisant de l’avocat son personnage principal, Jolly LLB va beaucoup plus loin. Il commence par éviter l’écueil de la caricature si fréquente dans le cinéma indien contemporain, où le « bavard » est montré comme un voleur obséquieux qui ne cherche qu’à profiter de son propre client.

Au contraire, Jolly prend son métier à cœur. Certes, son inclinaison naturelle au début du film est plutôt de viser sa propre réussite sociale, mais il sait se ressaisir. À l’inverse, Maitre Rajpal, la vedette des prétoires, l’avocat des puissants prêt à tout pour gagner, sait trouver les mots lorsqu’il finit par réaliser que ses répugnantes tactiques habituelles pourraient ne pas suffire à sauver son client. Les personnages sont plus complexes qu’on pourrait le penser au premier abord, ce qui donne beaucoup de force à la charge politique. Et l’humour omniprésent permet aux auteurs de surmonter les obstacles.

Le principal est celui de la corruption de la police dont le rôle est de faire les constatations et de fournir les preuves. Comme le montre également No One Killed Jessica, elle est asservie à l’argent et aux puissants. Mais ici, Subhash Kapoor a fait de cette soumission une farce truculente. Il a choisi de nous faire rire aux éclats d’un sujet qui prête pourtant à pleurer. En même temps, même les policiers sont ambivalents, à l’image du « garde du corps » de Jolly qui fait de son mieux.

Jolly LLB est un film à petit budget incarné par des acteurs habituellement cantonnés aux seconds rôles. Arshad Warsi, qu’on n’avait plus vu aussi à l’aise depuis Ishqiya, est un Jolly impeccable. Boman Irani joue, quant à lui, un personnage dont il est coutumier. Bien qu’étant tout à fait dans le ton, on ne peut s’empêcher de penser qu’il est un peu éclipsé à la fois par Arshad Warsi, mais surtout par un exceptionnel Saurabh Shukla. Ce personnage minuscule et obèse, aux airs de taupe myope, parvient contre toute attente à dominer les débats, ce qui est justement ce qu’on attend du juge qu’il incarne magistralement.

La construction du film est plaisante, même si elle est assez convenue. Il nous offre également assez de rebondissements inattendus pour soutenir l’intérêt jusqu’au dénouement aussi surprenant qu’émouvant. En parallèle, nous avons droit à des moments comiques percutants, à l’image du cadeau qu’offre Jolly à Sandhya. La partie sentimentale de cette comédie masala est plus faible. A l’évidence, les auteurs n’ont pas voulu la développer pour mieux nous concentrer sur le propos judiciaire. Mais, même si Sandhya est peu présente à l’écran, elle est loin d’être un personnage faible et effacé, au contraire. Amrita Rao interprète à merveille cette femme décidée et moderne dominant un Jolly qui se cherche.

Avec peu de moyens, Subhash Kapoor illustre à merveille la variété actuelle du cinéma de Bombay. Son Jolly LLB est une charge féroce contre le système judiciaire indien. La description qu’il en fait, illustrée quotidiennement par la presse, pourrait désespérer, mais il choisit de nous faire rire.

On finit le film avec le sentiment d’avoir passé un très bon moment. Mais aussi avec un peu de l’arrière-goût de ce fatalisme indien si difficile à appréhender par un spectateur occidental.


Bande-annonce

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