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Not a Love Story


LangueHindi
GenreDrame
Dir. PhotoHarshraj Shroff, M. Ravichandran Thevar
ActeursMahie Gill, Deepak Dobriyal, Zakir Hussain
Dir. MusicalSandeep Chowta
ParoliersShabbir Ahmed, Vayu
ChanteursArijit Singh, Tarannum Mallik, Neha Kakkar, Dharam-Sandeep
ProducteursSunil Bohra, Shailesh R. Singh, Kiran Kumar Koneru
Durée103 mn

Bande originale

Rangeela Re [Not a Love Story]
Who Ek Pal
Jab Se Mein Choti Thi
Rangeela Re - Sad
Jab Se Mein Choti Thi - Sad

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 27 septembre 2012

Note :
(8/10)

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Anusha (Mahie Gill) est une jeune actrice débutante de Chandigarh qui rêve de devenir une star de Bollywood. Elle décide de tenter sa chance à Bombay contre l’avis de Robin (Deepak Dobriyal), son petit ami jaloux et possessif. Seule dans la ville tentaculaire, elle va de casting en séances photo, tout en se constituant peu à peu un petit réseau d’amis. Elle reçoit bien des propositions, mais celles-ci sont malhonnêtes et elle s’y refuse vigoureusement.

Anusha fait alors la connaissance d’Ashish (Ajay Gehi) qui lui offre un rôle dans une nouvelle production. Il est gentil, elle lui plaît. A la suite d’une petite fête bien arrosée célébrant la nouvelle carrière qui s’ouvre à elle, ils se retrouvent dans son appartement pour la nuit. Au petit matin, Robin sonne à la porte…

Les spectateurs indiens connaissent la suite car elle a choqué tout le pays et défrayé la chronique pendant plus de 3 ans. La voici telle que la police l’a établie.

Le 7 mai 2008 à 7 h 30 du matin, Maria/Anusha ouvre la porte de son appartement à Jerome/Robin. Il voit Neeraj/Ashish nu dans le lit et se précipite sur lui. La lutte qui s’ensuit se termine par des coups de couteau mortels. Le jour même, Maria va acheter des sacs en plastique et un hachoir à viande que Jerome utilise pour découper le cadavre en près de 300 morceaux. Tous deux vont ensuite brûler ce qui reste du corps sur un terrain vague à 4 km de là.

Une enquête pour rechercher le disparu est ouverte deux jours plus tard. La police, comme la famille de Neeraj, soupçonnent d’emblée Maria qui est la dernière personne à l’avoir vu vivant. Les investigations efficacement menées sont bouclées en une dizaine de jours après les aveux de Maria puis de Jerome. Ils sont officiellement inculpés le 21 mai 2008. Leur procès qui tire en longueur, débouche en juillet 2011 sur un verdict controversé, un mois avant la sortie du film.

Ram Gopal Varma, RGV ou Ramu comme on le surnomme affectueusement, raconte dans son 17ème film l’histoire véridique du meurtre de Neeraj Grover, cadre chez Adlabs, par Maria Sushairaj et Jerome Mathew. Pourtant, l’affiche contient en petits caractères la notice cryptique suivante : "Ceci est inspiré d’une histoire vraie mais n’est pas basée sur une histoire vraie" (This is inspired from a true story and not based on a true story). Cette subtilité sémantique n’a pas été ajoutée uniquement pour faire face aux procès qui n’ont pas manqué d’être intentés au film et à ses auteurs. Elle exprime surtout le fait que le scénario a présenté les faits indiscutables partout où c’était possible, puis a "rempli les blancs", faisant ainsi œuvre de fiction.

L’objectif premier en réalisant cette histoire est de montrer comment deux individus a priori ordinaires, ont pu sombrer dans l’horreur ; puis une fois le crime commis, comment ils s’effondrent jusqu’aux confins de la folie. Pour cela, RGV a cherché à faire entrer le spectateur dans l’intimité des personnages tout en utilisant autant que possible des éléments réels. L’appartement de Mahie Gill se trouve par exemple dans la tour Dheeraj Solitaire à Malad dans la banlieue de Bombay, où le meurtre a effectivement été commis. Mahie fait les achats du crime à l’Hypercity Mall où Maria s’est procuré le hachoir. Le tournage a été réalisé en 20 jours, soit à peine plus que la durée de l’affaire en elle-même.

