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The Last Lear

Traduction : Le dernier Lear

Bande originale

Aji Jhorer Raate

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La critique de Fantastikindia

Par Maya - le 30 septembre 2008

Note :
(4/10)

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Parfois en lisant deux phrases sur un film on imagine tout un univers. J’avais lu que The Last Lear portait sur l’affrontement entre deux visions artistiques : un vieil acteur spécialiste du théâtre de Shakespeare, et un jeune réalisateur de films. D’un côté le texte, de l’autre l’image. D’un côté la performance sur scène, de l’autre les artifices de la mise en scène et du montage… J’imaginais des affrontements retentissants entre le vieux lion et le jeune loup, des dialogues cinglants, une mise en scène du théâtre dans le cinéma. Est-ce que le cinéma en sortirait vaincu ou grandi ?
Oui, j’attendais beaucoup de ce film, mais après tout il a tourné dans de prestigieux festivals plutôt orientés films d’auteur (Toronto, Locarno, London Films Festival), et Rituparno Ghosh est aux commandes, l’homme auquel on doit Chokher Bali et Raincoat, des films subtils, forts, originaux, très bien construits même si leurs ellipses sont parfois désarmantes. Je n’ai hélas rien retrouvé de tout cela dans The Last Lear. Ni le grand débat théâtre / cinéma, ni la force intimiste de ses deux précédents films.

Au lieu de cela, un film décousu, avec plusieurs histoires sans aucun rapport les unes avec les autres, qui s’attardent sur des éléments dont l’intérêt m’échappe totalement, comme le combat de Harry (Amitabh Bachchan) et Siddharth (Arjun Rampal) contre les passants qui urinent contre le mur de la maison. Il y a peut-être là une métaphore, mais je ne l’ai pas trouvée. Pas plus qu’un lien quelconque entre le film et le thème de la pièce de Shakespeare, The King Lear. Le film est une adaptation d’une pièce de théâtre d’Utpal Dutt, Aajker Shahjahan.

Pour résumer The Last Lear : Harry est un vieil acteur presque aveugle et caractériel, qui a abandonné la scène depuis des années et n’a jamais fait de cinéma. Il vit reclus avec sa compagne, Vandana (Shefali Shetty). Siddharth, un jeune cinéaste, vient le voir, le flatte, l’apprivoise, jusqu’à ce qu’Harry accepte de jouer dans son prochain film. Lors du tournage, Harry aide Shabnam (Preity Zinta) à exprimer son mal-être, lié à la jalousie maladive de son compagnon. Un accident survient, Harry est dans le coma. Lors de la première du film, Shabnam délaisse les projecteurs pour venir rendre visite au vieil homme. Accueillie par Vandana, elles entrent peu à peu dans l’échange de souvenirs et de confidences… Flash-back, huis-clos, on retrouve un peu de Raincoat ici. Sans la pluie, mais avec une tierce personne, la garde-malade (Divya Dutta), qui elle aussi souffre de la jalousie de son compagnon. Quel est le rapport entre ces jeunes femmes moralement persécutées par leurs conjoints, et les rapports de force entre le vieux lion et le jeune loup, thème principal du film ? Peut-être la persécution, justement. Mmmm… pas convaincue.

Les personnages sont curieusement dimensionnés, ou plutôt escamotés. Leurs comportements sont souvent contradictoires, sans que l’on sache ce qui a pu les convaincre ou les pousser à agir de telle ou telle façon. J’ai lu des critiques (plutôt flatteuses pour le film d’ailleurs) qui disaient qu’Amitabh Bachchan délivre ici sa meilleure performance, effectivement il déclame très bien Shakespeare, mais je l’ai trouvé beaucoup plus nuancé, émouvant, présent, dans Eklavya ou dans Black. Sa coupe de cheveux façon crinière le fait ressembler à Arjun Rampal, est–ce volontaire ? Ce dernier est totalement transparent, ce qui est très décevant quand on voit ce qu’il a été capable de faire dans Om Shanti Om et Rock On !! . Shefali Shetty, qu’on a pu apprécier en cousine blessée dans Le Mariage des Moussons et en épouse militante dans Black & White, est presque caricaturale ici, tant on ne comprend pas pourquoi son personnage est si agressif, notamment avec la garde-malade. Divya Dutta prend son air de chien battu d’Aaja Nachle, je la préférais en amie gentiment insolente dans Veer-Zaara. Preity Zinta est la seule qui ait un peu d’humanité et de consistance, dans un rôle peu expansif où on cherche en vain les fossettes. Les dialogues en anglais (sauf quand Preity s’adresse à son chauffeur !) accentuent le côté artificiel de l’ensemble.

Pas grand-chose à sauver donc de ce dernier lion, hormis quelques scènes : Amitabh Bachchan déclamant Shakespeare à pleine voix, cette jolie scène où Harry-Amitabh apprend à Shabnam-Preity à lancer sa voix contre les montagnes, leur dernière scène articulée entre un geste hésitant, quelques mots balbutiés, quelques lignes écrites par Shakespeare…
En cherchant bien, on peut aussi trouver la critique du monde doré et cruel du cinéma hindi. Mais là encore, on effleure seulement. Mieux vaut voir ou revoir le percutant Page 3, ou même Naach, plus réaliste.

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