Malgré l’étonnante réalité qui s’en dégage, le film n’est à aucun moment sordide ou malsain. Il ne cherche pas non plus à faire du sensationnalisme. Surtout, il ne franchit pas les limites du regardable, même s’il serait certainement interdit aux moins de 12 ans en France. Not a Love Story s’adresse cependant clairement à un public adulte, bien plus à cause de la complexité des sentiments exprimés que des images chocs.

Une des différences majeures avec les autres films basés sur des faits divers comme No One Killed Jessica ou les films de Claude Chabrol par exemple, réside dans cette proximité fascinante du spectateur avec les personnages. Elle est obtenue en partie par l’utilisation d’appareils photo (Canon EOS 5D et même iPhone4) en replacement des caméras de cinéma traditionnelles. Non seulement les coûts de production sont divisés par quatre, mais cette technique rend possible de filmer en lumière naturelle dans les endroits les plus exiguës comme justement l’appartement du crime. Dans certains cas, les appareils photo sont utilisés en "caméra cachée" ce qui permet de saisir la vie de la rue et donne un sentiment extraordinaire de réalité.

Cette manière de tourner ne serait rien sans un important travail sur la photographie, une multitude de plans étranges surprenants et immersifs, ainsi qu’un montage parfois très nerveux. Not a Love Story constitue la première incursion de Ram Gopal Varma dans son propre dogme. Il poursuivra dans cette voie en 2012 avec Department au budget bien plus conséquent. Il n’en reste pas moins que Not a Love Story est un film formellement très ambitieux malgré des moyens très limités.

L’histoire est pourtant très linéaire sans présenter de surprise. Elle se déroule en quatre phases successives : présentation des personnages, crime, enquête, procès. Mais le film n’est à aucun moment ennuyeux et la tension est souvent très forte. Cette réussite est due en grande partie à une performance hors du commun de tous les comédiens. Les deux acteurs principaux Mahie Gill et Deepak Dobriyal sont plus vrais que nature. Les seconds rôles sont tout simplement parfaits, chacun à sa place.

Ram Gopal Varma ne cherche pas à nous faire aimer, plaindre ou haïr ses personnages. On n’éprouve en réalité aucune empathie pour aucun d’entre eux, pas même pour la victime ou ses parents. Il est ainsi difficile de prendre en pitié Anusha lors de son interrogatoire très musclé, ou Robin lorsque les policiers lui assènent la vérité. C’est à un étrange exercice d’équilibriste auquel nous somme conviés car on ne peut s’appuyer sur aucun personnage. Il n’y a ni bon ni méchant, juste des êtres humains, nos semblables. Ce sentiment est d’autant plus dérangeant et inhabituel que le meurtre n’est pas à aucun moment montré comme un accident et qu’il n’y a rien pour l’excuser.

La tentation est grande de considérer que c’est un choix destiné à montrer que le film ne prend pas parti dans le procès qui était encore en cours au moment du tournage. Seulement, en montrant le crime et les faits qui ont suivis, il se place inévitablement en faveur d’Anusha/Maria. Cette décision de bon sens a été suivie par la justice indienne, mais astucieusement, Not a Love Story se termine juste avant le verdict.

La bande son extrêmement travaillée colle totalement aux images et participe grandement du sentiment d’immersion. Si les images ont été enlaidies en utilisant des couleurs très peu saturées par exemple, le son n’a pas été dégradé et on se prend à éprouver un plaisir coupable à l’écouter. C’est encore plus vrai dans les chansons.

Malgré son sujet difficile, Not a Love Story intègre trois belles chansons bien évidemment non chorégraphiée. Jab Se Mein Choti Thi est la chanson douce et triste qui ouvre le film, tandis que Who Ek Pal commence comme une chanson douce et inquiétante pour finir avec une guitare électrique saturée. Enfin, le film contient une version remixée de Rangeela Re d’A.R. Rahman tirée du film Rangeela. Par une mise en abîme caustique, cette chanson sert aussi de sonnerie au téléphone portable d’Anusha.

Not a Love Story est un film à petit budget tourné de main de maître avec un style cinématographique très novateur. Sous prétexte de nous raconter un fait divers affreux, il nous amène à nous interroger sur nous-même et sur le jugement que nous portons sur nos semblables. Mais ce n’est pas une œuvre intellectuelle et glacée, c’est au contraire un film prenant qui ne s’oublie pas et dont on peut sortir ébranlé.

Ram Gopal Varma, le réalisateur le moins conformiste de Bollywood, a certainement signé ici une œuvre importante qui mérite d’être vue.



Bande-annonce

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